Secret de l’instruction bafoué, PV truqués, fausse signature d’un rapport, affaire de corruption étouffée, méthodes dignes de la Stasi… c’est l’IGS, surnommée police des polices ! Il serait temps de mettre un grand coup de balai dans cette pétaudière.
Yannick Blanc
Quand, dans l’évêché crotté du bas-Poitou, on remonte la rue neuve des Capucins, on tombe, au coin de la rue de l’hôtel de ville, sur une ancienne maison bourgeoise en ruine. Naguère un ventrachoux anar local y avait inscrit « Police pourrite » ! Après tout les bénitiers proches de la cathédrale contenaient bien de l’eau bénite et la cathédrale, elle-même, des culs-bénits. Pourquoi pas ce « pourrite », fruit(?) de la pourriture ?
Peu d’échos toutefois sur cette prétendue police des polices qui mériterait bien ce qualificatif de pourrite. Jusqu’à l’os. Jusqu’à la
moelle.
Une polémique bidon a bouzzé sur un « sale mec » dont Copérano a feint de faire un casus belli. On nous a rebattu les oreilles de flics
ripoux dont le tort premier fut d’avoir frayé avec DSK (au fait, le fameux « Dodo la saumure » aurait été relâché de sa mise en détention sans aucune inculpation, par les belges). Un « grand
policier à l’ancienne » de Lyon qui était accusé lui de frayer d’un peu trop près avec des bandits que l’on suppose aussi « à l’ancienne », modèle Audiard, a fait la une des JT. En revanche, ce
scandale des scandales que constitue la révélation d’accusations truquées par la police des polices n’a eu qu’un faible écho dans les médias.
L’Inspection générale des services (IGS) a donc monté un « chantier » pour faire la peau de Yannick Blanc et de Christian Massard, avec
pour victimes collatérales trois collaborateurs du premier.
Y. Blanc était directeur de la police générale à la préfecture de Paris (PP). Son grand tort était d’être réputé proche de la gauche
(il avait notamment fait partie du cabinet de Chévènement). C. Massard, lui, était l’officier de sécurité de Daniel Vaillant, ex-ministre de l’intérieur du gouvernement Jospin. Blanc, ainsi que
son adjoint, Bruno Triquenaux, et deux femmes travaillant à la PP depuis des années, Dominique Nicot et Zohra Medjkoune, furent accusés de trafic de cartes de séjour. "L'analyse des 123
dossiers saisis à la police générale fait apparaître que de nombreuses régularisations ont été opérées avec son aval, sinon sur ses instructions, en détournant la législation en vigueur ou pour
la convenance personnelle de ses collaborateurs." pouvait-on lire dans une note de synthèse signée de J. P. Delcher, commandant de police. Christian Massard va faire l’objet d’accusations
semblables.
Quant aux méthodes, voilà ce qu’en dit D. Nicot : "Les policiers de l'IGS ont agi comme la Stasi. Je les revois faire
irruption dans mon service, jouant les cow-boys, comme dans un mauvais film". "Les policiers voulaient que je dise des choses n'ayant jamais existé, témoigne Z.Medjkoune (…) ils ont
déboulé dans le bureau en donnant des coups de pied dans la porte, criant devant les collègues qu'on était une bande d'escrocs. …" Les enquêteurs auraient insulté la mémoire de son père, un
harki. Ils ont été jusqu'à lui amener son fils, alors qu'elle était en garde à vue. "Je n'ai même pas eu le droit de l'embrasser…"
Comme le rappelle Y. Blanc "Des moyens procéduraux considérables ont été employés, dont des écoutes téléphoniques. (…) Le
juge d'instruction, Michèle Ganascia, a instruit uniquement à charge."
En toute illégalité, Claude Brard, à l’époque n° 3 de l’IGS, fait état de prétendus aveux de C. Massard, pendant une garde à vue de 48 H (donc dans le cadre d’une instruction
judiciaire, garde à vue où il est traité de façon particulièrement indigne) : "M. Massard a reconnu avoir été sollicité par une personne défavorablement connue (…) être intervenu et avoir
reçu des cadeaux (…) [avoir fait] réalisé des travaux non déclarés à son domicile…" Mensonges délibérés : Massard a nié ces faits lors de son audition. L’accusation de travaux non déclarés
sera étoffée, par un commissaire principal de l’IGS : effectués par "un ressortissant étranger" dont l’épouse aurait obtenu un titre de séjour par son intervention. Et c’est sur ces
bases que l’officier sera traduit devant un conseil de discipline (avec l’aval du directeur de cabinet de Péchenard, l’ami d’enfance que Sarko a placé à la tête de la police). (Le Monde
17/01/12)
"Un non-lieu a été prononcé collectivement en janvier 2011 par la chambre d'instruction [de la cour d'appel de Paris], qui a
dessaisi le juge d'instruction. Une telle décision est très rare" .(Y. Blanc)
La "police des polices", a donc sciemment fabriqué, en 2007, toute cette fausse procédure : le secret de
l’instruction a été violé, plusieurs procès-verbaux ont été truqués, des retranscriptions d'écoutes téléphoniques caviardées, des déclarations déformées, sans parler des pressions sur des
témoins.
Le comble du cynisme est atteint quand on s’aperçoit que des beaufs, pardon des boeuf-carottes ont falsifié la signature de la
synthèse-bidon des PV et écoutes truquées. Du faux puissance 2 ! Elle est signée de Jean-Paul Delcher : il est donc mis en examen (le seul d’ailleurs) pour ce texte. "Je ne suis ni l'auteur
ni le signataire de ce papier (…) ce n'est pas mon style. Quand j'étais commandant, je ne rédigeais pas de façon aussi incisive. Pour moi, ça, c'est un acte d'accusation. Les accusations portées
sont extrêmement graves." "Si je vous ai bien entendu, s'est étonné le juge, le document du 19 décembre 2007 est un faux. Donc, on fait des faux à l'IGS?" "Oui, c'est un faux. (…) Ma
confiance a été trahie". "Par qui?", a demandé le magistrat. "Par la hiérarchie. Au-dessus de moi, il y a un commissaire et un coordonnateur des services judiciaires. C'est l'un ou
l'autre." Ce coordinateur n’est autre que Claude Brard, devenu patron de l’IGS !
« Les policiers de l’IGS conservent tout mon soutien »
Si le commandant Massard a finalement été réintégré, si Yannick Blanc a lui rejoint la région Île de France (Dr adjoint du cabinet de
J. P. Huchon), ni Dominique Nicot, ni Zohra Medjkoune n’ont été réintégrées. Pas plus que Bruno Triquenaux : ce gaulliste historique fréquentait Henri Guaino : "Je l'ai eu téléphone,
récemment, je lui ai demandé de m'aider. Il m'a dit qu'il fallait d'abord que je retire mes plaintes". Eh oui ! Guaino, ce paragon de vertus républicaines fait pression sur une
victime.
Michel Gaudin*, Préfet de police, qui a notamment sanctionné B. Triquehaux n’est au courant de rien. Il respecte scrupuleusement le
secret de l’instruction et la présomption d’innocence. Donc, il clame : "Les policiers de l’IGS conservent tout mon soutien".
Claude Guéant, qui était, au moment du départ de la manip, encore directeur du cabinet de Sarkozy à l’intérieur et dont un
ex-collaborateur, Eric Meillan (ancien de la DST), avait été mis à la tête de l’IGS, dit vouloir poursuivre B. Le Roux, député PS, pour avoir dit qu’il ne pouvait pas ne pas avoir été informé.
Meillan lui-même prétend : "falsifier un PV ce n’est pas le genre de la maison". Prière de ne pas rire !
Présomption d’innocence ou pas, il est avéré que cinq fonctionnaires ont été injustement soupçonnés et pour quatre d’entre eux virés.
Ce ne sont ni eux, ni les vilains socialistes qui disent que des PV, écoutes, etc. ont été truqués, mais la chambre d’instruction de la cour d’appel de Paris. M. Gaudin ne peut l’ignorer.
Il est plus que temps de s’interroger sur cet IGS et sa jumelle l’IGPN, prétendues police des polices, mais qui ne jouent, en temps
ordinaire que le rôle de gomme à bavures.
Il est plus que temps de supprimer ces services discrédités et de mettre en place une instance indépendante, sous la
direction de magistrats du siège, avec de véritables services d’enquêtes indépendants du ministère de l’intérieur.
Pour que la police redevienne un vrai service public !
* Gaudin argumente que le pouvoir n'avait pas besoin d'entamer une procédure contre Y. Blanc, puisqu'il était sur un poste à la discrétion de l'exécutif. Mais "Sarko m'a tuer" montre bien cette volonté perverse de Sarko d'ajouter l'humiliation à l'arbitraire !
Sources :
Enquête réalisée par les auteurs de « sarko m’a tuer »