Policiers mafieux, procureur et juge menacés d’assassinat, politiciens véreux se faisant offrir des fiestas dans un bordel par un magnat local, témoin passée à tabac… on est loin de la romance de l’évêque Salinas avec l’aristocratique Sonia Valenzuela mais plutôt dans de la série noire… bien noire.
C’est « Público », journal en ligne, qui nous apprend en exclusivité que Bartolomé Cursach, hommes d’affaires et magnat des nuits majorquines, a payé plus de 150 000 euros dans de joyeuses soirées sexuelles pour des caciques locaux du Parti Popular (PP) et des policiers. Dépenses découvertes sur le carnet de la « Madame » (en Français dans le texte) du bordel où se déroulaient ces fiestas.
Un vrai polar
En Juin 2017, à Palma de Majorque, une femme est passée à tabac à la porte de sa maison alors qu'elle sortait un sac poubelle. Deux hommes de main la jettent au sol, la battent, lui causant une grave blessure à la jambe. Avant de partir, ils lancent une menace : « Si tu ne retires pas les plaintes, nous te tuerons et tu finiras dans la poubelle ». La femme a dû être admise à l'hôpital Son Espases de Palma.
Malgré l’agression et les menaces, la victime reste ferme dans sa décision de collaborer avec la Justice. Trois mois plus tôt, elle s'était rendue au tribunal d'instruction où le juge Manuel Penalva et le procureur anti-corruption Miguel Ángel Subirán enquêtaient sur un complot policier lié au magnat majorquin de la nuit Bartolomé Cursach , en détention provisoire. à ce moment-là [du 3 mars 2017 au 28 avril 2018].
La femme a déclaré que plusieurs policiers locaux et plusieurs politiciens avaient bénéficié de services sexuels gratuits payés par Bartolomé Cursach, connu sur l'île sous le nom de Tolo Cursach. Elle avait en sa possession un carnet ayant appartenu à la madame du bordel où elle travaillait. La mère maquerelle étant décédée, elle avait récupéré le calepin en lui succédant.
Après cette agression brutale, elle a remis au tribunal ce calepin qui montre les paiements de Cursach pour des services sexuels offerts à plusieurs agents de la police locale et deux personnalités politiques d’importance à cette époque sur l'île.
Publico a pu accéder audit calepin, qui est versé dans l'affaire ouverte à la Cour supérieure de justice des îles Baléares contre le juge Penalva, le procureur Subirán et six agents du groupe anti blanchiment de la police nationale. Les parties sexuelles facturées à Cursach dépassent les 150 000 euros. Tous les services notés n'indiquent pas le prix, il n'est donc pas risqué d'en déduire que le chiffre final peut dépasser de loin ce total.
L'authenticité du calepin, n'a pas été mise en doute ; les enquêteurs ont mené une enquête détaillée sur ces révélations. Ils ont vérifié qu'en effet, un bordel était situé au deuxième étage d'un immeuble de la calle Lluís Martí à Palma qui fournissait des femmes prostituées pour des fêtes de Cursach.
Concernant l'identité des deux politiciens du PP et de deux commandants de la police locale qui apparaissent également, Antonio Vera Martínez et Juan Miguel Mut García , les enquêteurs ont pu vérifier qu'il s'agissait bien d'eux. Le carnet donne des références explicites. Par exemple, "Mairie, M. Rodríguez", c'est le seul conseiller avec ce nom de famille, et son numéro de téléphone portable est également apparu.
Ce Rodriguez, José María Rodríguez, ancien président du PP des Baléares, purge actuellement une peine pour une affaire de corruption. Rodríguez, 75 ans, était tout dans la politique des Baléares. Durant sa présidence, le PP des Baléares a remporté quatre majorités absolues consécutives, entre 1995 et 2007. En 2016, après avoir appris qu'il faisait l'objet d'une enquête pour sa relation présumée avec l'affaire Cursach , le PP l'a expulsé du parti. L'autre bénéficiaire présumé est Álvaro Gijón , ancien secrétaire général du PP des Baléares et ancien conseiller municipal de Palma, bras droit de Rodríguez, et aujourd'hui retraité de la politique. Il a nié sa présence à ces soirées sexuelles, où l'alcool et la drogue étaient consommés.
Joyeux anniversaire
Le carnet, qui couvre une partie de 2014 et pratiquement toute l'année 2015, montre des épisodes croustillants. Par exemple, le 29 août 2015, pour l'anniversaire de Rodríguez, une fête a été organisée dont le coût a atteint le chiffre de 14 000 euros. "Préparez trois filles et des gâteaux". D'autres fêtes pour Rodríguez étaient plus chères : 23 000 euros et jusqu'à 36 000 euros.
José María Rodríguez Barberá (cousin de Rita Barberá), Álvaro Gijón, et les commissaires Antonio Vera et Juan Miguel Mut ont fait l'objet d'une enquête, avec Cursach, pour corruption abusive, c'est-à-dire corruption effectuée non pas pour obtenir un avantage immédiat mais faire en sorte que le fonctionnaire ou l'agent public qui a reçu le cadeau se sente redevable envers le donateur.
Miracle : policiers, politiciens du PP et généreux donateur, Tolo Cursach, s’en tirent avec un non lieu dans l’affaire du bordel.
Et, entre temps, le procureur et le juge qui instruisaient le dossier ont non seulement été écartés mais mis en accusation !
À l’été 2015, deux policiers locaux font irruption dans une réunion de direction et profèrent des insultes et des menaces de mort à l’encontre du procureur Miguel Ángel Subirán et de la juge Carmen González qui enquêtaient sur eux.
Une enquête a été ouverte sur cet irruption, mais aucun des commandants de police présents à la réunion n'a donné la même version : l'un regardait par la fenêtre et n'a rien vu ; un autre a entendu les insultes contre la juge mais pas celles adressées au procureur ; et ainsi de suite pour toutes les personnes présentes. La juge a immédiatement demandé sa mutation et sera remplacée par Manuel Penalva.
Commence alors une longue campagne de harcèlement pour le procureur Subirán ! Accusé de pédophilie, il va devoir se défendre devant un tribunal majorquin.
Quant à la plainte concernant un plan présumé d'assassinat du procureur Subirán et du juge Penalva elle est restée sans réponse !
Accusés acquittés, juge et procureur accusés
Et tandis que tous les accusés de l’affaire Cursach étaient tous acquittés, ce sont le juge Penalva et le procureur Subirán qui vont être jugés dans quelques mois. Ils sont accusés de révélation de secrets, de détentions illégales et d'entrave à la justice dans plusieurs pièces issues de l'enquête sur la mafia policière. Au total, le procureur anti-corruption demande 118 ans pour Penalva et 121 pour Subirán.
Quant à Gijón et Rodríguez, s’ils ont été condamnés fermes à trois ans et demi de prison, c’est pour avoir truqué des marchés publics sur l'attribution des automates de stationnement à Palma en faveur de la société de publicité Over Marketing.
On ne pourra pas dire que la magistrature espagnole fait preuve de corporatisme, puisque c'est le procureur d'une cellule anti-corruption qui met en cause son collègue de Palma de Majorque ! Público ayant visiblement pris parti pour le juge et le procureur majorquins on se gardera de toute conclusion.... quoique !
Sources :
Acusaciones falsas de pederastia y bulos sobre su vida íntima: así se fraguó el acoso contra el fiscal Subirán en el 'caso Cursach'
La denuncia sobre un supuesto plan para matar al fiscal y al juez de 'Cursach' lleva tres años sin respuesta de Anticorrupción
Cursach pagó más de 150.000 euros en fiestas sexuales para cargos del PP, según la agenda de un prostíbulo mallorquín