C’était le 25 mars 1979, salle des fêtes d’Ecos (Eure) je suppose, proclamation des résultats des élections cantonales : élue Suzanne Deschaux-Beaume PS. Consternation quasi générale des élus des communes du canton, presque tous de droite. Elle avait battu le sortant, un certain Paul Jouyet, notaire de son état et qui avait succédé à un certain Halbout, dont il avait acheté la charge !
Retour en arrière
Ce canton, pratiquement chasse gardée de la droite, n’avait pas de section PS. Les rares adhérents allaient à la section de Vernon. Sans doute à cette époque (1er mars), peut-être un peu avant, la section de Vernon, la plus proche se réunit. A défaut de candidat local, il fallait qu’un quasi kamikaze se dévoue. N’exagérons pas : une candidature de principe, limitée à la profession de foi et aux bulletins de vote.
Réunion de section : surprise une toute fraîche adhérente – sans doute poussée par le ‘groupe femmes’ émanation locale d’une instance nationale pilotée par Yvette Roudy – se propose. Ouf de soulagement du candidat pressenti pour se dévouer.
Campagne
Les militants des deux sections limitrophes – Gisors au Nord, Vernon au Sud – sont mobilisés. Encore faut-il mettre en place la campagne. Secrétaire de section de Vernon je me suis donc retrouvé, sur un coin de table de salle à manger des Deschaux-Beaume, avec un certain Pascal Lamy, de la section de Gisors.
Impressionné, certes. Un énarque. Un peu le vice Montebourg de l’époque puisque secrétaire général adjoint du Comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI), un truc giscardien pour essayer de sauver notre belle industrie (déjà). Que faisait-il à Gisors, fief de celui que nous avions surnommé Larmanov – Larmanou, le maire PCF - tellement il était resté stal ? Sa famille y possédait une propiété à Boisgeloup, près de Gisors et il y avait implanté une section PS.
La méthode de l’énarque était simplissime :
Quels sont les cinq points forts et les cinq points faibles de notre candidate ?
Quels sont les cinq points forts et les cinq points faibles de notre adversaire ?
L’exercice consistait ensuite, évidemment, à valoriser les points forts de notre championne et de mettre en relief les points faibles du sortant. Cela donnait : «une jeune femme dynamique face à un notable vieillissant ». Traduit en un quatre pages sur un A4. Mais distribué dans toutes les boîtes à lettres du canton, avec un affichage sauvage – à l’époque ultra pratiqué – omniprésent. Tandis que Maître Jouyet, sûr de son coup, se contentait d’une insipide profession de foi.
Je garde vif le souvenir de cette proclamation.
Pascal Lamy et les proches étaient restés chez Suzanne Deschaux Beaume.
Cette bosseuse – elle travaillait à fond tous les dossiers des sessions du conseil général - a été victime le 20 décembre 1979 d’une plaque de verglas. A peine neuf mois de mandat.
Après son décès accidentel, son époux Freddy a pris le relais. Excellent dans l’exercice des campagnes – une empathie rare – il est devenu député de la 4e devenue 5e circonscription de l’Eure, dans laquelle, Pascal Lamy, va se gameller de première à sa suite (comme quoi les conseilleurs ne sont pas des gagneurs).
Mais pire, le canton d’Ecos va revenir à Maître Jouyet (Michel, fils de Paul, héritier donc de la charge et du canton) ! Et, avec l’esprit de l’escalier qui me caractérise, j’ai réalisé que Jean-Pierre Jouyet – énarque promotion Voltaire, celle de F. Hollande, dont il est l'ami – était le fils de Paul et le frère de Michel !
Message reçu de Maître Michel Jouyet, qui a donc, après une interruption d'une douzaine d'années renoué avec la tradition qui liait le mandat de conseiller général à la charge notariale d'Ecos. M. Jouyet est élu UMP. Mais entre temps, le Conseil Général de l'Eure lui est passé à gauche. On y trouve même, comme vice-présidente la calamiteuse Anne Mansouret.(censée être de gauche).
En le remerciant des renseignements qu'il a eu l'obligeance de me transmettre.
A l'occasion des élections cantonales de mars 1979, le petit mensuel l'Avant-Seine avait fait un tiré à part d'un entretien avec Suzanne Deschaux-Beaume.
Les résultats des cantonales précédentes montrent combien une victoire était totalement inespérée.
Sa disparition le 20 décembre 1979 allait hélas amener à un nouveau tiré à part de l'Avant-Seine.
commenter cet article …