Dans un entretien à Libération (07/01/12), le candidat du Front de gauche ne dit pratiquement rien sur la politique de Sarkozy et consacre l’essentiel de son intervention à attaquer Hollande et le PS.
L’ex- secrétaire mitterrandiste de la fédération PS de l’Essonne, l’ex plus jeune sénateur en son temps du PS, se prétend l’héritier de
Mitterrand en émettant cette pure idiotie : « Parce que je suis le candidat unique de plusieurs forces de gauche, avec les communistes. Et aucun candidat de gauche n’a été élu sans l’aide des
communistes. Jamais ! » Si Mitterrand a bien été le candidat unique de la gauche ce fut en 1965 et 1974 et il l’était d’une alliance qui allait des radicaux au PCF (un PC qui pesait encore
plus de 20 %), en passant par les socialistes. Et en 1981, le PC a présenté Georges Marchais (un peu plus de 15 % au 1er tour) et ne s’est donc rallié qu’au 2e tour. En 1988, même topo avec un
Lajoinie faisant à peine 7% au 1er tour. Se comparer à Mitterrand, il n’a pas peur du ridicule, le tribun !
Sarkozy n’est cité que trois fois : l’une pour se défendre d’être membre de son cabinet noir, les deux autres pour dire qu’il n’est « pas battu d’avance ».
Et pis c’est tout ! Si Bayrou est cité, c’est pour dénoncer Hollande qui, tenez-vous bien, « a fait le choix de creuser un fossé avec le Front de gauche pour justifier l’alliance avec M.
Bayrou. » Sauf preuve du contraire, c’est bien Mélenchon qui a creusé le fossé en insultant Hollande et non l’inverse. Sa haine anti-PS va jusqu’à l’amener à affirmer que la « primaire
PS (…) était censée m’exterminer(sic). » La dame Le Pen est quand même attaquée, mais juste pour dire qu’ « elle ne représente pas les ouvriers ».
La dialectique mélenchonienne est quelque peu surprenante. Pourquoi sa candidature ne décolle pas ? C’est la faute au PS qui, « à lâcher prise de tous les marqueurs de gauche [crée] un
trouble immense ! ». En bonne logique, si son affirmation était juste, elle devrait lui offrir un boulevard puisqu’il n’aurait qu’à reprendre ces fameux marqueurs (un nouveau mot à la mode)
laissés en déshérence par les socio-traîtres ; d’autant qu’il se vante d’avoir, « le premier réseau de terrain au contact de la classe ouvrière ». Mais, de fait, malgré ses imprécations,
si, comme il s’en targue, il est « le candidat de gauche, hors PS, avec le niveau d’intentions de vote le plus élevé », il le doit plus à l’écroulement des deux candidats trotskystes
qu’à une irrésistible poussée de la gauche non socialiste.
S’il ne décolle pas c’est, peut-être, parce qu’il feint de croire qu’il suffit de dire fautquon ou yaka. Qui n’est
pas indigné par le rôle joué par de prétendues agences de notation qui ont brillé par leur totale incompétence au moment de la crise dite des « subprimes » ? Mais chacun sait qu’il ne
suffit pas de mobiliser une poignée de partisans armés d’andouillettes AAAAA pour mettre fin à leurs méfaits. Vouloir « mettre en place des visas environnementaux et sociaux aux frontières de l’Union européenne », ça ne se
décrète pas, cela suppose de créer un rapport de forces au sein de l’Europe. Même chose pour la banque centrale européenne… On peut émettre l’hypothèse que beaucoup de citoyens de gauche
sont évidemment demandeurs d’objectifs de gauche mais aussi et surtout des moyens d’y parvenir.
Et qu’ils ne peuvent se satisfaire d’affirmation grandiloquente telle que « Le capitalisme agonise. » quand ils constatent qu’un capitaliste Indien rachète nos
derniers hauts-fourneaux pour les fermer et que le libéralisme le plus sauvage fait des ravages, sous une dictature prétendument communiste, en Chine. Sans oublier Cuba, la « non dictature »
selon Mélenchon, le pays de la non espérance comme le définissait Maspéro, qui s’ouvre aussi au
libéralisme… L’agonie risque d’être longue, d’autant qu’en Amérique latine, le Brésil, la plus grande puissance économique, est plus proche de la social-démocratie que de la « révolution
bolivarienne » à la Chavez.
Jean-Luc Mélenchon ferait bien de relire Mélenchon Jean-Luc qui écrivait en décembre 2006 : « la centralité de la candidature
socialiste à gauche est désormais totale, que cela plaise ou pas, parce qu'elle paraît la seule efficace pour atteindre le programme commun le plus élémentaire : être présent au deuxième
tour et battre la droite »
En "bonus"
Mélenchon, jamais en peine d'une polémique, s'en prend maintenant à la compagne de F. Hollande, Valérie Trierweiler, pour une émission "Portraits de campagne", où on le voit papotant gentiment avec Marine Le Pen, puis échangeant avec Rachida Dati dans les couloirs du Parlement européen. Et cela se sachant filmer (on voit même la réalisatrice sur un plan, quand il discute avec Dati).
Comme on lui ressort la séquence dans "Des paroles et des actes" (FR 2, 12/01/12), avec son sens de la retenue et de la mesure qui le caractérise, il diffame la journaliste "J'estime que du point de vue de l'éthique, elle n'a pas fait son travail". Répétons-le, ce n'était pas une séquence en caméra cachée, il se savait filmé.
PS Mon article, paru aussi dans Le Plus m'a valu une attaque au marteau-pilon d'Alexis Corbière au nom du Front de gauche : "une tribune publiée dans le Plus du "Nouvel Observateur" a critiqué Jean-Luc Mélenchon dans un style très lourd et assez fleuri ("pure idiotie", "ridicule", etc.) dans laquelle les attaques superficielles tiennent lieu d’arguments de fonds."