Alphonse XIII,roi d'Espagne (1886-1931), le grand-père de Juan-Carlos Ier, mais aussi le petit-fils d’Isabel II, a lancé la production des films pornos espagnols. Il a financé des dizaines de courts et moyens métrages dont seuls trois sont parvenus jusqu’à nous : 'El confesor', 'El consultorio de señoras' (Le cabinet de consultation des dames) et 'El ministro'.
L’Espagne, si on en croit El Plural, est un des pays les plus friands de films pornographiques du monde. Une addiction qui vient de loin. Car il y a près d’un siècle les espagnols, avant de connaître la chape de plomb moralisatrice du franquisme, ont commencé à consommer de la pellicule pornographique. Et à en produire grâce à Alphonse XIII, grand-père de Juan-Carlos Ier.
Portrait arcimboldesque d'Alphonse XIII
Ce monarque constitutionnel, petit-fils lui-même de la sulfureuse Isabel II, de la dynastie des Bourbons, en compagnie d’amis aristocrates, organisait dans son palais royal des projections de films pornographiques venus de France ou de l’Amérique latine ; cette production plus ou moins clandestine avait une clientèle aisée*. Alphonse XIII n’était pas un cas isolé. Farouk roi d’Egypte, le Shah d’Iran, des membres de la famille royale de Russie étaient aussi amateurs de ce genre de projection.
Cependant, Alphonse XIII alla plus loin que ses pairs étranger dans sa passion pour la pornographie. Sans doute lassé de ces courts métrages aux scènes dénudées trop furtives ou au flou artistique, il décida de financer lui-même une série de films pornos plus naturalistes pour son usage personnel. Par le biais du Comte de Romanones, homme politique proche du monarque qui fut chef du gouvernement en trois occasions, Alphonse XIII commanda la réalisation d’une cinquantaine de courts-métrages pornographiques dans les années 20 du siècle passé. Seulement trois d’entre eux sont arrivés jusqu’à nous, sauvés de l’oubli dans un couvent (!) et restaurés par la Cinémathèque de Valence : Consultorio de señoras, El ministro et El confesor.
La production fut confiée aux frères Ramón y Ricardo de Baños, à la tête de Royal Films, à Barcelone. Ils avaient à leur actif les deux superproductions les plus chères du cinéma espagnol de l’époque : « La vie de Christophe Colomb et la découverte de l’Amérique » et « Don Juan Tenorio ».
Si leurs films méritent la qualification de pornographiques – ou d’obscènes, comme on les nommait à l’époque – c’est à cause des scènes de sexe explicites. Le cabinet de consultation des dames montre une série de rencontres sexuelles dans le cabinet d’un gynécologue ; El ministro nous raconte comment un caballero envoie son épouse plaider sa cause auprès d’un ministre en usant de ses charmes ; El confessor, certainement le plus intéressant des trois quand on pense que le souverain donnait des indications sur les thèmes, nous montre un prêtre, profitant de son emprise spirituelle, pour obtenir les faveurs de pénitentes.
Ces films muets en noir-et-blanc peuvent surprendre par le physique de leurs interprètes : femmes replètes– des pensionnaires de maisons closes – voire en surcharge pondérale nette et hommes plutôt minces (et qui ne quittent jamais leur liquette même quand ils copulent).
Ce qui ne fait aucun doute c'est le goût du financeur pour ces œuvres, ô combien contraires aux valeurs morales affichées par le régime politique de l’époque et celles que prêchait l’église catholique. Alphonse XIII – noceur avéré et coureur de jupons impénitent –transgressa sans vergogne, dans le privé, les mœurs qu’il feignait de suivre et même de défendre en public.
* Cependant, les films dits de bordel – projetés dans le salon d’attente des maisons closes de l’époque – touchaient une clientèle bourgeoise plus large.