Michel Onfray*, bien qu’athée affirmé, partage avec le pape le don d’infaillibilité et il distribue ses anathèmes comme des excommunications. Il fait partie de ceux qui se sont auto-attribué le droit de décerner des brevets de « vraie gauche » et, retrouvant les accents d’un communiste stalinien, pourfend le social-traître, pardon le social-libéral. « Les vaches libérales seront bien gardées… »
Ce soutien affiché d’Arnaud Montebourg était-il si naïf qu’en participant à la primaire citoyenne, il croyait que son champion allait l’emporter ? que le second tour n’opposerait pas Hollande à Aubry ?
Il partage la suffisance du député-président de conseil général de la Saône-et-Loire, le seul à porter un programme de gauche. Ainsi n’a-t-il pas été voter au 2e tour de la primaire citoyenne, ne voulant pas choisir entre ces deux là [qui] étaient bien l'avers et le revers d'une même médaille de gauche molle. Et sa seule abstention a fait que contrairement à la première, la seconde consultation n'a pas été une affaire du peuple de gauche, mais une affaire de socialistes ; Monsieur Onfray n’en étant plus, les 2 860 000 citoyens du second tour ne sont plus dignes de faire parti du « peuple de gauche ».
Le ralliement – à titre personnel – de son champion au candidat libéral Hollande ne semble pas trop l’émouvoir, bien qu’il y ait côtoyé Valls-la-droite, Royal-la-socialitude (quel humour) et Baylet défenseur des fumeurs de chinchon.
En revanche Aubry a droit à toute sa sollicitude. Dans son réquisitoire haineux, il n’hésite pas à reprendre les conneries, comme dit si bien Denise Cacheux dans une lettre à Copé, sur une piscine de Lille.
Porteur de la vraie croix, pardon de la vraie gauche, l’imprécateur questionne : Et le peuple ? La misère ? Le chômage ? La pauvreté ? La laïcité ? La place de l'islam dans la République ? La privatisation de la santé ou de la retraite ? Autant de sujets habilement évités lors des différents débats. Que lis-je ? Quoi, la vraie voix de gauche au sein même du Parti socialiste, n’aurait-elle pas participé aux débats (car le pluriel nous indique qu’il ne s’agit pas du seul débat du second tour) ? Ou, a-t-il eu une extinction de sa voix de gauche pour ne pas parler du peuple, de la misère…
Et ce qu’il appelle la gauche anti-libérale a droit aussi à sa volée de bois vert. Même Mélenchon, à qui pourtant il octroie que ses propositions sont justes, ne trouve pas grâce à ses yeux pour sa propension à dire des bêtises sur Castro ou le Tibet. Les seuls qui échappent à cette distribution d’horions sont les verts. Mais ce silence n’est pas obligatoirement signe de mansuétude à leur égard…
Finalement le seul socialiste qui trouve une grâce posthume aux yeux du philosophe sera François Mitterrand. Je n'aime pas François Mitterrand, proclame-t-il (ce qui ne va pas le faire se retourner dans sa tombe). Mais il lui reconnaît le génie d’avoir su unifier la gauche, d’un pharmacien radical-socialiste [à] un communiste stalinien ancien du STO. Sauf que, pour lui, cette unification, à laquelle il invite Montebourg à s’employer ne concernerait que sa « gauche anti-libérale ». Il n’est pas sûr que le brillant orateur soit tenté de se lancer dans la sisyphienne tentative d’unir une extrême-gauche aux multiples chapelles.
Le social-démocrate que je suis pourra-t-il se permettre suggérer au grand philosophe de gauche anti-libérale, atteint comme Montebourg du syndrome Mauresque, de s’inspirer du titre des chroniques hebdomadaires de F. Mitterrand, dans l’Unité, avant de devenir Président : « Ma part de vérité ».
* « Avec François Hollande, les vaches libérales seront bien gardées » Michel Onfray Philosophe - Le Monde daté du 19/10/11
En faisant un semblant de ménage dans ma messagerie, je suis tombé sur une "Lettre" envoyée au courrier des lecteurs du Monde le 10 janvier 2011(lettre non parue) ; à l'époque M. Onfray n'avait pas été touchée par la grâce Montebourgeoise et affichait un Mélenchonisme clair et net (bien que Mélenchon ait déjà sorti ce qu'il appelera des "bâtises" sur Castro et le Tibet) :
Lettre ouverte à M. Onfray, philosophe
« Notre société politiquement correcte diffuse, par le biais des médias légitimes financés par le marché, une pensée unique… » L’amorce de la chronique du philosophe (Le catéchisme postmoderne Le Monde 09-10/01/11) donne dans le poncif éculé (pléonasme) : « politiquement correcte », « pensée unique » - à croire que ceux qui la dénoncent, cette pensée dite unique, sont incapables d’en avoir une, de pensée – il y manque la « bien pensance » ou le « droit-de-l’hommisme » et autres expressions conformes (on n’échappera pas cependant aux « belles âmes »). Mais en une phrase, le non-penseur ne pouvait épuiser le stock.
Il emprunte ensuite un procédé rhétorique classique –Julliard et Finkielkraut y excellent – se fabriquer un adversaire caricatural que le polémiste terrassera avec splendeur. Ainsi prête-t-il aux promoteurs de l’euro la promesse du paradis sur terre, pour déclarer « Nous en sommes loin ». Qui a dit ou écrit que l’euro allait apporter l’amour entre les hommes et la fraternité entre les peuples ? nul ne le saura.
Dans un maelstrom dévastateur, il mêle dans la même opprobre, l’Europe, Internet, l’Islam, les élites. Autre procédé rhétorique classique : la victimisation : « Quiconque doute du bien-fondé de ce système devient un homme à abattre » Et cet homme à abattre, ce héraut de la démocratie authentique, du peuple véritable, d’authentiques positions de gauche, c’est Jean-Luc Mélenchon ! Et qui est à la tête de la horde : la Rue de Solférino, cette gauche libérale, autrement dit la gauche de droite, qui stigmatise ceux qui revendiquent clairement une gauche digne de ce nom.
Sa tirade anti-Islam est digne des identitaires et autres adeptes des apéros pinard-sauciflard. Il pointe dans le Coran pléthore de sourates antisémites, sauf que les textes sont contradictoires et qu’historiquement, il valait mieux, en Espagne, être juif sous la domination musulmane, qu’après la Reconquista. Pour l’homophobie, la misogynie, le phallocratisme, la Bible compte aussi quelques passages qu’on n’ose qualifier de croustillants et la Sainte Eglise Catholique, Apostolique et Romaine, comme elle se baptise, les a pratiqués pendant des siècles. Et les pratique encore un peu… Mais sans doute que pour lui le rejet de la xénophobie, à peine masquée par les discours hostiles à l’Islam, relève de la bien-pensance.
Internet vient un peu comme un cheveu sur la soupe. On y trouve d’immenses ressources (ainsi la chronique du philosophe est-elle en ligne) ; il facilite des recherches ; il facilite des pratiques qui lui étaient antérieures telles que le plagiat… en bref c’est un outil utile avec ses dangers. Mais, on voit bien ce qui chagrine l’imprécateur : « la possibilité pour chacun de dire tout et n'importe quoi, de montrer son indigence sans vergogne pour en informer la planète en temps réel. » Il y a comme un relent de mépris élitiste. Eh oui ! M. Onfray, tout le monde n’a pas la chance de disposer de la dernière page du Monde pour dire tout et n'importe quoi !
La fin revient à un grand classique de cette rhétorique avec l’invocation du peuple. Dont évidemment, M. Onfray est, en quelque sorte, le medium. Sauf que le peuple, le vrai, c’est-à-dire l’ensemble des citoyen(ne)s, n’est pas monolithique. Dans ce qui est un des fondements de la démocratie – les élections – ces citoyens peuvent avoir des choix changeants (ou ne pas participer à ses choix, mais il n’y a que les devins pour interpréter, au-delà de la seule évidence que le vote ne les intéressait pas, le sens de l’abstention). S’il y a une moue de dégoût c’est plutôt à l’encontre de ceux qui, comme celui qui fait président, croient que pour parler peuple, il faut parler vulgaire, pour ceux qui cyniquement jouent sur le viscéral plutôt que de parier sur l’intelligence. Dégoût pour ce mépris implicite du citoyen.