Ô scandale, Rue 89 se serait « vendue » à Perdriel, vous savez l’ignoble patron du Nel Obs ! Et Daniel Schneidermann, dans sa chronique matinale d’@rrêt sur images, se déchaîne.
Rue 89 est donc un site d’information fondé par des anciens de Libé en mai 2007 « sans investisseur ni groupe de presse, et qui est devenu le premier des “pure players” français, avec plus de deux millions de visiteurs uniques par mois ». Claude Perdriel, actionnaire très minoritaire, a racheté tout le capital. Selon Pierre Haski, « L’indépendance éditoriale et l’autonomie de gestion sont garantis dans l’accord » ; il continuera à être dirigé par les trois fondateurs (P. Haski, L. Mauriac, P. Riché).
Le procureur d’arrêt sur images « [entend] bien les proclamations des fondateurs: on continuera comme avant, rien n'a changé, on reste dans nos locaux, indépendance éditoriale complète, etc. etc. Même s'ils sont de bonne foi, s'ils veulent eux-mêmes y croire, ce n'est évidemment pas vrai. »
Chez Schneidermann, affirmation vaut preuve. Mais ce n’est rien à côté du déchaînement qui suit.
Il est de bon ton, chez nos chers BOGÔS (petits BOurges qui se la pètent vraie GÔche auto brevetée) de décréter que Libé* (actionnaire : un Rothschild, c’est dire) et le Nel Obs sont des suppôts du grand Kapitâââl comme disait Marchais. A vrai dire, à part le « diplo » - entendez le Monde Diplomatique – et encore, à gôche, pour eux, aucun titre ne trouve grâce, même pas Charlie, qu’@si salit.
Donc, le BOGÔ-CHEF d’@si a rendu son impitoyable verdict avec la modération dans le jugement qui le caractérise : « hélas, je ne vois pas qui peut être plus représentatif des vieux medias que L'Obs, avec ses pages culturelles de complaisance, son feuilletonnage arthritique de la politique politicienne franchouillarde, sa frileuse bien-pensance idéologico-économique, ses sagas enamourées de winneurs du patronat, et ses pleines pages de pub pour les montres qui montrent qu'on n'a pas raté sa vie (même si, attention, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit, il y a aussi de bons papiers dans L'Obs). » La parenthèse est succulente de tartufferie.
Les petits bogôs qui ont colonisé les commentaires – afficher une sympathie pour le candidat désigné par les primaires citoyennes vaudra bordée de sarcasmes au téméraire – en ont rajouté une couche, du style « depuis un certain temps je fréquentais moins la Rue, la sentant comme en train de perdre son âme », âme qu’elle a quand même vendue à l’horrible Perdriel !
En fait, avec l’arrivée du fameux Huffington Post, sur le marché français de l’information en ligne, de grandes manœuvres sont en cours. Le rachat de Rue89 par le groupe du Nel Obs s’inscrit à l’évidence dans ce contexte. Deux millions de visiteurs uniques par mois, ce n’est pas négligeable, pour employer un euphémisme. Mais, justement, l’intérêt évident de Perdriel est de conserver – et si possible accroître – cette audience. Donc garder à Rue89 ce qui fait son attrait. Celui qui a soutenu le France Observateur, de Giles Martinet et Claude Bourdet, puis fait naître le Nouvel Observateur avec Jean Daniel, ne s’est jamais manifesté par un interventionnisme intempestif sur la ligne éditoriale de l’Obs.
Que D.Schneidermann regrette la perte d’indépendance d’un partenaire, soit. Mais le procès d’intention qu’il fait et aux fondateurs de Rue89 et au Nel Obs est pour le moins prématuré. Cette chronique ne fait qu’illustrer une attitude de plus en plus fréquente du patron d’@si, celle du donneur de leçons, avec de vieilles rancœurs aigries…
* D. Schneidermann y tient pourtant chronique…