Une amie me dit qu’Henri Pena Ruiz, le philosophe attitré de la laïcité, allait sortir une Lettre ouverte à Sarko sur ses latraneries soit dans Le Monde, soit dans Le Figaro. Pas de Pena Ruiz ! Mais des lectures édifiantes.
Sphères publique et privée : Sarkozy abolit la distinction, tel était le titre d’un article du Figaro. Son rédacteur allait-il dénoncer cette pipolisation dégradante de la fonction présidentielle où le nabot s’affiche avec sa favorite à Dysneyland, embarque le comique ( ?) le plus vulgaire à Rome avant, tout neuf chanoine, de prononcer le pitoyable discours de Latran ! Mais non, justement, c’était à la gloire du dit discours qui mettait fin à « Cette distinction française sphère publique/sphère privée » et pour se féliciter de « La reconnaissance que la mise en œuvre de la laïcité avait provoqué des «souffrances» est un tournant majeur dans la relecture de l'histoire de la République ».
Il ne s'agit pas de "relecture" mais de réécriture. Je l’ai dit, plus bas, la loi de 1905 a été voulu par son maître d'oeuvre, Aristide Briand, comme une loi d'apaisement. C'est Rome, contre l'avis de beaucoup de prélats français, qui va se lancer dans un conflit avec la République.
La distinction entre public et privé est uniquement juridique, avec la Loi de 1905, les églises relèvent du droit privé et non plus du droit public. La réserve, laïque celle-là, demandée aux représentants de l’état, ne s'applique pas aux citoyens de base qui peuvent exprimer leurs convictions à condition de ne pas nuire à l'ordre public. Cette réserve marque que l'état est garant de la liberté de conscience de ceux qui croient au ciel et de ceux qui n'y croient pas. C'est cela que M. Sarkozy vient de bafouer.
Puis je tombe sur une opinion de François Bayrou : « Sarkozy remet en cause la laïcité républicaine » dont voici quelques extraits.
Quand on a besoin d'un adjectif, c'est qu'on veut changer le sens du mot.
S'exprimant comme président de la République, il [Sarkozy] introduit la notion de «racines essentiellement chrétiennes» de la France, oubliant le grand mouvement d'émancipation des Lumières. Il affirme que la République a «intérêt» à compter beaucoup de croyants. Il demande aux religions, toujours dans «l'intérêt» de la République, de fonder la morale du pays. C'est le retour, qu'on croyait impossible en France, du mélange des genres entre l'État et la religion.
La République n'a pas à sous-traiter l'espérance aux religions. La République est en charge de réaliser un monde meilleur, et pas d'inviter à l'attendre. Cette conception sociologique de la religion, fournissant «l'espérance» qui fait que les peuples se tiennent tranquilles et respectent les règles établies, on croyait qu'elle était loin derrière nous ! Ce n'est pas autre chose que «l'opium du peuple» que dénonçait Marx. C'est un leitmotiv chez Nicolas Sarkozy, notamment quand il a parlé des bienfaits de la présence de l'islam pour pacifier les banlieues.
Quand Nicolas Sarkozy dit que «jamais l'instituteur ne pourra remplacer le pasteur ou le curé» dans l'apprentissage de la différence entre le bien et le mal, parce qu'il lui «manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d'un engagement porté par l'espérance», il exprime exactement le contraire du message de Jules Ferry. La morale de l'instituteur n'est pas inférieure à celle du prêtre.
C'est un paradoxe troublant que celui d'un pouvoir qui affiche chaque fois qu'il le peut sa complaisance avec le matérialisme financier et, en même temps, souhaite faire de la religion une autorité dans l'espace public.
Et c’est l’ineffable Raffarin qui tente, dans son style si particulier (que celui qui comprend ce qu’il a voulu dire par cette laïcité partagée qui doit servir de grammaire entre les religions m’envoie vite l’explication) de lui répondre.
Aujourd'hui, nous avons besoin de la laïcité partagée pour régler les relations entre religions et politique, mais aussi pour servir de grammaire entre les différentes religions, pour leur permettre de se parler dans l'espace public. Défendre la spécificité française en reprochant à Nicolas Sarkozy ses références aux racines chrétiennes de la France, comme le fait François Bayrou, c'est nier la réalité. En cette période de Noël, que voit-on ? Des Français qui, partout, célèbrent une fête religieuse, familiale et sociale. Au débat passéiste entre «la morale laïque» et «la religion civile», telle que la définissait Rousseau, je préfère le concept d'«éthique antérieure» de Paul Ricœur, car les religions sont, en amont, des sources pour les normes de la morale publique.
Je pense que l'apostasie n'est pas une force de progrès dans nos sociétés.
J’ai alors glissé ce petit commentaire : "Que M. Raffarin, citant Paul Ricœur, veuille placer les religions en amont d'une "morale publique" est une conception historico-philosophique qui demanderait à être étayée. Qu'il nous resserve les "racines chrétiennes" (plantées sans doute dans une "terre qui ne ment pas"), pourquoi pas, sauf qu'il n'a pas lu Bayrou qui rappelle que le siècle des lumières fait aussi parti de notre histoire. Quant au carcan historique où serait enfermée la laïcité, cela relève de l'affirmation pas de l'argumentation.
Mais qu'a-t-il bien voulu dire avec cette phrase : "Je pense que l'apostasie n'est pas une force de progrès dans nos sociétés." ? L'apostasie, au sens large, si j'en crois le Trésor de la Langue Française, voulant dire "Trahison, reniement, abandon d'une doctrine, d'un parti, etc." veut-il par cette phrase sibylline condamner Kouchner, Bockel, Jouyet et les autres ? peu probable... Considèrerait-il agnostiques ou athées affirmés comme des apostats ? c'est à craindre."
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