Prudemment j’avais acheté L’Equipe et emporté le Hessel-Morin (« Le chemin de l’espérance » Fayard) pour prendre ma place d’assesseur au bureau de vote de la primaire citoyenne à Luçon, « l’évêché crotté » du Bas-Poitou, comme disait son plus célèbre évêque, Richelieu. Crotté, il l’est resté vu le nombre de déjections canines sur les trottoirs. Eh bien pas eu le temps d’entrouvrir l’Equipe et encore moins de lire Hessel-Morin : les citoyens et citoyennes ont voté sans discontinuer.
Cette primaire m’avait obligé à renouer avec la distribution de tracts sur la voie publique, la veille, au marché. Juste un petit papier précisant le lieu du vote. Bon accueil général. Peu de réactions hostiles. Quelques refus pincés et trois remarques désobligeantes, auxquelles je n’ai évidemment pas manqué de riposter, mais l’échange a tourné court. Réactions d’un bord difficile à cerner. A priori, j’y voyais de la droite extrême (nous sommes en Vendée ex-fief de P. de Villiers), mais le plus virulent a évoqué Marchais…
Ce matin donc dès 9 heures, un défilé quasi ininterrompu de citoyen-ne-s, déposant leur obole, s’engageant sur des valeurs de gauche, puis faisant leur choix et déposant leur bulletin dans l’urne, beaucoup laissant aussi leurs coordonnées avec le stylo magique, pardon électronique, après avoir été clairement averti que c’était tout-à-fait facultatif.
Cette démarche inédite – toutes ces personnes peuvent se dire qu’elles ont participé aux premières primaires en France – a été attaquée, vilipendée, caricaturée. Bien malin aurait été celui qui aurait parié sur un tel succès. Rien ne disait qu’à part des sympathisants connus, des hommes et femmes de gauche dans le secret de l’isoloir des élections générales, s’afficheraient publiquement comme tels. Surtout dans une ville d’à peine 10 000 habitants. Demain, avec tel et telle voisin et voisine les salutations habituelles auront un autre sens. Et ce Monsieur d’allure renfrognée que je croise quasi journellement, je suis presque sûr qu’il répondra à mon salut.
Demain – ce soir même peut-être – il y aura le chœur habituel des pisse-vinaigre pour clamer tout le mal qu’il faut penser de ces primaires. Dans les sites que je fréquente, il est probable qu’un Forum d’Arrêt sur images accueillera les propos fielleux des habituels détenteurs de la vraie croix, pardon de la « vraie gauche », les mélenchonnistes plus virulents à l’encontre du PS que contre Sarkozy ; le + du Nel Obs donnera à lire son lot habituel de pseudos articles critiques (hier, l’un des rédacteurs attitrés balançait un papier sur « pourquoi je ne voterai pas aux primaires ») ; le Post aura son troupeau de trolleurs UMPistes d’autant plus déchaînés qu’ils ne pourront crier à l’échec…
Preuve aura été faite qu’il faut faire confiance à la citoyenneté, que la désignation d’un candidat n’est pas obligatoirement chasse gardée des encartés voire des seuls appareils.