Luc Chatel qui, comme le rappelle Le café pédagogique, avait su éviter de faire entrer l’école dans la stigmatisation des Roms, veut l’entraîner dans l’assez abjecte opération pré-électorale de son président.
Dans une lettre (qui n’a d’ailleurs aucune valeur réglementaire), il procède à un syllogisme hardi. Il part de prémisses faux : « Les parents qui accompagnent des élèves […] au cours […] de sorties scolaires participent […] à l’action éducative [donc] au service public d’éducation. » Ils se placent donc « dans une situation comparable à celle des agents publics ». La conclusion est bien sûr qu’ils doivent « se soumettre aux principes fondamentaux de ce service public ». Ce qu’il fallait démontrer.
Mais M. Chatel – ou au moins les membres de son cabinet – ne peut ignorer que la HALDE* avait fait justice de ce syllogisme mensonger. Et cela dès 2007, suivie à l’époque par le ministère de l’éducation nationale.
Les cas étudiés étaient exactement semblables à celui que Chatel traite dans sa lettre : des mères d’élèves exclues de l’encadrement de sorties scolaires en raison du port du foulard.
La Halde dans sa délibération rappelait que la loi du 17 mars 2004 relative au port de signes religieux à l'école comme sa circulaire d’application indiquent expressément qu’elles ne concernent pas les parents d’élèves. Selon une jurisprudence constante, les principes de laïcité et de neutralité des services publics s'appliquent à l'ensemble des agents publics, qu’ils soient chargés de fonctions d’enseignement ou non, mais non aux usagers.
S’agissant de parents d’élèves accompagnant des élèves dans des sorties, ils sont assimilés à des collaborateurs bénévoles du service public. Pour autant, peuvent-ils se voir imposer les mêmes obligations que les agents publics ?
La halde précise que « la notion de collaborateur bénévole est de nature “fonctionnelle” : sa seule vocation consiste à couvrir les dommages subis par une personne qui, sans être un agent public, participe à une mission de service public. Il ne peut donc être soutenu que la qualité de collaborateur bénévole emporterait reconnaissance du statut d’agent public, avec l’ensemble des droits et des devoirs qui y sont attachés. » La Haute Autorité s’appuie sur une décision du Conseil d’état qui estimait que l’intervention de membres de congrégations dans les prisons ne s’opposait pas au principe de neutralité du service public. « Or, les parents participant aux sorties scolaires semblent être dans une situation similaire dans la mesure où ils apportent leur concours aux établissements scolaires pour des tâches qui ne relèvent pas des missions d’enseignement, au sens strict, mais uniquement à l’occasion de sorties et/ou d’activités annexes.
En conséquence, ni le principe de laïcité, ni celui de neutralité du service public ne s’opposent a priori à ce que des mères d’élèves portant le foulard collaborent au service public de l’enseignement… »
« Par ailleurs, si le recours à des parents d’élèves en qualité d’intervenants extérieurs est facultatif, le choix du directeur de l’établissement scolaire ne peut être contraire au principe de non discrimination. » (La Halde s’appuie sur l’article 9 parag. 2 de la Convention européenne des droits de l’homme).
Elle rappelle enfin que « le Conseil d’Etat a reconnu que le seul port du foulard ne constituait pas par lui-même, en l’absence de toute autre circonstance, un acte de pression ou de prosélytisme »
Il s’agit donc bien d’une assez minable opération politicienne. Après le calamiteux débat sur l’identité nationale, qui a profité au front national, Sarkozy lance un faux débat sur la laïcité – à la mode Marine Le Pen et Riposte pseudo laïque – et vraie stigmatisation des musulmans. La lettre de Chatel participe à l’évidence de cette stigmatisation.
* Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité. La halde fait l'objet d'attaques violentes
de la fille Le Pen, Zemmour et autres souchiais. Voir notamment l'article Halde dans le bêtisier
laïciste