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17 avril 2012 2 17 /04 /avril /2012 10:59

APeillon asi

 

Antoine Peillon à @rrêt sur images

 

Souvenez-vous des rodomontades de Nicolas Sarkozy, en septembre 2009, à la veille du G20 de Pittsburgh, quand il nous assurait lors d’une interview donnée à TF1 et France 2 : “Il n’y a plus de paradis fiscaux. Les paradis fiscaux, le secret bancaire, c’est fini !” Souvenez-vous du beau discours qu’il a prononcé, le 27 janvier 2010, à Davos,  pour l’ouverture du quarantième Forum économique mondial : “Nous sauverons le capitalisme et l’économie de marché, en le [sic] refondant et, oserai-je le mot, en le moralisant.” (Introduction de "Ces 600 milliards qui manquent à la France")

 

Ce n’est pas un journaliste de l’ultra-gauche, mais Antoine Peillon (La Croix) dans un livre publié au Seuil, que même Guéant aura de la peine à faire passer pour une maison d’éditions de la mouvance anarcho-autonome qui publie cette enquête sur la colossale évasion fiscale que subit la France (pour nous consoler ses voisins aussi). 600 milliards d’euros : c’est la somme astronomique qui se cache depuis des décennies dans les paradis fiscaux, soit près de 10% du patrimoine des Français, nous dit la présentation du livre. En conséquence, chaque année, plus d’un tiers de l’impôt potentiel sur les revenus français – soit près de 30 milliards d’euros – n’est pas perçu.

 

La situation de la France et plus globalement de l’Europe, présente officiellement un déficit entre dettes et créances : il est à chercher dans l’évasion des capitaux dans les paradis fiscaux.

 

Il n’y a pas que la Grèce ou l’Italie pour frauder le fisc. Le fraudeur spolie le fisc au moins doublement : les comptes off-shore comme on dit, autrement dit les comptes clandestins, donc non déclarés par définition, échappent à l’ISF, les revenus qu’ils procurent, à l’impôt sur le revenu. Que la fraude fiscale existe, tout le monde le sait, parfois d’expérience : l’artisan, la femme de ménage (n'est-ce pas M. Lellouche ?), payés « au black », les oublis dans la déclaration de revenus, etc. où le petit fraudeur devient complice des plus gros, amateurs par exemple de travailleurs clandestins. En tout, une fraude fiscale interne évaluée à 50 milliards d’euros.

 

 

 

 

Mais ce qui est étonnant, c’est qu’alors que le phénomène de l’évasion fiscale est connu, que son mécanisme même a été démonté, qu’une banque, comme la fameuse UBS a une filiale parisienne qui présente un déficit constant, anomalie totale, que des conseillers Suisses prospectent illégalement jusqu’aux gagnants du loto pour leur faire miroiter les charmes des comptes en Suisse, alors que l’impayable Woerth agitait il y a peu une liste de 3000 noms, rien ne se passe.

 

Pour A. Peillon, le Ministère des Finances est évidemment au courant. Un de ses informateurs, ex-commissaire de la DCRI, l’assure que le secteur policier chargé de contrôler la sécurité de notre économie fait preuve d’une étrange incurie, qui ressemble à une « contre-performance volontaire ». Comme qui dirait du sabotage. Et ce n’est pas tout : fin 2009, après que Sarkozy avait annoncé la fin des paradis fiscaux, une salariée de l’UBS a déposé plainte contre les pratiques de sa banque : le parquet de Paris n’a ouvert aucune instruction. Mieux – ou plutôt pire – encore, l’Autorité de contrôle prudentiel de la Banque de France a transmis une note au Parquet de Paris, encore. Une enquête a été confiée au Service national de douane judiciaire (SNDJ). "L’investigation du SNDJ n’a toujours pas conduit le parquet, en la personne du vice-procureur de Paris (…) à transformer l’enquête préliminaire en véritable instruction judiciaire."

 

La clé de ce blocage est peut-être à chercher du côté du juge Gentil à Bordeaux. L’évasion fiscale a-t-elle servi à des trafics d’influence et au financement illégal d’un parti ? Où l’on retombe sur l’affaire Bettencourt. Ce qui est sûr, c’est qu’à l’insu de son plein gré, elle possédait des comptes en Suisse. Ce qui est avéré, ce sont des mouvements de fonds de 20 millions d’euros entre 2005 et 2008. Ce sur quoi existent des témoignages concordants : des enveloppes kraft étaient distribuées généreusement par André Bettencourt, générosité qu’aurait poursuivie, après son décès, au nom de sa patronne,  son gestionnaire de fortune, de Maistre, actuellement écroué. "Les générosités de la milliardaire vis-à-vis des champions politiques expliqueraient-elles cette timidité judiciaire ?" se demande Antoine Peillon. (d’après Anne-Sophie Jacques @si).

 

D’autant que les fameuses mesures censées mettre fin au secret bancaire des paradis fiscaux sont du pipeau. Les accords bilatéraux qui devraient aboutir à lever ce fameux secret sont inopérants. Le fisc doit faire des demandes nominatives : autrement dit, ça ne peut que confirmer une enquête déjà bouclée. Un test réalisé par Bercy a abouti à un taux de réponse de 30%, les Suisses se montrant particulièrement peu coopératifs, arguant de questions de forme.  Comme le souligne Gabriel Zucman, il faudrait que l’Europe contraigne « les paradis fiscaux à échanger automatiquement les informations qu’ils détiennent. » Ainsi «  À chaque fois qu’un ménage français touche un dividende sur le compte en Suisse qu’il possède via une société-écran panaméenne, la Suisse devrait envoyer cette information à la France. »

 

Les paradis fiscaux se portent bien. Les plus riches escroquent annuellement 30 milliards au fisc, c’est-à-dire volent notre pays de cette somme. Le parquet, aux ordres du pouvoir, bloque les instructions malgré les dossiers qui s’accumulent. Cependant, cette fraude fiscale qui pulvérise – surtout si on y ajoute la fraude interne – toutes les fraudes dites sociales, n’est pas mise en relief et dénoncée avec toute la vigueur qu’elle mérite. Son éradication devrait être une priorité.

 

 

APeillon 600milliards

 

 

 

 

 

 

 

 

Ces 600 milliards qui manquent à la France. Enquête au coeur de l'évasion fiscale, par Antoine Peillon Le Seuil, 2012.

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