Bizarre, bizarre : Cannes est déjà loin, la palme d'or d' « Entre les murs », rangée aux rayons des souvenirs glorieux, mais le Nel Obs du 12/06 nous offre, sous la plume de Mme Lancelin, un portrait du « Prof à la palme d'or ». Plutôt à charge. Et, pour compléter le critique cinématographique tacle vicieusement le film.
« S'il est une chose qui ne doit rien au hasard pourtant, et tant à l'énergie déployée tous azimuts depuis cinq ans par l'auteur, acteur principal et coscénariste d'«Entre les murs», le film de Laurent Cantet, c'est bien ce sacre cannois. » ne craint pas d'affirmer Mme Lancelin. Chronique d'une palme annoncée ? alors que le film a été ajouté in extremis à la sélection française et qu'avant la proclamation du palmarès, sauf erreur, aucun critique n'avait prévu ce film comme lauréat.
Mais ce qui compte c'est de brosser, de touche en touche, le portrait d'un ambitieux calculateur. Certes, c'est un « polémiste hors pair ». Mais il bénéficie d' « Une exposition maximale à tous les courants d'air d'une branchitude huppée qui n'est pas sans susciter nombre de commentaires rugueux chez ses confrères écrivains. »
Et si l'on n'avait pas vraiment compris, elle cite un ancien et anonyme membre d'une revue co-fondée par Begaudeau qui assène : «Au moins Rastignac était un personnage sombre... Le problème de François, c'est qu'il en a l'arrivisme, sans la négativité. Il est terriblement «en phase» avec l'époque. Au fond, c'est un animateur socioculturel plus qu'un artiste.» Il est évidemment défendu par ses éditeurs : le évidemment qui tue !.
On n'échappe pas à la bien-pensance (elle est là black-blanc-beur, mais elle peut être socialo bobo ou humaniste béatifiante) ? Pour enchaîner sur une mesquine attaque du logorrhéique héraut de la rétro-pensée spécialiste de la crétinerie et qu'elle présente comme l'auteur d'un rude pamphlet contre les fossoyeurs de l'école de la République, alors que son torche-cul fait partie de la sous-littérature catastrophiste. Brighelli, puisque c'est de lui qu'il s'agit, se livre à une de ses attaques ad hominem dont il est un champion.
Après avoir noté dans son œuvre une fascination pour les dispositifs totalitaires, noté aussi que tel Pialat, « François Bégaudeau a aussi dressé un poing rageur, mais plutôt à la manière d'un hooligan victorieux un soir de Ligue des Champions. » Mme Lancelin conclut : « Et puis il s'est tenu en retrait, ostensiblement* dissimulé par plusieurs rangées de jeunes élèves métissés. Un double jeu* qui ressemble bien au nouveau premier de la classe. »
Avec M. Mérigeau, on frise le surréalisme. Il note bien pourtant que « sans attendre d'avoir vu le film, tout le monde se déclare d'accord », mais pour nous expliquer ensuite que le film est tellement bien fait - solidement dialogué, habilement scénarisé, aucune cheville ne fait défaut et quelques clichés bien compris ne manquent pas non plus (le compliment glisse dans la pure vacherie) - que chacun bat des mains.
Soit ce brillant critique n'a pas encore assimilé le principe de non contradiction, soit il veut dire que chacun a raison de l'applaudir (sauf quand même la fine fleur des rétropenseurs) car il est fabriqué pour plaire à tous et chacun l'a pressenti sans même le voir !
Pour conclure, le bougre n'y va pas par quatre chemins : « Trop superficiel pour encourir le reproche de démagogie, trop prudent pour prendre parti, voulant trop fédérer pour s'autoriser la nuance, «Entre les murs» en s'ouvrant à tous vents s'offre à toutes les récupérations. C'est dans l'art du commerce une vertu cardinale. »
Tout cela est un peu puant. Et qui ressort de la branchitude de ceux qui la jouent critique oblique, pas franche du collier, vicelarde même, pour faire miroiter leur distance hautaine du vulgum pecus !
* C'est moi qui souligne
Voir aussi :
Finkielkraut et "Entre les murs"
Entre les murs et les "pédagogues"
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