Une nouvelle contribution de Gilbert Dubant
Ci-dessous une copie d'écran de "Siné sème sa zone", en guise
d'illustration;
Le deblog-notes sur le séjour d’un couple de sympathiques Français dans la fournaise aoûtienne d’Agadir est intéressant à plusieurs titres. Non par sa nouveauté, mais par la pertinence des questions posées et des remarques faites, en particulier sur l’incompréhension attribuée aux « souchiais » (je préférerais « beaufs gaulois », la beaufitude recrutant sur tous les continents, Afrique incluse).
D’abord, un rappel utile sur ce grand pays démocratique nommé Maroc, où un individu basané est interpellé par la gentille police locale parce qu’il boit à une terrasse de café pendant le Ramadan. Cet impie est Français ? Et pourquoi n’aurait-il pas droit à une chasse au faciès endogène, le Musulman étant par définition brun et bronzé ? De vulgaires « souchiais » iront jusqu’à dire que la liberté d’opinion n’a pas franchi le détroit de Gibraltar ? Seuls d’immondes xénophobes en auraient l’audace. D’autres ricaneront sur le Ramadan lui-même, qui doit faire connaître à tous, riches compris, les affres de la faim réservées aux pauvres le reste de l’année .Pourquoi donc les opulents affamés du jour passent-ils la nuit à se goinfrer de la h’rira du crépuscule jusqu’aux makroud de l’aube en jouant aux cartes ou à d’autres jeux en chambre (le hammam purificateur doit être ouvert toute la nuit) ? Les oulema n’ont rien à envier au bon père Escobar, apôtre jésuite de la casuistique.
Autre aspect démocratique du Maroc : « Le Monde » y est diffusé, sauf quand il est interdit (officiellement, on dit « Baqi majach », « il n’est pas encore arrivé »). Ce jour-là, coup de bol, « Le Monde » ne disant rien des turpitudes de M6 et de sa bande mafieuse, le couple de Françaouis découvre donc un courrier des lecteurs dans lequel la vérité éclate : Christine Lagarde se plie à la « charia financière » et se met à quatre pattes sous la babouche de fer des pétrodollars purifiés par les sukuk et mousachaka pour réduire à quia le travail acharné et civilisateur des banques chrétiennes et juives.
On évitera la cuistrerie d’un baratin religieux qui rappellerait que le premier démon anti-charia se nommait Jean Calvin, et qu’il fut également antisémite en autorisant publiquement le prêt à intérêt par des Chrétiens. Aujourd’hui, les banques « islamiques » fonctionnent exactement comme les autres, au prix de contorsions théoriques où l’intérêt serait le fruit d’un investissement commun entre débiteur et créancier.
Les conclusions provisoires ne sont pas non plus d’une originalité foudroyante. Toute religion monothéiste est par essence totalitaire, puisqu’elle soumet la vie publique et privée à des diktats transcendentaux donc indiscutables concernant l’alimentation, la sexualité, l’éducation, le vêtement, les droits de succession, la liberté de parole, l’obligation au temps de prières, etc. Dans tous les pays où l’Islam est religion d’État, de jure ou de facto, la dictature totalitaire est là. Dans ce grand pays laïc nommé Turquie, on peut boire l’apéro à une terrasse d’Istanbul, mais essayez donc de sortir une bouteille de whisky pendant le Ramadan dans un village d’Anatolie !
Les tenants des « valeurs chrétiennes » n’ont pas à gonfler le torse. Le catholicisme (et d’autres formes chrétiennes, presbytériennes, évangélistes, et autres « born again » sectaires à la George W.Bush) a pour but de régenter totalement, par la même loi divine, la vie matérielle et spirituelle de ses ouailles, en échange d’un futur paradisiaque (mais sans les « houris » au pucelage renouvelable). Vieilles histoires de l’Inquisition ? Les chevaliers de la Bible Belt et du créationnisme du Deep South états-unien sont largement aussi rétrogrades et fanatiques que les taliban afghans ou pakistanais. Certaines fractions de l’extrême-droite française renvoient sans escale à Torquemada, avec la bénédiction de l’intégriste Benoît XVI.
Tout cela m’est contemporain et me dérangerait à peine si ces excités n’attentaient pas à ma tranquillité, en fait une laïcité paresseuse, plutôt indifférente à ceux qui croient à l’âge des Pères de la Genèse, à l’élection d’un peuple par l’Éternel ou aux maux de tête provoqués par l’ange Gabriel à un illettré dormant dans une caverne. Ce que je trouve agaçant, c’est d’être agressé, verbalement ou plus, par ces agités qui ne tolèrent pas qu’on néglige leurs jouets mentaux. Les femmes des cités françaises contraintes de porter le voile pour avoir la paix sont beaucoup plus à plaindre que moi. Mais c’est là où tout se mélange. « C’est notre religion ! » disent habilement les barbus, « et les femmes doivent s’y plier ». Les xénophobes se drapent dans le drapeau et clament : « Les valeurs chrétiennes et les traditions françaises ne peuvent tolérer ce carnaval… ».
Le constat déprimant de l’ignorance crasse et/ou de la mauvaise foi des uns et des autres sur l’histoire des religions, des cultures méditerranéennes sans sauce Mare Nostrum à l’européenne, de la distinction entre religion et tradition, de la valeur de la dialectique culturelle, ne résout rien. Il tente seulement de pointer la différence entre vie spirituelle, religieuse ou non, et tradition obscurantiste et/ou criminelle. Il incite aussi à tenter de réagir chaque fois qu’une ânerie comme la charia financière ou l’excision islamique est proférée dans un journal réputé « sérieux ». Quant aux supports francophones de pays musulmans comme l’Algérie ou le Maroc où j’ai tenté de faire valoir un droit de réponse, force est de constater que celui-ci n’est pas plus en usage chez eux que dans la plupart des medias français.
Un dernier point évoqué par nos sympathiques visiteurs Gadaris provisoires : la hantise européenne du halal. Petit sujet pour d’aussi grands mots que tolérance et laïcité ? Voire. Quand j’étais moi-même au printemps 2010 à Agadir avec ma femme française et laïque, nous avons évidemment mangé halal (je n’ai jamais senti de différence entre les viandes d’un agneau égorgé ou assommé) mais la laïcité touristique nous a permis de consommer aussi un excellent rosé local on ne peut plus haram. Le Coran est-il soluble dans l’euro ? Triste démenti pour la charia financière…
Gilbert Dubant
La première illustration est une copie d'écran de "Siné sème sa zone" La diatribe de Siné se conclut par "Dans mon enfance, je croassais à chaque fois que je croisais une bonne soeur ou un curé. Aujourd'hui à cause de mecs comme le Pen, Hortefeux, Besson, et autres du même accabit, on ne peut plus, hélas, manifester la même irritation, pourtant légitime, envers ces nouveaux ostensibles. Dommage !"