« La France est l'un des pays du monde où le temps au travail est le plus faible. On embauche plus tard quand on est jeune. On débauche plus tôt, bien avant d'être vieux et inapte, ce qui ne devrait être réservé qu'à ceux qui effectuent des travaux pénibles. Dans l'année, certaines professions ne travaillent qu'à peine un peu plus d'un jour sur deux » écrit François Régis Hutin, dans un édito d’Ouest-France, intitulé « Non au déclin » (29/05/10).
Il semble insinuer que la France est une nation de sybarites. Comme si le quart des jeunes de moins de 25 ans, à la recherche d’un emploi et qui n’en trouvent pas et les plus âgés qui ne sont plus que 38 % à avoir un emploi au-delà de 55 ans étaient, en fait, d’infâmes paresseux abusant de grasses indemnités pour ne rien faire.
Le sort fait aux jeunes comme aux plus âgés est, curieusement, peu rappelé dans le débat actuel sur les retraites.
Parmi les jeunes ayant un emploi, un bon tiers est abonné aux emplois précaires. Certains d’ailleurs bénéficient d’emplois publics – contractuels, vacataires – contraires au droit du travail, interdisant les contrats temporaires au-delà de dix-huit mois ! Ceux qui ont les plus faibles niveaux alternent petits boulots divers et périodes de totale inactivité.
Pour les plus de 55 ans seule l’Italie fait moins bien que la France ! Le " plan national d'action pour l'emploi des seniors ", lancé en 2006, a eu autant d’effet que l’eau sur les plumes du canard. Et entendre Mme Parisot, patronne du MEDEF, demander de repousser l’âge légal de la retraite à 63,5 ans et d’allonger la durée de cotisations, alors que ses mandants continuent de jeter dehors les travailleurs âgés comme des kleenex usagés, donne des haut-le-cœur. La dernière trouvaille du patronat, relayé par l’UMP, est qu’en repoussant l’âge de la retraite, ça faciliterait l’emploi des plus de 55 ans (voire plus de 50 ans) : ce qui s’appelle, en bon français, se foutre de la gueule du peuple !
Faut-il aussi rappeler que plus du tiers des salariés – surtout des salariées – ayant un emploi à temps partiel, travaillent moins qu’ils(elles) le voudraient ?
Alors les beaux propos moralisateurs et culpabilisants de M. Hutin – « Nous n'avons pas le droit de laisser croire aux Français que notre pays peut continuer ainsi. En effet, la poursuite dans cette voie mènerait tout droit au déclin » – sont quelque peu indécents.
Croit-il donc que le sous-emploi des jeunes et des plus de 50 ans soit le fait de ceux qui en sont victimes ? Et s’est-on demandé comment des jeunes, environ 20 % de ceux qui sont sur le marché du travail, qui alternent emplois précaires et périodes d’inactivité, pourront atteindre le nombre d’annuités prescrit.
Alors qu’on nous rebat les oreilles avec du « systémique » sur tous les sujets, on essaie de nous faire croire que la question des retraites est indépendante de celle de l’emploi. Si l’on accède à un véritable emploi qu’à 25-30 ans et qu’on est mis au rebut à 55 ans, autant cracher en l’air que de débattre sur la durée de cotisations et l’âge de la retraite !