Quatrième but espagnol. Torres qui venait de marquer le troisième, à peine rentré, passe à Mata qui lui venait de remplacer Iniesta. Et Mata marqua. Alors que Torres aurait pu, égoïstement, tenter lui-même le but pour devenir le meilleur buteur du tournoi. Quel meilleur symbole de l’esprit collectif de l’Espagne, que ce cadeau fait à un joueur que Del Bosque faisait entrer pour quelques minutes finales.
N’ironisons pas sur les majoritaires pronostiqueurs de la victoire italienne. Et ces grands techniciens et consultants de tout poil qui nous expliquaient doctement que le jeu des ibères atteignait ses limites, que cette possession indécente du ballon était bien stérile. De fait, la confrontation avec le Portugal ne s’était réglée qu’à la roulette des tirs aux buts.
Et pendant ce temps, l’Italie, qui ne se cantonnait plus dans son catenacio, montait en puissance. Elle éliminait les allemands avec brio par un jeu offensif sans fioritures et un buteur qui répondait aux racistes de la plus brillante façon par deux buts splendides.
Des deux côtes des entraîneurs, remarquables de sang-froid et de modestie, ne changeaient rien à leurs principes pour la finale. Pas de dispositif défensif spécial Iniesta-Xavi du côté italien. Pas de défenseur voué au marquage à la culotte de Balotelli. Deux attaquants de pointe chez les uns. Pas de véritable avant-centre, chez les autres. Les deux conceptions de jeu offensif s’affichaient. Deux équipes aussi avec une ossature de clubs : la Juve pour l’Italie, le Barça avec renfort du Real (en particulier le gardien) pour l’Espagne.
En un quart d’heure, la messe était dite : Fabregas, par un centre en retrait millimétré, comme disent les spécialistes, offrait un but de la tête à Silva. L’Espagne sortait enfin d’une relative impuissance. Certes ce fut ensuite l’Italie qui eut la maîtrise de la balle. Mais Casillas, le gardien de but, montrait qu’il était au niveau de Buffon. Et Ramos matait Balotelli, trop individuel. Bien que toujours aussi vaillante, c’est toute l’équipe d’Italie qui jouait un ton en dessous de son match précédent. Pirlo n’avait plus le même rayonnement. Buffon – qui ne pouvait absolument rien sur les quatre buts – semblait moins sûr. Et même le sélectionneur Prandelli, celui qui avait su faire vivre cette équipe et incorporer deux joueurs particulièrement caractériels (Cassano et Balotelli), procédait à trois changements, avant la 60e minute, se privant de solution en cas de coup dur. Ce qui arriva avec la claquage de Motta.
Comparer l’équipe de France à celle d’Espagne serait cruel. Il suffit de constater que Xavi ou Iniesta, en possession de la balle, ont toujours plusieurs solutions qui s’offrent à eux. Que les doublements de passes, même répétés, font bouger la situation. Que les une-deux ne s’arrêtent pas à une-sans-deux. Que les appels de balle sont constants, même s’ils ne sont pas suivis d’effet. Que les attaquants, milieux voire défenseurs se croisent et se dédoublent, sans se marcher sur les pieds. Que la passe au gardien n’est pas un pis-aller. Ne parlons pas du sang-froid de défenseurs échangeant des passes, dans leur surface, sous le pressing adverse… Surtout, répétons-le, les deux équipes avaient une véritable ossature.
Et Mata, qui n’a joué que quelques minutes dans tout ce championnat d’Europe, mais les dernières, Mata a ri, après ce but, cadeau de Torres.