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4 octobre 2009 7 04 /10 /octobre /2009 17:26

Dans Le Monde (02/10/09), on peut lire deux réactions négatives de Philippe Meirieu, la bête noire des anti-pédagogues et de Jean-Paul Brighelli, imprécateur attitré de la rétropensée, à l’expérimentation d’une cagnotte anti-absentéisme.

 

Pour éviter les chiffres fantastiques, quelques données. En moyenne, en France, 5% des élèves du second degré sont absents plus de quatre demi-journées par mois, selon une étude menée en 2004 par la direction des évaluations et de la prospection (DEP). Mais cette moyenne couvre en réalité de fortes disparités. La moitié des établissements qui ont participé à l'étude comptabilise 2 % d'élèves absentéistes, mais un sur dix en enregistre 15%. Les lycées professionnels sont les plus touchés par ce phénomène (10 %), puis viennent les lycées d'enseignement général et technologique (5 %) et enfin les collèges (2%).

 

Sans entrer dans une analyse approfondie, on peut noter que très souvent, c’est le signe d’un malaise. « Je me souviens notamment d’un élève qui multipliait les absences et qui, lorsqu’il était présent, s’endormait en classe,  témoigne un professeur. En le questionnant, je me suis aperçu qu’il travaillait de nuit, aux halles de Rungis. » Dans certaines familles, il peut arriver que les filles prennent le relais des parents pour s’occuper de leurs frères et sœurs plus jeunes. Sur-responsabilisées, elles doivent jongler entre travail domestique et école. Plus globalement, une orientation non désirée dans telle filière professionnelle, peut expliquer l’absentéisme.

 

Martin Hirsch, haut-commissaire à la jeunesse, veut donc expérimenter la mise en place d’une cagnotte collective pour lutter contre l'absentéisme dans trois lycées professionnels de la région parisienne. Dans chacun des trois établissements, elle prévoit la mise en place d'une cagnotte collective par classe abondée jusqu'à 10.000 euros maximum afin de financer un projet. Si les lycéens respectent un "contrat" en termes d'assiduité et de comportement, ils pourront voir leur projet - permis de conduire ou voyage - financé en partie grâce à cette cagnotte.

 

Philippe Meirieu, cible d’attaques particulièrement ignoble d’un Finkielkraut, mais visé aussi par un Jacques Julliard, se dit viscéralement horrifié par cette initiative. Jean-Paul Brighelli, chef de file des réacs, vocifère, comme à son habitude : « C'est un comble. Un exemple déplorable, méprisable. » Mais le premier, loin de viser les viscères, incite à la réflexion : « La difficulté d'éduquer déclenche chez certains adultes une forme de panique, amenant à envisager les options les plus abracadabrantes. C'est aussi une des conséquences de l'obstination des adversaires de la pédagogie. A force de ne pas vouloir traiter sérieusement la question de la motivation des élèves, on en vient à ces aberrations. » Le second profère des énormités : « C'est un peu comme si on félicitait des élèves de venir en classe, d'écouter et de ne pas violer la prof sur le bureau (sic) ! On invoque le pragmatisme. Le recteur de Créteil va jusqu'à soutenir que cela responsabiliserait les élèves. Ahurissant ! » Et dans un grand élan rétrograde, il propose tout de go, de supprimer le collège unique !

 

Philippe Meirieu, avec vigueur, élève le débat au-delà de l’imprécation : « On nous dit que c'est pour financer des projets dans les classes concernées, mais ces projets sont bien subordonnés à une sorte de rémunération de la présence. C'est scandaleux. C'est galvauder à la fois la notion de présence et celle de projet. En phase avec un contexte général de marchandisation, c'est un renversement complet du sens de l'école, lequel ne serait plus donné que par une rétribution. C'est une atteinte à ce qui fonde anthropologiquement l'échange éducatif. Car cet échange doit donner à la personne le goût d'aller au-delà, de se projeter dans l'avenir. Ce qui fait grandir l'élève, c'est la gratification symbolique, pas matérielle. C'est la fierté d'avoir réussi, d'avoir relevé un défi, franchi une étape. Le registre matériel clôt l'échange alors que le symbolique l'ouvre. »

 

Alors, contrairement aux apparences, ce n’est pas Meirieu et Brighelli, même combat. Le gouffre, qui sépare la pensée réfléchie sur l’élève de l’un et la vocifération rétrograde et lassante de l’autre, n’est pas près de se combler. 

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