Ou de l’art de fabriquer quelque chose à partir de rien
Honte et scandâââle dans la famille fouteuse. Paul Pogba, un des grands espoirs de l’équipe de France, aurait fait un bras d’honneur, après le 2e but de son équipe contre l’Albanie. Et L’équipe d’y consacrer une bonne page et surtout 20 h foot d’i-Télé de s’enflammer le 16 et d’en remettre une couche le 17 juin pendant 25 minutes.
Pour les sportifs de haut niveau non pratiquants de mon genre qui ne fréquentent que le Canal football club, la découverte de ce 20hfoot sur I-télé peut surprendre.
Autant Hervé Mathoux dirige son émission avec maestria, recadrant Pierre Menès avec humour, autant Pascal Praud sème la zone avec persistance dans sa propre émission, coupant la parole, contredisant, avec une constance qui l’honore, les participants à sa propre émission. Et si l’on peut deviner en filigrane les points de vue de Mathoux, il impose, lui, les siens sans vergogne et sans retenue.
Mais, masochisme sans doute, le côté foutraque de ce 20 h foute et la mauvaise foi assez fréquente de son animateur m’avaient attiré après que, ayant dit pis que pendre de l’équipe de France lors d’un match aller qualificatif d’une compétition internationale, il avait osé dire à l'issue du match retour flamboyant de la même : « vous n’allez quand même pas me faire un procès » et, tel Clovis recevant le baptême, il s’etait mis à adorer ce qu’il avait vilipendé.
Or donc, à l’issue d’un match des plus crispants, France-Albanie, où il avait fallu attendre la 90e minute pour voir Griezman marquer, puis, dans les arrêts de jeu, Payet doubler la mise. Pogba, qui avait fait la passe décisive, traverse le terrain en agitant les bras. Malédiction, certains ont vu dans ses gesticulations un bras d’honneur.
Bras d’honneur
La technique de base est simple : la main gauche s’abat sur la saignée du bras droit provoquant une sorte de réflexe rotulien inversé qui voit se dresser verticalement l’avant-bras droit. La signification évidente, comme son modèle réduit dit « doigt d’honneur » - index ou majeur dressé verticalement – est « Va (ou allez) te (vous) faire voir chez les grecs ». Car le peuple grec a la réputation, lors de ses banquets, de pratiquer, en conclusion, une sorte de danse des canards à la mode hellène : « Après le dessert, on s’encule en couronne ».
Coluche nous en donne un exemple éclairant, où l’on voit que le jeune foutebaleur a encore des progrès à faire pour une réalisation techniquement parfaite du geste.
A noter que les experts peuvent combiner bras et doigt d’honneur !
Or donc 20 h foot du lendemain lui consacre déjà toute son introduction avec un Pascal Praud...cureur, son rôle favori (Nasri, Benzema, Aurier et d’autres ont eu droit à ses impitoyables réquisitoires) appuyé par un Jacques Vendroux jouant le père sévère.
Et, comme à son habitude, Praud en remet une couche le lendemain. Pas moins de 25 minutes. Ça démarrait pourtant bien, avec le journaliste qui suit l’équipe de France à Clairefontaine qui dénonce une polémique complètement ridicule car on a cru voir un bras d’honneur. Praud ne le contredit pas, mais quelques minutes après il rétorque à un de ses invités « ne me dites pas qu’il n’a pas fait un bras d’honneur, c’en est un ! »
Et le malheureux avocat de Pogba de se faire tacler par Vendroux qui affirme, sans rire, « des millions de téléspectateurs ont vu ce bras d’honneur*, vous êtes le seul être au monde à ne pas l’avoir vu ! » Et comme ce jeune noir, éducateur du côté de Mantes-la-Jolie, ose persister, il s’entend dire « c’est pas sérieux, il suffit de voir l’image ».
Stéphane Guy, journaliste sportif, ose dire que tout cela ne l’intéresse pas et qu’il était là pour parler de football, il se fait lui aussi renvoyer dans les cordes : « vous n’allez pas revendiquer et soyez heureux d’être là ! » Ça part même complétement en quenouille quand Praud intervertit sa place avec Guy feignant de lui laisser la direction de l’émission.
Mon masochisme ayant quand même des limites, après 25 minutes de cette palinodie, j’ai abandonné la partie pour rejoindre un 28 minutes sur Arte, piloté lui de main de maître et où Claude Askolovitch a fait un rapprochement éclairant entre hooligans russes et casseurs.
Outre donc Olivier Le Foll, le journaliste qui avait entamé l’émission et qui, contrairement à Praud et Vendroux, était pour le moins sceptique on peut lire « Paul Pogba aurait été l’auteur d’un supposé bras d’honneur à destination de la tribune de presse » ici ou « le monde du foot s'embrase sur l'éventuel bras d'honneur de Pogba » là sans oublier un billet humoristique intitulé Ceci n’est pas un bras d’honneur !
Et ce qui peut confirmer le démenti du joueur c’est que sa sarabande se conclut par un joyeux plongeon sur ses partenaires qui félicitent le buteur.
Eternel dilemme : en dénonçant cet art de fabriquer quelque chose à partir de rien - avec l’exemple, il est vrai facile car au-delà de la caricature, de 20 h foot - je tombe dans le piège que je dénonce. Et j’endosse à mon tour la robe rouge du procureur à l’encontre de Praud, Vendroux et consorts.
* A noter qu'aucun téléspectateur du match n'a vu cette séquence ; elle n'a été diffusée, plus tard, que par une chaîne belge et sur les fameux réseaux sociaux...
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