Dans l’actualité se percutent deux affaires de lanceurs d’alerte dans la police, l’une ancienne concernant un Brigadier-chef de Pau qui en 2018 avait rapporté les méfaits de ses collègues sur des mineurs interpelés, l’autre le brigadier-chef Amar Benmohamed qui avait lancé l’alerte en juillet dernier sur « des centaines de cas de maltraitance et de racisme dans les cellules du tribunal de Paris ».
M. Benmohamed a reçu un « avertissement » pour avoir tardé à faire un rapport à sa hiérarchie. Il lui est reproché d’avoir « manqué au devoir d’obéissance par inexécution d’un ordre », notamment « en s’abstenant de se conformer immédiatement aux instructions de sa hiérarchie » qui lui avait demandé un rapport sur les comportements dénoncés.
Une hiérarchie qui ne s’était pas aperçu que dans les cellules du dépôt du tribunal plus d’un millier de personnes avaient subi de la part de policiers, humiliations, insultes souvent racistes ou homophobes, privations de nourritures ou d’eau, refus de soins médicaux…. comme le rapporte Street Press. Hiérarchie que le brigadier-chef avait maintes fois alertée. Sans parler de l’IGPN saisie notamment de vols divers y compris de drogues. Et apparemment, alors que la Parquet est pour le moment passif, aucune sanction – pas le moindre avertissement et encore moins blâme – n’a été prononcée à l’encontre des fautifs par la hiérarchie. (L’Obs)
Justice vs IGPN
Par deux fois, en 1ère instance et en appel, la justice a désavoué l’IGPN.
L’affaire date du 27 janvier 2018. Ce jour-là, raconte Le Monde, le brigadier-chef JMC [qui a souhaité rester anonyme] et des collègues interpellent trois mineurs de 14 ans soupçonnés d’avoir commis un vol avec effraction – le dossier sera ensuite classé sans suite. Selon JMC, l’un de ses subordonnés aurait alors frappé l’un des adolescents alors que ce dernier était au sol, percutant le brigadier-chef qui aurait alors pris un coup au passage. S’ensuit une altercation entre les deux policiers, séparés par une collègue.
Dans ces cas-là, la logique hiérarchique est, en général, d’appuyer le chef qu’un subordonné agresse. Or, quand il rapporte les faits de violence à son encontre et à l’encontre des ados, sa supérieure lui demande de ne pas le mentionner dans le PV d’interpellation. Cependant une enquête administrative – donc en interne – est diligentée. Un commandant recueille les témoignages dont ceux des mineurs qui confirment la version du brigadier-chef et affirment avoir reçu coups de poing et gifles.
Pour le commandant enquêteur « les faits dénoncés » par JMC ont été « corroborés par la personne interpellée ». « De plus, les auditions des mineurs mettaient en évidence d’autres violences illégitimes par personnes dépositaires de l’autorité publique », souligne l’officier qui évoque « des faits de nature pénale » et met en cause le brigadier qui aurait agressé JMC et le mineur, ainsi que « d’autres fonctionnaires de police à identifier ».
La directrice départementale de la sécurité publique des Pyrénées-Atlantiques saisit le parquet de Pau, en mars 2018. Parquet qui ne trouve rien de mieux à faire que de saisir l’IGPN, estimant que le commandant n’avait pas pu aller au bout des investigations. Coup de théâtre, l’IGPN prend le parfait contre-pied du 1er rapport, estimant les déclarations du brigadier-chef « incohérentes, parfois évolutives », « ses accusations fallacieuses », et met hors de cause son collègue « tant pour ce qui concernait les allégations de violences sur le jeune que sur la personne » du brigadier-chef. Et l’enquêteur estime que « la responsabilité pénale » de JMC « pourrait être engagée des chefs de dénonciation calomnieuse et ou de dénonciation mensongère du délit de violence volontaire par personne dépositaire de l’autorité publique ».
La procureure suit les conclusions de l’IGPN et JMC se retrouve devant le tribunal correctionnel qui… relaxe l’accusé et accuse, en revanche, l’IGPN de légèreté et de parti-pris. La procureure, acharnée, fait appel.
La cour d’appel de Pau confirme le jugement en première instance et enfonce le clou dans son arrêt, fustigeant le rapport de l’IGPN qui « révèle à sa lecture (…) un parti pris immédiat contre les déclarations de JMC puisque avant même d’avoir effectué une quelconque audition, le commandant de police prenant en compte l’enquête réalisée par la DDSP [direction départementale de la sécurité publique] des Pyrénées-Atlantiques qualifiera les conclusions de son homologue, le commandant Delos, de “très curieuses” ». « Ce fonctionnaire de police utilisera dans ses propres conclusions du 5 juin 2018 un grand nombre de formulations plus subjectives que descriptives ou démonstratives, mentionnant le “côté fantaisiste” des déclarations de JMC », développe la cour d’appel, qui estime que « les déclarations de JMC ont été constantes, cohérentes, qu’elles rejoignent celles faites » par les mineurs interpellés, « qu’elles sont compatibles avec les constatations médicales réalisées ». (Le Monde)
Gageons que le commandant de police de l’IGPN, si sévèrement désavoué par la justice, et la procureure vont poursuivre une carrière, sinon brillante, au moins tranquille. Il n’en est pas de même pour leur victime, le policier lanceur d’alerte, muté d’office à Lourdes et placardisé au service des fourrières, avec juste une chaise en bois pour tout mobilier.
Ainsi dans deux cas, éloignés et différents, les lanceurs d’alerte, sont les victimes ! L’IGPN a démontré qu’elle est complice. Et la haute hiérarchie, préfecture de police à Paris, l’est tout autant. Constat affligeant et hélas désespérant. Car derrière cette lâcheté complice – qui va jusqu’aux ministres et pas que le mini-sarko actuel – il y a la toute puissance de nuisance de ‘syndicats ‘ quasi factieux, comme la manif en uniforme et avec véhicules de fonction devant le domicile de la maire de Rennes l’a prouvé.
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