Il n’y a pas que les perfides britiches pour célébrer nos défaites. Le rude ibère se réjouit aussi que ses ancêtres aient tenu en échec, en 1811-1812, les troupes napoléoniennes au pied de Tarifa, ville la plus méridionale de l’Espagne.
Déjà en 1295 Guzmán el Bueno avait résisté aux assauts mauresques. Le farouche défenseur, le chef des fourbes assaillants menaçant d’égorger un de ses fils capturé, lui jeta un poignard proclamant qu’il pouvait lui trancher la gorge mais qu’il ne livrerait pas la ville que son roi lui avait confiée ! Sonnez hautbois, résonnez musette. Sauf que le Guzmán s’était mêlé aux luttes internes des mérinides et que chez les assiégeants il y avait un frère du roi, Juan de Castilla !
Cinq siècles plus tard, voilà donc le General Copons (don Francisco de Copons y Navía, de son vrai nom) dirigeant la garnison de Tarifa, 3000 hommes comportant des irlandais et des anglais. En face 10 000 hommes sous les ordres du général Leval, baron d’empire. Leval, ayant réussi à percer une brèche dans la muraille médiévale, invita son adversaire à capituler dans l’honneur. Nouveau Guzmán, Copons refusa. La population érigea une fortification de fortune pour combler la brèche et l’assaut des troupes impériales fut brisé le 31 décembre 1811 ! 500 hommes tués ou gravement blessés : triste réveillon.
Des pluies torrentielles firent déborder l’arroyo : les tranchées furent transformées en torrents, le campement des assiègeants noyé, à tel point que les pièces d’artillerie, enfoncées dans la boue, furent abandonnées. Leval et ses troupes, plus ou moins malades, levèrent le siège. Et le cinq janvier 1812, la Virgen de la Luz fut baladée à dos d’hommes sur les remparts et Copons lui offrit son bâton de commandement. Alleluia.
C’est donc le bicentenaire de cette défaite que Tarifa célébra le 19 Mai 2012. Avec l’inauguration d’une statue du fameux general, monumentale œuvre de bronze du sculpteur Alberto Germán Franco, la participation de figurants en uniformes d’époque défilant et reconstituant l’assaut de la brèche (hélas, votre correspondant de guerre n’a pu, malgré sa sveltesse, se glisser jusqu’à la hauteur de la brèche, vu la densité des spectateurs, parapluies déployés, car la lluvia était au rendez-vous, mais, comme il se doit, il était au côté des malheureux assaillants).
Tout cela méritait bien un album : une cinquantaine d'images des 170 figurants venus de diverses associations.
PS Sur la même période : BELLE ET REBELLE* CADIX, OU LA DIAGONALE DU FOU.