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12 janvier 2008 6 12 /01 /janvier /2008 21:11

Après le "maître d'école" je laisse la place à Jean-Claude Guérin, sguénard (ex-secrétaire national du sgen-CFDT : respect), conseiller technique des  Secrétaires d'état à l'enseignement professionnel  Robert Chapuis et Jacques Guyard, IGEN, et plus que jamais  sur les pistes de l'innovation, véritable cheville ouvrière de l'expérimentation** dont Gaby Cohn-Bendit - l'aîné, à l'origine notamment du lycée expérimental de Saint-Nazaie - est l'animateur. Je lui laisse la place d'autant plus volontiers qu'il a l'art - que je lui envie - d'allier une plume incisive avec une pensée ouverte !


**http://www.cafepedagogique.net/searchcenter/Pages/Results.aspx?k=Cohn%20Bendit

Trois évènements récents viennent donner raison à Alain Finkielkraut… ou plus précisément au titre de son ouvrage paru en 1989. Oui une
défaite de la pensée !

 

Que de messages de confiance et d'espoir avons nous ainsi reçu pour l'avenir proche.

  • Résurrection de la gauche ?
  • Renaissance de la France ?
  • Régénération de la droite ?
  • Retour aux valeurs… républicaines ? Universelles ? Chrétiennes ?
  • Regain du toujours plus…  de travail, de gain, de pollution, d'ennui, de jeux de hasard.

Contre la pensée unique de mai 68 revenons au réel du métro, boulot, dodo… que l'on va baptiser politique de la vie.

Il devient insupportable d'entendre les grands mots servir de cache sexe ou de masque au vide de la pensée au mieux, d'alibi ou de paravent des politiques d'inégalité et d'exclusion au pire.

République, Démocratie, Etat de droit, Valeurs, Civilisation… n'en jetez plus, la corbeille (de la bourse) est pleine.

 

Pendant que certains se gargarisent de rénovation, d'alternative et d'autres de résistance… la vie réelle continue avec son cortège de précarité, de bas salaires, de stress, d'angoisses, de peurs.

Avant de parler alternative ou résistance ne serai-il pas temps de faire ce qui n'a pas été fait au temps de la gauche gouvernante (et plurielle) comme au temps de la droite restauratrice (et démagogique), c'est à dire anticiper et construire ?

 

Une gauche qui ne sait plus qui elle est et, surtout, au nom de quoi et de qui elle agit (ou devrait agir). Parce qu'elle s'est laissée déposséder de ses valeurs, qu'elle est tombée dans l'économisme le plus plat et qu'elle a déserté le terrain culturel.

Il y a plusieurs demeures dans la maison du père disait-on…

Oui Qu'est-ce que la famille de gauche ? Au temps des familles à géométries variables et de plus en plus recomposées (sans parler de procréation assistée…).

 

LA gauche n'existe pas, ce sont DES gauches (1) qui devraient s'accepter, se réunir, en fonction de valeurs communes qui sont simples: liberté, égalité, fraternité, justice (formelles et réelles – c'est ce et qui caractérise la gauche). Evidemment qu'il y a débat mais alors trouver le moyen de le mener publiquement et par l'argumentation. Et de le soumettre à l'ensemble des citoyens (tiens si on donnait un contenu effectif à la démocratie dite participative).

 

Parler valeurs c'est oser être à contre-courant et ne pas laisser ce terrain  à une droite décomplexée qui ose, elle, afficher clairement ses choix d'ordre, d'autorité, de méritocratie et d'inégalités "naturelles".

Dénoncer ne suffit pas, débattre et proposer est indispensable, créer et innover est vital et capital.

Cela donne les trois domaines dans et sur lesquels la gauche (les gauches) doivent se manifester:

  • dévoiler, dénoncer, analyser, critiquer la politique suivie et les annonces, y compris en réunissant des cercles d'experts et intellectuels
  • élaborer projets et programmes, en débattre publiquement
  • soutenir, participer aux initiatives de type coopératif, mutuelles, économie sociale solidaire, associations, etc.

 

Ce que fait Sarkozy aujourd'hui c'est de saper les fondements mêmes de la République, c'est à dire tout ce pourquoi depuis les Lumières, la période révolutionnaire, les XIX et  XXèmes siècles a été conquis progressivement au travers d'épreuves, de luttes : ce n'est pas aller en avant mais retour en arrière toute.

A quand revenir au travail des enfants ? En cette année 2008, 70ème anniversaire de l'abolition des bagnes d'enfants (les prédélinquants de l'époque) ce sera le retour de nouvelles formes d'enfermement. Quand revenir sur le Front populaire (les 40 heures et les congés payés) ? Quand rompre avec la vieille conquête du "la liberté opprime, la loi libère" dans le domaine social ?

Face au "jouir sans entraves" de 68 nous avons "exploiter sans entraves"… beau progrès

Derrière le Dallas sarkozien règne une hypocrisie

 

Mais on ne peut s'opposer à cet ordre social nouveau, et à forts relents régressifs,  qui s'instaure du travailler plus (pour qui?) au nom du passé ou en rappelant seulement les principes.

Et surtout pas en s'abritant derrière une défense des acquis par essence conservatrice et garante de privilèges injustes. Mais plutôt à situation nouvelle acquis nouveaux ! Le progrès ce n'est ni renier les 35 heures, ni les abolir mais les étendre à tous et diminuer la pénibilité du travail tout en créant les emplois nécessaires aux activités offertes durant le temps libéré. Une vraie politique de vie.

Il s'agit de tout repenser dans une dimension planétaire, en tenant compte des risques comme des possibilités de la science et de la technique, en comprenant que la vie est faite de mobilité et d'adaptation permanentes, que le combat pour une économie sociale fondée sur l'humain devient prioritaire et que la sécurité du travail pour chacun est à l'ordre du jour.

 

Politique de civilisation, laïcité positive, renaissance…

En dépit de la paupérisation intellectuelle de la majorité des médias, pas seulement des journalistes (qui confondent communication et information, communication et investigation, faits et opinions, communication et propagande, opinions et information), en dépit de l'amnésie systématique vis à vie du passé proche (la chasse à l'exclusivité, la petite phrase…) pourquoi ne pas avoir entendu dans les vœux du président ce qui était pourtant évident tant les mots ont du sens et sont connotés, surtout s'ils ne sont pas explicitement développés.

Comment se fait-il que sur trois termes les liens n'aient pas sauté aux yeux ?

A t-il fallu à nos informateurs, étonnés, d'abord chercher fébrilement ce que cela voulait dire en pianotant sur Google (et Wikipédia ?) pour inventer une explication ? Qu'ont-ils trouvé ?

  • Edgar Morin (en oubliant d'ailleurs Sami Naïr ?) pour la politique de civilisation ?
  • La Renaissance artistique et culturelle en Europe du XVè, sans parler des fameuses grandes découvertes… et leurs conséquences ?
  • Laïcité positive faisant référence aux racines chrétiennes de la France ?…

 

Mais est-ce vraiment à Edgar Morin, à la complexité, à la culture et à une morale chrétienne que se réfèrent notre guide et son confesseur ?

Derrière des mots attrapeurs c'est à la fois un détournement et une récupération (2) qui sont à l'œuvre et masquent les objectifs réels. Puisque Sarkozy, et ses conseillers, "bougent" tout le temps, sautent de séquences en séquences ne faut-il pas déceler la cohérence dissimulée sous les paillettes ou les déclarations ponctuelles ?

 

Si c'était d'Edgar Morin, cela se saurait et nous n'aurions pas eu les accointances tant avec le lepénisme qu'avec le capitalisme financier et le show biz.

Il suffit pourtant d'un peu de mémoire et de se rappeler un certain Bush et un nommé Huntington, celui qui inspire les néocons aux USA et dans le monde. Que dit-il ce brillant stratège dans son livre, paru en France en 1997, sur le "choc des civilisations" ?

 

Que la culture - et non la politique ou l’économie - allait dominer le monde. Et de dénombrer huit cultures : occidentale, confucéenne, japonaise, islamique, hindoue, slave orthodoxe, latino-américaine et - peut-être - africaine (il n’était pas sûr que l’Afrique soit vraiment civilisée, tiens le discours de Dakar !).

Chaque culture incarne différents systèmes de valeurs symbolisés chacun par une religion, "sans doute la force centrale qui motive et mobilise les peuples". La principale ligne de fracture passe entre "l’Occident et le reste", car seul l’Ouest valorise "l’individualisme, le libéralisme, la Constitution, les droits humains, l’égalité, la liberté, le règne de la loi, la démocratie, les marchés libres". C’est pourquoi l’Ouest doit se préparer militairement à affronter les civilisations rivales, et notamment les deux plus dangereuses : l'islam et le confucianisme, qui, si elles devaient s’unir, menaceraient le devenir de la civilisation. Et de conclure "Le monde n’est pas un. Les civilisations unissent et divisent l’humanité...Le sang et la foi : voilà ce à quoi les gens s’identifient, ce pour quoi ils combattent et meurent".

 

 

Inutile de s'étendre sur le discours du chanoine le 20 décembre à saint Jean de Latran, la presse s'en est (un peu) fait l'écho (voir l'article de Christian Terras -Golias- Libé du 2 janvier). Mais comme pour la discrimination le terme "positif" accolé à laïcité est effectivement une rupture avec les principes de la République mais aussi avec l'humanisme issu des Lumières. A part l'étalage d'une culture prise dans les résumés hagiographiques de la vie des saints, cela ne prend-t-il pas tout son sens en relation avec la perspective d'union méditerranéenne et la politique de civilisation huntingtonienne. Allez donc lire ou écouter cette prose sur

www.elysee.fr/documents/index.php?mode=cview&press_id=819&cat_id=7&lang=fr]

 

 

Certes tout le monde pense à la culture, en oubliant que la Renaissance amorce l'expansion des pays européens (conquêtes et hégémonie économique, politique et culturelle) et la diffusion de sa "civilisation"… par tous les moyens (esclavage, colonisation…). Mais si cela fait penser au Rinascimento italien précurseur, pourquoi oublier le Risorgimento du XIXè  (c'est à dire le redressement ou la résurrection!). Et le redressement passe par des normes, des critères, des repères inspirés par quoi ?

Mais, surtout, ce terme de renaissance signifie une nouvelle naissance, signe d'une rupture qui se dit en langage universel "born again" ! Pour quelqu'un qui affiche ostensiblement sa foi, qui a un comportement bonapartiste et qui admire Bush… n'est-ce pas là que se trouve sa référence. Etre le chef d'une nouvelle naissance d'une France à la mémoire atrophiée, à l'histoire réécrite, sans repentance; pourquoi pas faire le don de sa personne pour sauver ces âmes qui ne savent pas où se trouve leur bonheur (3).

 

 

Comme le dit si bien notre télévangéliste "tout se tient" et je ne voudrais pas oublier la grande prêtresse de l'économie,  sœur Lagarde Christine (4), à qui il arrive de dire tout haut le fond de la pensée sarkozoguainiste

« C’est une vieille habitude nationale : la France est un pays qui pense. Il n’y a guère une idéologie dont nous n’avons fait la théorie. Nous possédons dans nos bibliothèques de quoi discuter pour les siècles à venir. C’est pourquoi j’aimerais vous dire : assez pensé maintenant, retroussons nos manches. »

Tout se tient…oui ! Travailler plus pour penser moins et laisser faire ceux qui savent ce qui est bon pour le pays, donc pour vous !

Certes ce n'est pas "demain on rasera gratis" mais bien demain vous serez abrutis mais vous aurez star académie et télé réalité… vieille valeur qui donne tout son sens à la fameuse revalorisation du travail. Le travail rédempteur en quelque sorte… pour gagner le paradis de la consommation !

Et notre brave porte voix de proférer une digne "pensée" balladuro-raffarinienne qui devrait entrer dans les annales des concours aux grandes écoles: "Le travail engendre le travail. À l’intérieur de ce cercle vertueux, le pays tournera à plein régime. [...] Travailler plus, et vous multiplierez l’emploi. Dépensez plus, et vous participerez à la croissance. Gagnez plus, et vous augmenterez le pouvoir d’achat !"

 

Quel bel avenir, quel beau projet: travailler, gagner, dépenser… et Tf1, Disney land, ou des amis vous prêtant leur Falcon, leur propriété ou leur yacht.

Sans oublier la petite dose de compassion qui rafraîchit le cœur.

Belle renaissance "enrichissez-vous" disait Guizot… "suez plus" dit Sarkozy. Croissez et multipliez… la bonne nouvelle !

Gagnez votre pain à la sueur de votre front et vous irez au paradis de la croissance.

 

Croissance ? Vous avez dit croissance… et vous osez parler de civilisation !

Sans doute celle du jetable (les hommes comme les objets… ou les idées).

 

7 janvier 2008

 

1 - Pas plus que la droite (des droites), voir Rémond, Sirinelli, Touchard,Winock entre autres.

2 -Selon une "technique" mise en œuvre au moment de la référence à la lettre de Guy Môquet: détournement (sortie du contexte et compassion) et récupération (du mythe de la résistance comme du nom) comme avec les allusions concernant  Blum ou Jaurès.

3 -La conférence de presse du mardi 8 me semble confirmer cette approche d'une part par la mauvaise foi, les mensonges, le mépris et la hargne (vis à vis des journalistes qui osent poser des questions gênantes) et… l'amour du Blum de 1920 mais pas de 1936

4 -Surnommée, dans les milieux bien informés la grande sœur des riches pour la différencier des petits frères des pauvres, comme le Medef est différent de ATD quart monde ou d'Emmaüs

 

* Villon en exergue de p.p.c (Pour Prendre Congé) de Jean Bruller (Vercors) écrit en 1957

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