Je suis le ténébreux, le veuf, l'inconsolé,
Le prince d'Aquitaine à la tour abolie…
Gérard de Nerval
Ainsi pourrait se lamenter Yoann Gourcuff, éliminé de la sélection pour l’Euro de foute. Infortuné, certes, il ne l’est pas financièrement avec 400 000 € mensuels, sauf qu'il va tomber dans la tranche à 75 % annoncée par F. Hollande.
Mais malheureux prince d’Aquitaine déchu. Déchu, sans doute, faute d’un caractère à la hauteur de son talent. Et aussi de choix de carrière peu judicieux.
Après une saison splendide au Stade Rennais, en 2005-2006, il opte pour l’AC Milan, alors qu’Arsenal d’Arsène Wenger le sollicitait. Une équipe où ses qualités d’accélérateur du jeu auraient pu s’épanouir. A Milan, celui que les médias locaux présentaient comme le « nouveau Zidane » ne jouera que peu de matches (il ne sera même pas sur la feuille de match de la finale de la ligue des champions en 2007).
Prêté à Bordeaux, il atteindra pendant la saison 2008-2009, le sommet de son art, avec notamment un « but d’anthologie », comme disent les commentateurs, face au PSG ! Mais la saison suivante, il sombra progressivement, comme toute l’équipe girondine d’ailleurs.
Bordeaux privé de coupe d’Europe, il a voulu à tout prix (et hors de prix) rejoindre Lyon où Puel ne l’attendait pas. Sous utilisé, blessé à répétitions, mal intégré, il vient d’y connaître deux saisons à éclipses.
Le mystère Gourcuff
Image d’échauffement de l’équipe lyonnaise avant le match – était-ce pour la finale de la coupe de France ? – tous les joueurs trottinent, Gourcuff suit balle au pied. Isolé. Autre image, lors d’un France-Luxembourg : Gourcuff sollicite un une-deux évident de la part de Sagna monté côté droit, celui-ci refuse et envoie un ballon stérile dans le paquet central, alors que Gourcuff pouvait déborder sur l’aile.
Les deux images se complètent mais ne donnent pas la clé du mystère. Gourcuff s’est-il replié sur lui-même face à l’ostracisme dont il est victime ? ou ses partenaires le battent-ils froid face à ce qu’ils prennent pour de l’arrogance ?
Il est sûr que l’Afrique du Sud a cristallisé les rancoeurs de certains joueurs qui ne supportaient pas un personnage capable (coupable) de tenir un discours en français correct et d’analyser avec pertinence les rencontres. L’attitude de Ribéry et d’Anelka, sur le terrain, face à l’Uruguay, où ils n’échangent pratiquement aucune passe avec lui est assez éloquente, pour que les démentis sur les attaques dont il fut l’objet en interne ne paraissent pas des menteries. Les petits "caïds" incultes, style Ribéry – plus bête que méchant d’ailleurs – lui ont mené la vie dure. Il ne fait pas bon être un cygne au milieu de la couvée de canards, nous a appris Andersen. Et il n’a su ou pu marquer sa distance avec la pantalonnade de Knysna, blessure morale dure à cicatriser.
Laurent Blanc, dont il était le "chouchou" susurraient certains joueurs et journalistes, l’a donc écarté de la liste finale. Pour sa prestation face à l’Islande ? A ce compte Evra méritait de partir en vacances et non en Ukraine. Et Nasri et Martin ne furent pas transcendants. Parce qu’il ne se serait pas intégré ? Quand on voit nos fouteux sortir d’un car casque aux oreilles, isolés dans leur bulle sonore, on voit mal à quoi ils sont intégrés. Et Laurent Blanc n’est pas directeur d’une colonie de vacances.
Gourcuff a encore quelques années pour faire à nouveau briller son talent. A Lyon ? Il n’est visiblement pas le chouchou de Garde, pas plus qu’il ne l’était de Puel. Si d’aventure Arsène Wenger songeait encore à lui, il aurait tout intérêt à sauter dans le premier avion pour Londres…