J-F Launay a raison de rappeler quelques évidences sur les sondages d’opinion, y compris les contradictions dues à une période préélectorale. En gros, les Français s’y intéressent sans être passionnés et disent ne rien prédire tout en ayant des souhaits et des opinions. Ce n’est pas nouveau. Mais, pendant que les « gros medias » se servent des sondages quand ils arrangent leurs patrons et leur tordent le bras en cas contraire, les « instituts », autrement dit les supposés thermomètres, utilisent les mêmes techniques pour donner des résultats différents, avec des écarts amplifiés selon le media qui paie et publie. Rappel de banalités politico-friquées.
Un sondage d’opinion classique porte sur un échantillon « représentatif » d’environ 1000 personnes représentant l’éventail de la population française. Elles sont consultées par téléphone ou Internet, avec des panels établis. La marge d’erreur est estimée à plus ou moins deux points, en s’affinant quand les scores s’écartent de 50 % vers le haut ou le bas. L’incertitude centrale est énorme, environ 4 points.
Publication minoritaire
Les spin doctors, formés aux sophismes, objectent qu’un résultat unique au moment T est moins fiable que l’évolution des résultats sur des semaines ou des mois. Dont acte. Ils ont découvert qu’un Powerpoint est plus bavard qu’une photo. Ils oublient, et s’en défendent comme des chacals devant un autre carnassier, que les sondages existent parce que des medias publics ou des entreprises privées les achètent. Ces mêmes bienfaiteurs auraient des intérêts politiques et financiers différents que cela ne surprendrait personne, sauf l’accro à TF1 ou BFMTV.
Les sondages « politiques » sont très minoritaires par rapport aux mesures d’opinion liées au business et à la consommation, et l’ensemble est majoritairement non publié. La question est donc de savoir pourquoi certains résultats sont rendus publics, en particulier avant élections.
Apport de buzz très apprécié…
D’abord parce qu’ils ont valeur prédictive, niée mais réelle, pour les publics des medias, quoi qu’en disent les « conseillers spécieux ». Ils ont donc une influence sur les choix définitifs, primaires PS incluses. Ségolène Royal en a profité en 2006, François Hollande en 2011 après la chute de DSK. Un « bon » sondage (donc inhabituel, genre « croisement des courbes ») fait vendre du papier, attire les connexions et les spectateurs des envoyés spéciaux auprès du téléphone. D’autre part, il crée du buzz professionnel en faveur du media qui publie. C’est tout bénef et pas très cher en investissement.
Ensuite parce qu’ils influencent directement les fameux « corps intermédiaires » qui font écran entre le peuple et le vrai chef, ces clans de professionnels de la politique, des medias, de la justice, de la culture, des universités et autres mammouths éducatifs, ces intellos nuisibles sans lesquels le Führerprinzip pourrait descendre directement vers le Frankreichsvolk.
Venus Institut, bien profond
Certains juristes, évidemment corrompus intellectuellement, appellent cela referendum et disent qu’il est rare de pouvoir répondre à une question politique par « oui » ou « non ». Ces casuistes feraient mieux d’appeler un chat un greffier. Le nom exact est « plébiscite », et c’est en effet la plèbe qui doit répondre « oui » au chef. C’est plus clair que les consultations filandreuses avec des « échantillons » de peuple.
Enfin parce que les sondages d’opinion sont comme la chair humaine et certains métaux : flexibles et donc malléables. Suivant la conclusion que je veux publier, je ne vais pas travailler avec la même boîte, et surtout pas avec les mêmes questions. Il y a une légère différence entre « Voulez-vous que François Hollande soit élu ? » et « Désirez-vous la défaite de Nicolas Sarkozy ? ». À remarquer : la part « nsp » (ne sait pas) est carrément virée dans certains titres. Je vais donc choisir l’institut qui conviendra le mieux à mon genre de beauté, de préférence là où j’ai des amis fidèles, ceux qui aiment ma signature sur les chèques. Ils ne vont pas me saouler avec des commentaires fielleux sur la pertinence ou le flou des questions, pas plus que sur les critères pifométriques de « redressement » statistique des frontistes. Si le président change, ce qui est probable, je travaillerai volontiers avec d’autres, qui deviendront de vieux potes. Comme disent les sondeurs, seuls les imbéciles ne changent pas d’avis…
Gilbert Dubant