"J'attend ton prochain blog sur la manif de Quimper!" Mis au défi par Mireille D. j'ai lâchement profité d'une contribution littéraire de mon camarade sguénard et néanmoins bourguignon GG pour le solliciter sur ce thème.
05/11/2013 : En complément de cet article de GG, à lire absolument, un excellent article de "Bakchich" : BONNETS ROUGES OU CHAPEAUX RONDS ?
Je t’avoue que la Bretagne est loin de la Bourgogne : Rennes est à six-cent kilomètres et six heures de route, Brest ou Quimper à huit-cent soixante et huit heures de route. Nos Capétiens et nos Valois s’y sont pris de manière bien différente pour dévorer le duché pauvre et le duché riche.
Ce que je sais
- - depuis un demi-siècle, la Bretagne a largement bénéficié de la solidarité nationale (et européenne)
- - l’image de la Bretagne, dans l’esprit des français n’est pas que celle d’un pays de vacances, mais aussi d’une industrie agroalimentaire on ne peut plus polluante (algues vertes, élevages industriels de porcs et de volailles) et d’agriculteurs violents (destruction du parlement de Rennes – joyau historique - en 1994 au cours d’une précédente manif…)*
- - d’autres régions ont beaucoup souffert de la désindustrialisation et de la rapacité de la finance depuis trente ans : la Lorraine (Longwy), le sud de la Bourgogne (Schneider, Le Creusot), le Nord-Pas-de-Calais (Charbonnages de France, Boussac…), les Cévennes (Charbonnages…), la Franche-Comté (Alsthom, Peugeot…) ; en gros, mises à part l’Ile-de-France, Rhône-Alpes, l’Alsace et quelque peu Midi-Pyrénées, la France entière souffre.
- - Mais la Bretagne, c’est aussi la victime du Torrey-Canyon en 1967, de l’Amoco-Cadiz en 1978, l’Erika en 1999…, c’est aussi une région qui, contrairement à la Corse, a su ne pas sombrer d’un nationalisme quelque peu romantique à une situation maffieuse.
On a donc le sentiment que cette région, très soutenue par l’Etat (c'est-à-dire la solidarité nationale) et l’Europe, supporte mal de se découvrir dans la situation commune.
* En l'occurrence, il s'agissait de marins-pêcheurs.
« L’Eco-taxe »
On a du mal à comprendre pourquoi cette taxe, qui, je suppose, devrait s’appliquer partout, et qui est déjà payée par les particuliers lors de l’achat d’un véhicule, provoque de telles réactions pour son application aux poids lourds (l'écotaxe poids-lourds (0,125 €/km, sans doute 0,12 à 0,15 €/km selon les modulations) exclusivement en Bretagne. Il y a peut-être des raisons spécifiques à cette région, mais je ne les connais pas et n’ai, pour le moment, rien trouvé. En tout cas, l’image de région pollueuse ne va pas s’améliorer dans l’esprit des français. En fait, ce que nous appelons « l’écotaxe » n’est pas essentiellement une taxe écologique ? Voici ce qu’en dit Wikipédia :
« La taxe poids lourds, officiellement « taxe nationale sur les véhicules de transport de marchandise », parfois appelée écotaxe ou écoredevance poids lourds, est la version française de la Redevance poids-lourds liées aux prestations applicable en France.
Cette taxe critiquée fin 2013 avant sa mise en œuvre, s'applique aux véhicules de transport de marchandises de plus de 3,5 tonnes circulant en France sur certaines routes nationales et départementales. Elle vise à faire payer l'usage de ces routes par leurs utilisateurs en leur faisant supporter les coûts réels du transport routier de marchandises (dégradation de la voirie, financement des infrastructures routières) alors que ce coût est aujourd'hui intégralement supporté par l'impôt commun. Son principe a été voté en 2009, dans le cadre de la Loi Grenelle 1. Son entrée en vigueur est prévue le 1er janvier 2014.
La taxe s’applique aux véhicules de transport de marchandises qui empruntent le réseau taxable indépendamment du contenu transporté par ces véhicules. […] Ce dispositif, issu de la directive « Eurovignette », est déjà présent en Allemagne, en Slovénie, en Autriche et en République Tchèque au niveau européen et a pour effet d'inciter les transporteurs à rationaliser leurs déplacements et à limiter les transports à vide. En France, les sommes collectées seront affectées aux collectivités territoriales gestionnaires ainsi qu'à l'agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) qui a pour but d’améliorer les infrastructures de transport et de soutenir des projets de développement du transport ferroviaire et fluvial. Le montant de la taxe va de 8,8 à 15,4 centimes d'euros par kilomètre parcouru (taxe variable selon la taille, le poids et le niveau de pollution du camion) pour 2014 et devrait rapporter 1,2 milliard d'euros par an à l'AFITF. »
Cette taxe relève donc d’une logique de coût de l’infrastructure, d’aménagement du territoire même si ses effets peuvent générer accessoirement une optimisation des déplacements de poids lourds donc quelque peu écologique. Les journalistes ne me semblent pas très clairs là-dessus. Volonté de mettre les écolos en porte à faux ? Il est vrai que ces derniers savent parfaitement se mettre eux-mêmes en difficulté…
La mayonnaise
- - un vieux fond très français de refus de l’impôt, mythifié, en Bretagne par l’épisode des « bonnets rouges » en 1675 contre la politique fiscale de Colbert.
- - un vieux fond très français de l’Etat protecteur et tout puissant.
- - un amalgame, réussi pour le moment, entre petits patrons et salariés malmenés ou licenciés, qui n’est pas sans rappeler la logique des corporations ressuscitée par Philippe Pétain en des temps plus cruels et plus noirs.
La manif de Quimper pose ainsi la question de « l’alliance objective » (très trotskyste – est-ce par hasard que seul FO s’y soit investie ?).
Quand à la tentative de démarquage de certains syndicats, elle me semble un peu pathétique, même si je n’ai pas le cœur de la critiquer : ce sont les mêmes qui s’élèvent aussi contre toute augmentation d’impôts (sauf pour « les très riches ») tout en exigeant la prise en charge « par l’Etat » de toutes les prestations sociales (notamment celles qui concernent la pauvreté), de tous les investissements, etc. Comme si la France avait encore des frontières, une monnaie, une Banque centrale d’Etat et pouvait se passer de toutes importations.
La CFDT [voir plus bas], quant à elle, n’apparaît que fort peu dans les médias nationaux. Elle est pourtant si puissante en Bretagne… Sa position me semble pourtant sensée, digne et responsable. J’ai trouvé quelques échos la concernant dans la presse locale[i] Les journalistes, dont je ne suis pas un dévoreur patenté et que je défends souvent dans l’univers syndicalo-syndical, ont plus brillé par leur capacités de mise en scène que d’analyse. Dommage : ils ont raté une occasion de se grandir au dessus du café du commerce.
[i] http://www.cotequimper.fr/2013/10/30/ecotaxe-la-cfdt-regrette-le-maintien-de-la-manifestation-du-2-novembre/ et http://www.letelegramme.fr/ig/generales/regions/finistere/manifestation-pour-l-emploi-la-cfdt-n-ira-ni-a-quimper-ni-a-carhaix--2286995.php et http://www.quimper.maville.com/actu/actudet_-ecotaxe.-la-cfdt-ne-participera-a-aucune-manifestation-samedi_fil-2421443_actu.Htm
Ce graphique montre le taux global d'imposition, en incluant tous les prélèvements, selon le niveau de revenus.
A qui profite le crime ?
Allez, je te fais confiance pour développer cet aspect du sujet : c’est ton créneau d’excellence ! La manip est tellement visible…
Cela étant dit, je persiste à rabâcher que la vraie réforme fiscale de fond, la seule réforme historique, qui ne pouvait être faite que dans les six premiers mois du quinquennat et qui ne l’a pas été coûtera très cher à Hollande et à « la gauche réformiste ». Il avait pourtant un Piketty dans ses cartons.
GG
Position de la CFDT
Face à la crise que traverse l'agroalimentaire en Bretagne, la CFDT condamne les violences et les amalgames et insiste pour que tous les acteurs se mobilisent en faveur de l'emploi.
Condamnant la violence de la manifestation du 26 octobre, la CFDT Bretagne et le syndicat CFDT de l'agroalimentaire Bretagne refusent l’instrumentalisation de la légitime inquiétude des salariés et des entrepreneurs de la région. C’est pourquoi elles ne participeront pas à la manifestation du 2 novembre à Quimper, préférant agir en faveur de « l’avenir de la Bretagne, l’intérêt des salariés aujourd’hui et demain ».
Ne pas se cacher derrière l'écotaxe
La CFDT appelle dans le même temps à « sortir des amalgames et confusions en tous genres » et insiste sur le fait que « si l’écotaxe est devenue le symbole des difficultés de l’agroalimentaire, elle n’en est pas la cause mais devient un paravent évitant de traiter les problèmes de fond. Les principales faillites d’entreprises en Bretagne lui sont antérieures ».
Prenant acte de l’annonce de la suspension de l’écotaxe par le gouvernement, la CFDT Bretagne demande désormais à chacun – employeurs, politiques, salariés – de « revenir maintenant à l’objectif qui doit [tous les] rassembler : l’emploi en Bretagne, des emplois de qualité, des emplois durables. »
Dans "Le Phare Ouest" une tribune de trois historiens qui dénoncent la "manipulation de l'histoire" des bonnets rouges.
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