Collision dans l’actualité : on apprenait que Richard Descoings, charismatique patron de l’IEP, dit Sciences-Po, s’offre un confortable salaire et que la sacro-sainte épreuve de culture générale est supprimée aux épreuves écrites d’entrée.
L’ineffable Pierre Bénichou, à l’organe puissant mais qui sonne creux, en a fait des tonnes sur l’inculture des étudiants. « Ils ne savent rien »* dit-il de 15 (selon la version papier du Nel Obs du 12/01) ou 16 étudiants (dans la version orale chez Ruquier). Etudiants qui ne sont pas touchés par une réforme qui va se mettre en place en 2013. Ceux-là d’ailleurs ont été recrutés à bac+2 selon une autre procédure que le concours d’entrée en 1ère année. Ils ont tous eu au moins la mention bien au bac. Mais « ils ne savent rien ». Le ton méprisant de cette outre gonflée de son importante bêtise qu’est devenu Bénichou suffit à expliquer le mutisme des malheureux qui l’ont subi.
Bénichou à Science-Po c’est Morano au collège de France.
Il a en revanche parfaitement raison de s’étonner qu’un certain Jean-François Fogel et qu’une certaine Agnès Chauveau, responsables du secteur journalisme de l’IEP, aient pu penser à un bouffon comme lui, tombé non de Charybde en Scylla, mais de Bouvard en Ruquier, en tant qu’intervenant. Ils leur suffisaient de lire, ce qui est présenté comme ses meilleures répliques pour être édifié. Comme il dit : « il vise bas ».
Echantillons :
Berlusconi a été entendu par le parquet, mais quand sera-t-il entendu par la moquette ?
Si j’avais le cul comme t’as la gueule, j’aurais honte de chier. ça, c’est des injures d’homme.
Un mec qu’est pas pédé, j’sais pas s’il peut rentrer au parti socialiste. Ou alors il est mal vu.
Le clitoris, je connais bien. J’en ai toute une collection. Faut dire que dans ma famille, les femmes sont toutes excisées.
Le Jamel Comedy Club, j’irai quand ça s’appelera le Dupont Comedy Club ! (copiés-collés)
Du x ième degré, on suppose ?
Mais ça ne l’empêche pas de prendre des positions ô combien sérieuses : « Moi je ne crois pas qu’on puisse rire de tout. Personne n’ose rire avec les fours crématoires (…) La religion musulmane dit : ‘moi, il ne faut pas toucher mon Mahomet et si vous touchez mon Mahomet, vous verrez’. Qui est le grand responsable ? C’est l’Eglise catholique ! L’Eglise catholique a été tellement tellement vilipendée et n’a rien dit. On peut montrer le Christ dans des positions épouvantables ! Elle a donné l’exemple : on peut tout dire des catholiques. Mais moi, si j’étais catholique, mais je deviendrais fou ! » Le pitre est capable de dire demain tout le contraire, il ne fait que résonner !
Dans la foulée du tonitruant on a eu droit à une double page d’opinions dans Le Monde. Le Figaro avait été en pointe avec Natacha Polony, la « Eric Zemmour » de Ruquier, quelle surprise. La malhonnêteté intellectuelle est le dénominateur commun de Zemmour et de Polony.
Ainsi, à Canal +, dans « La nouvelle édition », non contente de couper la parole, sur un ton très professoral, au jeune étudiant de l’IEP (19 ans), elle arguait que la proportion d’enfants d’ouvriers avait diminué dans les « grandes écoles » (signe pour elle que l’école d’autrefois –années 50 ? – était plus « démocratique ») feignant d’oublier que Sciences-Po avait, avec les conventions « Education prioritaire » (CEP) qu’elle doit honnir, ouvert ses portes aux enfants des quartiers dits défavorisés.
Ces CEP, qui ont dix ans d’âge, avaient connu le même tollé à leur création. Elles sont d’ailleurs toujours attaquées dans un article de Wikipédia sur R. Descoings. Elles modifiaient le mode de recrutement (qui ne se limitait déjà pas au concours d’entrée de 1ère année). L’IEP, sous la direction du discuté Descoings, a abandonné la politique malthusienne des grandes écoles. 10 000 étudiants, dont 4000 étrangers ; sept collèges universitaires dont six en province, avec trois années d’études dont une à l’étranger + master en deux ans. Et non seulement la culture « générale » a été abandonnée à l’écrit du concours, mais c’est l’écrit lui-même qui a disparu dans les six « campus » à vocation internationale (campus européen franco-allemand de Nancy, par exemple) : examen du dossier et entretien.
« Ce barnum est-il si grave ? », se demande F. Reynaerts. En lui-même, non. L’exercice de culture générale relevait du grand flou à peine artistique. Les épreuves restantes – histoire, langue et au choix philo, lettres ou maths – doivent déjà permettre de cerner les connaissances acquises ; l’étude du dossier et l’entretien doivent permettre de déceler des aptitudes telles que la curiosité intellectuelle, la capacité d’adaptation, le sens du jugement… toutes qualités qui permettent justement de se « cultiver » et non pas d’afficher ce vernis culturel cher aux lecteurs du Figaro.
Ce barnum est cependant symptomatique du mépris de ces prétendues élites à l’encontre des jeunes dont, c’est bien connu, le bac est bradé. Ils ne montrent, à travers leur mépris de caste, que leur ignorance crasse. Si le nombre des bacheliers augmente, c’est dû aux bacs technos et surtout aux bacs pro. La proportion des bacs généraux stagne depuis de nombreuses années. Et le niveau d’exigences des bacs S ou L est au moins équivalent à celui des bacs Philo ou Math-élem d’autrefois.
* « Nous sommes ici dans l'identitaire de droite de base : les-jeunes-ne-savent-plus-rien, ça ne fait jamais que 2 000 ans qu'ils le pensent, ça ne nous rajeunit pas. » François Reynaert
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