Le marronnier maçonnique fleurirait-il aussi en Espagne ? Le supplément hebdomadaire d’El País du 13 juin 2018 a consacré un dossier à la Franc-maçonnerie. Mais rien à voir avec les récurrents papiers du Point, de l’Express, du Figaro Magazine et quelques fois de L’Obs, censés nous révéler la pénétration des Francs-maçons dans les arcanes du pouvoir. Il s’agit ici d’un reportage réalisé avec l’accord du grand maître de la principale obédience, la Grande Loge d’Espagne, Óscar de Alfonso.
Óscar de Alfonso
L’histoire de la franc-maçonnerie en Espagne est avant tout l’histoire d’une persécution. Ce n’est que sous la deuxième république qu’elle put vivre, sinon au grand jour puisque son cérémonial est censé être secret, mais sans faire l’objet de brimades. Bien que Ramon, le frère aviateur de Franco, ait été Franc-maçon, le régime franquiste, appuyé par une église de combat, s’est livré à une répression sanglante. Le complot judéo-maçonnique-communiste a trouvé comme instrument punitif le Tribunal spécial pour la répression de la Maçonnerie et du communisme. 80 000 dossiers furent ouverts alors que l’on ne comptait qu’environ 6000 maçons. Près de 1000 d’entre eux furent fusillés.
Le Centro Documental de la Memoria Histórica del Archivo de Salamanque a reconstitué une loge telle que l’imaginait Franco avec des maçons déguisés en pénitents de Séville et se livrant sans doute à quelque culte satanique (le dictateur avait-il lu Léo Taxil ?).
Parmi les fiches on trouve celle de l’ex-président de la IIe République, Manuel Azaña. “Nom profane : Manuel Azaña Díaz. Nom symbolique : Plutarque. Grade maçonnique: 1º (apprenti). Loge : Matritense e Hispano Americana nº 2”.
La Grande Loge d’Espagne, obédience régulière, est déiste. Elle a fusionné avec le Grand Orient d’Espagne, en 2001. Elle est exclusivement masculine. Des loges mixtes et des loges féminines existent dans d'autres obédiences non régulières . Elle compte 3000 membres, les autres obédiences n’en comptant que 1000. On est donc très loin des 120 000 maçons que compterait la France.
Bien que sur la table de la chambre de réflexion de la loge Phoenix à Madrid on trouve une Bible, l'église catholique condamne l'appartenance à la Franc-maçonnerie même dans les obédiences déistes.
Squelette dans la chambre de réflexion pour l'initiation selon le rite écossais.
Anneaux, médaille et tablier maçonniques.
Epée du gardien du temple
Jesús, gardien du temple intérieur ferme la porte avant que le vénérable maître débute les travaux de la loge Phoenix de Madrid.
Luis Alcaina dans la fonction de gardien du temple lors de la grande assemblée de la Grande Loge d'Espagne pour l'installation du grand maître réélu Óscar de Alfonso.
Début de la grande assemblée qui a installé comme grand maître de la Grande Loge d'Espagne Óscar de Alfonso, réélu pour la troisième fois dans cette charge.
Quatre centaines de Francs-Maçons, délégués d'une trentaine de pays, ont assistés à cette grande assemblée lors de laquelle Óscar de Alfonso fut réinstallé grand maître de la Grande Loge d'Espagne.
Le Suprême Conseil du Grade 33 est un groupe associé à la Grande Loge d’Espagne. Les grades maçonniques de base sont apprenti, compagnon et maître (en écho à ce qu’on trouve chez les ‘opératifs’ compagnons du tour de France). Mais ont été développés des grades philosophiques qui vont du 4° jusqu’à l’ultime 33°. On trouve à sa tête le souverain grand commandeur.
Quatre membres actifs du suprême conseil du grade 33.
L’âge moyen des maçons d’Espagne – dont une partie est d’origine étrangère en particulier des retraités britanniques – est de 50 ans. Ce sont surtout des cadres supérieurs, des universitaires, mais aucun dirigeant de l’équivalent du CAC 40. La faiblesse des effectifs montre qu’après les sombres années franquistes leur renaissance est toute relative.
Salle des pas perdus de la Grande Loge d'Espagne.
Ce qui se passe en Italie, où Salvini a décrété qu’aucun Franc-maçon ne devait faire partie du gouvernement, amorçant donc un retour vers les années les plus sombres de l’histoire de l’Italie, celles du fascisme, est un signe annonciateur d’un retour des totalitarismes en Europe. D’autant que l’allié « cinq étoiles » que d’aucuns présentent presque comme une FI à l’italienne, partage largement cette idéologie anti-maçonnique.
Alors, même si ce cérémonial, ces rites, ces distinctions pompeuses, cette symbolique, etc. peuvent, pour un profane, paraître un peu puérils, la défense de la Franc-Maçonnerie est un devoir démocratique. D'autant, qu'au delà de ces rites exotiques, la Franc-Maçonnerie a oeuvré dans la plupart des évolutions sociétales, notamment la Loi de 1905, en France.
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