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11 juillet 2016 1 11 /07 /juillet /2016 21:15
Amores Santos (Saintes Amours)

Commençons d’abord par la douce romance du Padre Alberto Cutié et de sa belle Ruhama Canellis. Un prêtre catholique et aussi cathodique. Beaucoup plus sordides sont les « Amores Santos », documentaire qui dénonce l’hypocrisie des ecclésiastiques  sur l’homosexualité.

   Scandale ! un tabloïd de langue espagnole qui jette en pâture à la communauté catholique hispanophone états-unienne, en particulier de Floride, les images du très cathodique Padre Alberto, sur la plage, échangeant caresses et baisers avec une gente dame. En maillots de bain tous les deux. Si on ajoute que ladite dame est divorcée, avec un garçon, on imagine la tempête dans les bénitiers.

  Notre Padre, Alberto R. Cutié, dit Padre Alberto, est né le 29 avril 1969 (année érotique), à San Juan, Puerto Rico, de parents cubains ayant fui le castrisme. Dans sa jeunesse il fut DJ, avant de trouver sa vocation et d’être ordonné prêtre dans l’archidiocèse de Miami. Sa famille y avait migré pour rejoindre la colonie des exilés cubains. Il est vite devenu une vraie vedette des médias, radio et  presse écrite d’abord, puis télé où il animait une émission journalière (un talk show comme ils disent) intitulée Cambia tu Vida con el Padre Alberto, Change ta vie avec le père Albert ! (Rien à voir avec le « Père Albert » interprété par le grand tintinophile Albert Algoud).

Comble de la gloire médiatique, en 2002 il anime une émission  Hablando Claro con el Padre Alberto qui diffuse sur tous les Etats-Unis, le Canada, l’Espagne et l’Amérique latine ! Et il publie un best-seller : Real Life, Real Love en Anglais, Ama de Verdad, Vive de Verdad en Espagnol, en 2006.

Amores Santos (Saintes Amours)

  

Mais en mai 2009, celui qui avait été surnommé aussi Father Oprah – allusion à un talk show célèbre animé par Oprah Winfrey – va être obligé de se mettre en congés médiatiques,   après la parution de ces photos où on le voit donc embrasser et caresser Ruhama Buni Canellis, sur une plage publique. Comme un « coming out », puisque tel un fouteux passant du Barça au Real, il s’auto-transfère dans la schismatique église anglicane, l’église épiscopale.

 Et comme dans les contes, ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants : il épousa sa belle divorcée – en blanc ! – et lui fit deux gniards (à ce jour) qu’il baptisa lui-même.

Et il en fit un livre Dilemma : La Lucha De Un Sacerdote Entre Su Fe y el Amor (Dilemme : la lutte d’un prêtre entre sa foi et son amour ! Un sous-titre digne de la collection Harlequin).

 

 

Amores Santos (Saintes Amours)

 

Amores santos !

Un évêque qui soulève sa soutane et dévoile une culotte de dentelle rouge. Un prêtre hurlant qu’on le traite de salope, de putasse et qu’on lui pisse dessus. Un autre nu dans sa propre sacristie devant une statue de la Vierge Marie. Ce sont des évêques, des religieux, des curés, des séminaristes… Ils sont anglicans, catholiques, évangéliques, baptistes… Et tous concluent de la même façon, par une éjaculation devant la webcam.

Amores Santos (Saintes Amours)

« Je n’aurais jamais pensé qu’il serait aussi facile d’enregistrer autant d’ecclésiastiques pratiquant le sexe par internet » a dit Dener Giovanini, réalisateur du documentaire « Amores Santos »

Le but de Giovanini était de mettre au grand jour l’hypocrisie de l’église et de dénoncer la violence subie par les homosexuels à cause des discours de haine homophobe des religions. L’élément déclencheur a été une vague d’agressions homophobes au Brésil. Mais au fur et à mesure, le documentaire s’est converti – si on peut dire – en une radiographie impitoyable des innommables perversions cléricales.

Tout a été conçu par le biais de Facebook. « Au début,  nous voulions seulement savoir si les religieux utilisaient internet pour avoir des contacts avec d’autres hommes. » Pour cette raison, Giovanini s’est servi d’un acteur de 25 ans. Il a été doté d’une fausse identité, sous le nom de Darico Macedo, avec une vraie photo. Il entre en relation avec des religieux. Et quand Darico révèle qu’il est gay, l’attitude des prêtres change radicalement : l’échange devient plus audacieux, plus épicé, et, invariablement, au bout d’un moment, il est invité à se dénuder devant la webcam.

Le réalisateur a été surpris du résultat : il n’aurait jamais imaginé qu’un si grand nombre d’ecclésiastiques, en quelque sorte, se débraguetteraient ! Il pensait qu’ils seraient plus prudents. Mais il semble que ces relations sexuelles, par écrans interposés, soient, pour eux, la chose la plus naturelle du monde. Giovanini assure que lui et son équipe ont à chaque fois vérifié que les interlocuteurs  qui ont échangé avec leur acteur appartenaient bien à une église, qu’ils étaient bien des religieux en activité.

   Son équipe a créé trois profils pour Darico Macedo, dont le vrai nom ne sera pas révélé pour des raisons de sécurité. Il y eut bientôt plus de 5 000 amis facebook. « J’ai perçu dès le début que sur la toile il n’y a aucune limite » a dit l’acteur, qui est aussi homosexuel dans la vraie vie... « Je suis conscient que je me suis beaucoup exposé et que, en quelque sorte, je me suis converti en activiste militant. Ça n’a pas été une décision facile, mais je n’ai aucun regret » dit-il.

D’un studio de Brasilia, décoré comme s’il s’agissait d’une chambre à coucher, le pseudo Darico va séduire des religieux de 36 pays différents avec utilisation du traducteur Google pour communiquer avec eux, quand ils n’étaient pas lusitanophones...

Au départ, seuls les religieux brésiliens étaient ciblés, mais par le jeu des amis des amis, le cercle a pu s’agrandir à d’autres nationalités. Ainsi fut démontré que l’homosexualité au sein de l’église est un phénomène mondial.

Il y avait beaucoup d’Italiens, dont certains étaient proches de hauts responsables du Vatican, comme le montrait leur page Facebook. Mais dans le film, on trouve aussi des prêtres et séminaristes allemands, espagnols, portugais ; l’Amérique Latine est bien représentée avec des chiliens, équatoriens, boliviens, colombiens, costaricains ;  les religieux états-uniens sont très réceptifs : un simple « Hi » et ils se lancent dans le jeu !

« Avec tous les fuseaux horaires, il y avait toujours quelqu’un prêt à jouer » raconte Giovanini, qui note qu’il était plus facile d’enregistrer des catholiques, car les protestants sont souvent mariés et devaient pouvoir s’isoler pour tenir des échanges homosexuels en ligne.

Au total l’équipe a réuni 500 h d’enregistrement… « Nous ne voulons nuire à personne » assure le réalisateur. Il concède que les protagonistes, enregistrés à leur insu, pourraient l’attaquer, mais ils auraient à assumer publiquement que ce sont eux que l’on voit à l’écran. Il reconnaît cependant le risque de briser la vie de certains si, bien que floutés, leurs proches pouvaient les reconnaître.

Le film comporte aussi des entretiens avec des parents d’enfants victimes d’attaques homophobes dont certains ont été poussés au suicide. Il inclut des images trouvées sur internet d’une jeune fille de 15 ans, qui saute d’une tour de télévision, parce qu’elle a été rejetée par sa famille à cause de son orientation sexuelle. Il fait état aussi du témoignage d’un ex-curé qui dit avoir connu des religieux qui séduisent des jeunes en leur procurant des drogues, comme l’héroïne ou la cocaïne, en échange de sexe, pour les garder accros !

 

Inutile de dire que ce film provoqua de peu charitables réactions et que, outre le torrent d’insultes sur les réseaux sociaux, le réalisateur a eu droit à des menaces de mort. Et, sauf erreur, si le documentaire a eu des échos en Espagne, par exemple, il n’en a eu aucun dans notre beau pays. Pudeur déontologique ?

Pour compléter :

« L’Eglise a été façonnée à la fois par une forte présence de prêtres homosexuels et par un discours très hétéronormatif »

 

D’une part, l’Eglise catholique développe un discours naturalisant et binaire, selon lequel il y aurait une nature masculine et une nature féminine, avec une différence infranchissable entre les deux, au fondement de la nécessaire complémentarité des sexes et de l’hétérosexualité obligatoire. D’autre part, elle met en place une organisation interne tout autre. En effet, la masculinité que l’Eglise place au sommet de sa hiérarchie de genre, celle des prêtres et des religieux, est une construction atypique : en sacralisant le prêtre, l’Eglise en a fait un être à part, dégenré et désexualisé.

En instaurant ce « bougé » du genre et l’idée que les fidèles sont voués soit au mariage hétérosexuel soit à la vie consacrée dans le célibat, l’Eglise catholique a restreint l’horizon des possibles pour des hommes et des femmes qui ne se sentent pas attirés par le mariage hétérosexuel : c’est la prêtrise ou la vie religieuse.

Cela dit, le clergé a pu être en certains lieux et en certains temps un espace protecteur dans un monde marqué par une homophobie généralisée.

L’Eglise a donc été façonnée pendant des siècles à la fois par une forte présence de prêtres homosexuels et par un discours très hétéronormatif. Les prêtres homosexuels ont organisé leur vie dans cet espace de protection et d’épanouissement relatifs, et parfois même d’ascension sociale, que ne leur aurait pas offert la société.

De la même manière, les couvents de religieuses ont été au XIXe siècle des lieux d’épanouissement pour des femmes qui voulaient échapper au mariage hétérosexuel, à la domination masculine au sein du couple, ou à la maternité.

Un des objectifs de la croisade antigenre lancée par le Vatican est, selon moi, de faire taire ses prêtres et religieux homosexuels pour que l’on ne sache pas publiquement que le sacerdoce sert aussi de placard.

le « placard ecclésial » est aujourd’hui en crise. Il est devenu transparent aux yeux des clercs eux-mêmes comme de certains fidèles. Ainsi des prêtres et religieux rencontrés au cours de mon enquête ont longuement évoqué ces profils de prêtres en soutane qui étaient connus dans l’univers clérical pour être « des grandes folles de sacristie », selon l’expression utilisée dans ce milieu, et qui allaient crier des slogans homophobes dans les défilés de La Manif pour tous.

J’ai enquêté pendant deux ans pour le compte de la commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise. Au vu de l’ampleur du phénomène, ni l’institution ni aucun groupe de pression catholique ne peuvent plus se permettre de donner des leçons de moralité sexuelle aux personnes LGBTQI, comme l’avaient fait l’épiscopat et La Manif pour tous lors des mobilisations de 2012-2013. Et surtout pas au nom de la protection de l’enfance.

Extraits de l'article

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