Dans sa croisade fanatique contre la gestation pour autrui, Mme Agacinski, épaulée par MM Bové et Onfray, demande son interdiction sur toute la planète. Cela même dans la version altruiste où il n’y a pas échange d’argent. Elle condamne donc Robert Badinter qui, avec la complicité de Michèle André, a déposé au Sénat en Janvier 2010 une proposition de loi tendant à autoriser et encadrer la GPA.
Le texte co-signé par Yvette Roudy ou Marina Vlady, en sus du philosophe de comptoir bas-normand, ne brille pas par la qualité de son argumentation. Ni de son honnêteté intellectuelle. Il ne mentionne la GPA telle qu'elle a cours notamment en Belgique ou au Royaume-Uni qu’incidemment et donne, sur deux longs paragraphes, dans le grand guignol sur les affreux risques encourus par les gestatrices ou les donneuses* – baptisées vendeuses – d’ovocytes.
Les malheureuses ne risquent pas moins que des maux aussi fréquents que la torsion ovarienne, le kyste ovarien, la ménopause précoce, des caillots sanguins, évidemment une tumeur cancéreuse, voire la mort !
Quant aux enfants, ils risquent eux une naissance avant terme, un décès à la naissance, un poids insuffisant à la naissance, des malformations du fœtus et une pression artérielle élevée.
Tout cela reposant sans doute sur des études scientifiques solides !
Or, une PROPOSITION DE LOI tendant à autoriser et encadrer la gestation pour autrui, enregistrée à la Présidence du Sénat le 27 janvier 2010 a été co-signée elle par Robert Badinter et par Michelle André.
Elle était le fruit d’une commission qui avait organisé une cinquantaine d'auditions ainsi qu'un déplacement au Royaume-Uni où une instance recueille les demandes et les accepte ou non en fonction des situations et fixe le dédommagement à donner à la gestatrice. Dédommagement tenant compte des frais occasionnés et non rémunération.
A l'époque l'UMP (devenu LR) participait donc aux travaux et Mme Morano se sentait même une vocation de "mère porteuse"
L’exposé des motifs rappelait d’abord que la maternité pour autrui constitue probablement une pratique séculaire permettant de remédier à l'infertilité d'une femme**.
Il constatait que depuis une vingtaine d'années, les techniques d'insémination artificielle et de fécondation in vitro permettent (…) à une femme de porter un enfant conçu en dehors de tout rapport charnel, avec les ovocytes d'une autre femme. Ainsi, ces nouvelles connaissances, qui donnent la certitude de la filiation biologique, permettent également de contredire les règles de la nature et contraignent à raisonner autrement en matière de filiation, non plus à partir de ces règles, mais à partir de principes éthiques.
On distingue ainsi la procréation pour autrui de la gestation pour autrui : dans le premier cas, la femme qui porte l'enfant est sa mère génétique ; dans le second, elle n'en est que la gestatrice, l'enfant ayant été conçu avec les gamètes du couple demandeur ou de tiers donneurs.
Il constatait aussi qu’en dépit de la prohibition de la GPA en France, des couples confrontés à la stérilité de la femme (certaines évaluations font état de 400 couples par an) n'hésitent pas à se rendre à l'étranger, dans les pays où la maternité pour autrui est légale ou tolérée. Il revenait sur le sort des jumelles qui a été ensuite, en principe, tranché par la CEDH, mais qui n’avaient pu être inscrites à l’état civil : la question reste posée du devenir des jumelles mais aussi de tous les enfants nés dans ces conditions qui ne pourront pas être les enfants de leur mère, celle qui les a voulus et sans la volonté de laquelle ils ne seraient pas nés. Avec toutes les conséquences qui peuvent en résulter, au-delà des règles de droit sur leur développement psychique et leur devenir d'adulte.
Pour l’essentiel la proposition de loi autorisait la GPA dans des conditions strictes proches de celles du Royaume uni : « Peut seule porter en elle un ou plusieurs enfants pour autrui, la femme majeure, domiciliée en France et ayant déjà accouché d'un enfant au moins sans avoir rencontré de difficulté particulière durant la grossesse puis l'accouchement. Une femme ne peut porter pour autrui un enfant conçu avec ses propres ovocytes. » « « La mise en relation d'un ou de plusieurs couples désireux de bénéficier d'une gestation pour autrui et d'une ou de plusieurs femmes disposées à porter en elles un ou plusieurs enfants pour autrui ne peut donner lieu ni à publicité ni à rémunération. » « Le juge fixe la somme que les membres du couple demandeur doivent verser à la femme qui portera en elle un ou plusieurs enfants pour leur compte afin de couvrir les frais liés à la grossesse (…) Aucun autre paiement, quelle qu'en soit la forme, ne peut être alloué au titre de la gestation pour autrui. » (NB c’est moi qui met en gras).
Parmi les signataires : outre Robert Badinter on notait donc Michèle André ex secrétaire d'État, chargée des droits des femmes et de l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, dans le gouvernement Michel Rocard du 23 juin 1988 au 15 mai 1991 ; Jean-Pierre Bel qui deviendra en octobre 2011 Président du Sénat ; Claire-Lise Campion qui fut la suppléante du Sénateur PS Jean-Luc Mélenchon, avant de devenir elle-même sénatrice ; Didier Guillaume, actuel Président du groupe socialiste du Sénat ; Bariza Khiari ex-membre de la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes ; Claudine Lepage membre de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes ; Roger Madec qui qualifiait déjà en janvier 2013 la démarche de Mme Agacinski anti adoption pour les couples homosexuels de récidive rétrograde ; Jean-Pierre Michel ex-secrétaire général du Syndicat de la magistrature, qui assume et va plus loin «Je suis pour la GPA pour tous les couples» ; François Rebsamen, actuel Ministre du travail ; Dominique Voynet ex-ministre de l'Aménagement du Territoire et de l'Environnement…
Autant, pour Mme Agacinski et consorts, d’abominables défenseurs, de partisans éhontés d’une violation des droits humains des femmes et des enfants. Et non contents de cela les croisés de l’anti-GPA nient le droit des enfants qui en sont issus être inscrit à l’état civil. "Inscrire à l'état civil les enfants nés par GPA serait un scandale" s’écrie la passionaria « Il leur manque la nationalité mais ils ont une vie familiale normale. Ils n'ont pas de problème pour la sécurité sociale ou l'école et rien n'empêchera le droit français de leur délivrer des attestations qui régleront les autres questions. » ajoute-t-elle avec un cynisme assumé.
Or, comme le rappelait la CEDH Les enfants concernés « n’ont pas de passeport français, n’ont pas de titre de séjour valable (même si elles sont protégées de l’expulsion par leur minorité), et pourraient se heurter à l’impossibilité de l’obtenir et donc de bénéficier à leur majorité du droit de vote et de séjourner sans condition sur le territoire français, et pourraient se trouver empêchées d’entrer dans la succession [de leurs parents]; de plus, en cas de décès du [père] ou de séparation, la [mère de fait] se verrait privée de tout droit sur les enfants, à leur préjudice comme au sien ; à l’occasion des démarches administratives où la nationalité française ou la filiation sont exigées (l’inscription des enfants à la sécurité sociale, à la cantine scolaire ou au centre aéré ou des demandes d’aides financière auprès de la caisse d’allocations familiales), ils doivent produire l’acte d’état civil [étranger] accompagné d’une traduction assermentée pour prouver la filiation et sont livrés au bon-vouloir de leurs interlocuteurs.»
Ces enfants qui, comme tous les enfants d’ailleurs, ne sont absolument pour rien dans les conditions de leur naissance doivent donc, pour Mme Agacinski, être punis parce que leurs parents ont contrevenu à la loi en vigueur en France. Ils sont en fait considérés par nos croisés comme des bâtards des temps modernes, enfants de seconde zone, voire des marchandises de contrebande.
Derrière les grands principes, l’inhumanité !
* Nos signataires ne mentionnent pas les donneurs/vendeurs(?) de sperme qui risquent eux la surdité (France) ou la cécité (Espagne).
** Dans Intouchables, Driss, le personnage interprété par Omar Sy, est, apprend-on, fruit de cette pratique séculaire : il a été donné par la sœur à sa mère officielle qui se croyait infertile, mais qui aura ensuite ses propres enfants.
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