Darcos, qui fera encore pire avec la semaine de quatre jours, en instaurant les évaluations CM2 en cours d’année, a mis fin aux « évaluations 6e » (et CE2)* instaurées en 1989. Non sans se heurter, à l’époque, au scepticisme et aux réticences des enseignants. J’ai encore en mémoire un échange avec une prof de maths, à qui je tentais d’expliquer que ce test lui permettrait de bien diagnostiquer les difficultés éventuelles de ses 6e, me répondre « Mais M. le principal je n’ai pas besoin de cela, dès la première semaine, je fais mon diagnostic ».
Ces évaluations en Français et Mathématiques, passés dès le début de l’année, portaient bien sûr, sur les acquits du CM2. Passées au collège, donc pour des élèves provenant et du collège lui-même (les redoublants) et de différentes écoles, elles attiraient moins le soupçon actuel d’un classement des écoles en fonction des performances.
Au niveau national, sur près de 20 ans, elles ont permis de mesurer des évolutions. Elles introduisaient même quelques éléments de cultures statistiques.
Sur le terrain, dans ce qu’on appelle le « bassin S.. -V…. », l’ensemble des évaluations des différents collèges étaient regroupés. Le danger était que cet échange des données induise un classement. Mais les personnels de direction ont tous pris conscience que se situer dans un ensemble plus vaste, en attendant les données départementales, académiques et nationales, permettait une meilleure analyse des résultats globaux de leur collège et des spécificités de leur zone de recrutement.
Ces évaluations nourrissaient aussi les liaisons CM2-6e, leur faisant perdre un côté un peu formel avec la double présidence de l’IEN et du principal. Les instits, un peu crispés pour certains, perdaient vite leur réserve quand ils comprenaient que leurs collègues du collège ne jugeaient pas le résultat de « leurs » ex-élèves, mais échangeaient avec eux sur l’analyse globale des évaluations. Le climat de confiance s’est affermi d’année en année. Je me souviens encore, qu’alors que des instits de CM2 déploraient des résultats « médiocres », comme on dit, sur telle ou telle notion, les profs de math de 6e de leur dire que c’était normal et que ladite notion était reprise en 6e. En revanche, le consensus se faisait souvent pour insister sur une autre notion jugée plus essentielle.
Autre intérêt de cette évaluation : elle permettait d’évaluer un des exercices les plus délicats, la constitution des classes de 6e. Dans un petit collège qui, bon an mal an, comptait une bonne centaine de 6e, il fallait bien sûr tenir compte du genre (filles/garçons), de l’âge, éviter des classes ville vs campagne, mais éviter aussi que des élèves venant de petites écoles soient totalement isolés. Et aussi essayer de mettre en place des classes également hétérogènes quant au « niveau » des élèves. Exercice délicat, car chaque école avait sa méthode d’évaluation (lettre, couleur, appréciations…) qu’il fallait décoder (exercice peut-être vain : une répartition aléatoire ne tenant compte que d’éléments objectifs –sexe, âge, provenance – aurait peut-être était aussi sûre). L’évaluation 6e permettait, d’année en année, de vérifier si l’objectif d’hétérogénéité comparable était atteint.
Sans entrer dans le débat sur les actuelles évaluations – que Sylvain Grandserre** est éminemment mieux à même de mener – on constate les pertes causées par l’abandon arbitraire des évaluations 6e.
1°) une observation sur de nombreuses années de l’évolution des résultats, non seulement globaux, mais pouvant porter sur des éléments précis, et cela nationalement, par académie, par département (et plus artisanalement, par bassin de formation).
2°) passées au collège mais portant sur les acquits de CM2, elles étaient un élément incontournable des liaisons CM2-6e
3°) elles étaient un outil précieux pour les profs concernés bien sûr – et avant tout - mais aussi pour les équipes de direction.
Il m’est arrivé de qualifier de Robien de ministre de l’EN le plus calamiteux depuis Allègre, avec, notamment, son imbécile prise de position sur la lecture. Mais Darcos, pourtant du sérail, fut encore plus calamiteux !
* Les évaluations diagnostiques sont, depuis 1989, des outils professionnels qui aident les enseignants à déterminer les acquis et les faiblesses des élèves.
Les résultats nationaux ne sont que des repères. Ils ne sont en aucun cas des normes et n'ont de sens qu'accompagnés de leurs commentaires pédagogiques. L'information apportée par l'évaluation nationale de ce2 et de 6e en français et en mathématiques ne constitue pas un bilan de cycle 2 ou de cycle 3 mais un diagnostic, au début d'un nouveau cycle scolaire, des réussites, des erreurs et des difficultés éventuelles de chaque élève par rapport à son avancée dans les apprentissages.
** « Qui a besoin de ces évaluations nationales de CM2 ? » Le Café pédagogique 17/XII/10. (S. Grandserre est notamment l’auteur de École : droit de réponses Hachette 2007)