« Elle pince, elle griffe, elle mord », voilà ce que nous disions de Christine C., à la maternelle (qu'on appelait "asile" à l'époque), fille d'un notable de notre charmante cité des roses. La non moins charmante Christine, aux mœurs enfantines assez sauvageonnes, n'a pas sombré, autant que je sache, dans la délinquance ni juvénile, ni adulte.
Avec un Frédéric Lefebvre, dit le pitbull sans rouge à lèvres, elle aurait été classée, fichée, dès ses trois ans, comme à risques. Mais ne jetons pas la pierre à cet aboyeur, il ne fait que reprendre une idée de son maître (celui qui fait président), appuyée par un rapport de l'Inserm, idée mise au placard devant le torrent de protestations.
Faudra-t-il défendre, pour de meilleures raisons que Greilsamer, la soldate Dati ?
En bonne continuatrice de la politique ultra répressive de l'ex-ministre de l'intérieur, qui fait maintenant président, dans la droite ligne aussi de ses agressions contre la presse (qui ne se souvient de son agression verbale contre Joffrin, Libé déjà, en conférence de presse), elle défendait la magistrate qui avait ordonné l'imbécile arrestation d'un autre journaliste de Libé. Mal lui en a pris : l'ex-favorite qui accompagnait, dans sa période bling bling et Cécilia, son maître, à chaque voyage à l'étranger, voire dans de luxueuses vacances états-uniennes, s'est vue désavouée par ledit maître.
Pire, une commission présidée par André Varinard, un ex-Recteur de l'Éducation Nationale, préconise l'incarcération des mineurs dès 12 ans (en gros, ce qu'aurait dû savoir notre Recteur, fin de 6e-début 5e). Certaine d'être dans le droit fil de la politique sarkozyste, qu'elle a à cœur de mener à bien, notre pôvre R. Dati estime que cette proposition relève du « bon sens ». Comme celle, sans doute, toujours de notre ex-Recteur, d'une prison de week-end pour les ados scolarisés (collège du lundi au vendredi, tôle le samedi et le dimanche : motivé qu'il sera le gamin !). Du coup, c'est le Fillon qui s'y est mis : intronisant le loufoque Ministère des dépenses, sans que ça ait donc un quelconque rapport avec cette guignolade, il a annoncé solennellement qu'il était « totalement hostile » à la prison dès 12 ans.
Si ces basses manœuvres internes pour déstabiliser l'arrogante Madame Dati aboutissent à mettre au placard les grotesques et surtout dangereuses propositions du rapport Varinard, nous évitent donc une régression démocratique de plus d'un demi-siècle, à quelque chose magouilles seraient bonnes.
Mais gageons que, comme pour le fichage des gamins dès trois ans, à coups de chiffres mensongers sur la délinquance juvénile, exploitant comme à l'accoutumée un fait divers*, le sarkozysme nous ressortira des mesures semblables.
Rachida Dati symbolise toute une période de la présidence de Sarkozy, la période bling-bling. Elle en a adopté tous les défauts, on serait tenté de dire jusqu'à la caricature si son mentor n'était pas lui-même caricatural. Elle n'a jamais craint, à l'instar de son maître, de manier les plus énormes contre-vérités. Ainsi, chez M'ame Chabot (complaisante dame qui avait reçu dans son émission le ministre de l'Intérieur de l'époque, la veille du jour où on décomptait le temps de parole des candidats à la présidentielle) elle déclarait sans vergogne : « Il y a 204 000 mineurs qui sont mis en cause pour des actes graves. Des mineurs délinquants, Arlette Chabot, c'est des violeurs, des gens qui commettent des enlèvements, des trafics de produits stupéfiants, qui brûlent des bus dans lesquels il y a des personnes. Les mineurs délinquants qui sont incarcérés ou placés en CEF y sont majoritairement pour des actes de nature criminelle.» Or en 2007, sur les 203 699 mineurs mis en cause seuls 2650 (1,3 %) le furent pour des faits criminels** ! Et pour ne pas être en reste avec son chef qui invente un plaquiste chômeur qui refuse des dizaines d'emplois ou des dockers d'Anvers qui travaillent 4000 heures par an, elle fabrique un mineur aux 190 forfaits et aux 52 condamnations (il est vrai que c'est à Marseille où parait-il une sardine gigantesque a eu bouché le Vieux Port) !
Ne soyons pas hypocrite, le départ probable de Madame Dati ne nous fera pas verser un torrent de larmes. Mais, il y a quand même quelque chose d'indécent dans cet hallali, de la part de celui qui fait président et de ces féaux, à l'encontre d'une ministre qui n'a fait que poursuivre la politique bornée de l'ex-ministre de l'intérieur.
PS Sur à peu près le même thème, mais avec un angle d'attaque beaucoup plus large, voir une tribune de Françoise CLERC : Qui a peur de la jeunesse ?
* L'épisode du schizophrène assassin a illustré une fois encore cette démarche démagogique et risque d'aboutir, une fois encore, à une loi de circonstance et de régression.
** Sur la délinquance des jeunes voir l'étude de Laurent Mucchielli : Note statistique de (re) cadrage sur la délinquance des mineurs http://www.rue89.com/files/20081125Statistique.pdf
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