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18 juillet 2011 1 18 /07 /juillet /2011 13:42

francemarocFJ’ai hésité longtemps avant de répondre au déblog-notes « L’intégration, ça marche… ou pas ? ». D’abord parce que le titre sonnait comme une recette de cuisine. Ensuite, parce que ce terme d’intégration, hérité du Haut Conseil du même nom, est ambigu. Intégrer signifierait mettre l’arrivant dans un ensemble déjà constitué, homogène ? Oui et non. Que la société française existe est à la fois ancien et provisoire, comme toute histoire. Qu’elle soit homogène renvoie à Paul Déroulède ou, moins gravement, à De Gaulle. Les tenants « souchiais », pour reprendre le mot de Jean-François Launay, de l’intégration aux valeurs éternelles de la République, ont oublié deux points : la réalité et la lutte de classes. Cette myopie intègre généralement les deux aspects.

 

Il y aurait donc au moins deux catégories : les Français bien de chez eux, partageant les valeurs affichées au fronton des édifices publics, portant secours à chacun et souriant à tous, ayant des moyens financiers convenables, et des étrangers pleins de bariolages culturels et vestimentaires, pauvres et illettrés,  auxquels nous devons apporter la civilisation, à condition qu’ils s’y conforment. Devenir comme mon voisin, qui habite la Villa Sam’Suffit et boit de la Kronenbourg en hurlant « Vas-y, le PSG ! », voici l’intégration rêvée ! Je l’ai héritée de Jules Ferry, qui voulait apporter les lumières françaises aux indigènes de l’Empire, à condition toutefois qu’ils restent à leur place, modeste.

Cela veut dire que mon fils né en France épousera une Roumaine ou une Bengalie pour intégrer nos familles respectives, que ma fille née dans les Yvelines devra éviter ses cousins versaillais sous peine d’endogamie, mère de stupidité consanguine. Je devrai aussi virer sans ménagement ma voisine Fatima, venue m’offrir des makroud pleins de miel maghrébin, et lui imposer une dégustation de clafoutis limousin. À ce prix, modique, j’accroîtrai le taux de mariages exogames et le partage du diabète, gages d’une intégration réussie.

Le rapport du HCI évoque cependant les mariages forcés, « gris », « blancs » ou multicolores, la polygamie, l’excision, etc.

Deux remarques. Ces pratiques, tristement réelles, sont heureusement rares et réprimées par notre droit commun. Que celui-ci s’applique, et sans faiblesse ! Ensuite, que des sociologues de pacotille cessent de confondre religion et  obscurantisme, même si la frontière est ténue.

 

CULTURE ET INSTRUCTION

 

Le texte contient d’autres découvertes dignes de M. Homais. Les immigrés seraient moins bien logés que les autres ? Ces éminents analystes devraient savoir que les pauvres ont de moins belles maisons que les riches dans notre société. L’intégration passe-t-elle par la justice sociale ? Devine !  Les chiffres cités dans les ZUS sont clairs. Quant à la mixité sociale, si chère à ceux qui ne l’ont jamais connue, elle pose une question difficile : si vous habitez un quartier pourri par la crasse, la came, l’arbitraire et la paresse des bailleurs, les vols de voitures et les agressions, acceptez-vous de déménager si c’est possible ? Envoyez un SMS sur TF1, vous avez fait travailler Bouygues, qui a construit votre palais.

Idem pour l’enseignement. Georges-Henri de la Crabouillère a de meilleurs résultats scolaires que Mamadou N’diaye ? On se demande pourquoi les parents du second ne lui ont pas offert une chambre avec un bureau ergonomique muni d’Internet et des cours de soutien en physique quantique. Par parenthèse, pourquoi la majorité des enseignants de « gôche » continue-t-elle de défendre « le travail à la maison », producteur évident d’inégalité sociale ?

Lier la culture à l’instruction n’est pas forcément idiot, en dépit des différences liées aux itinéraires individuels et à l’apologie fréquente des « self-made men ». L’ancien berger d’Anatolie analphabète balancé par la mondialisation comme maçon francilien ne va pas disserter sur Proust ou admettre que son aîné Mehmet vive avec Jonathan. Le sympathique président de club de foot qui gueule « On n’est pas des tarlouzes ! » et balance des baffes à sa secrétaire quand il est bourré, est-il mieux intégré à cette société fraternelle que nous aimons officiellement ?

 

INTÉGRATION ET ACCEPTATION

 

Une caricature serait une sorte d’égalitarisme sociétal où la décapitation d’une femme adultère, au sabre et en place publique d’Arabie Saoudite, aurait une valeur comparable au jugement d’un assassin en France. C’est la rengaine « Chacun ses traditions ! ». Nuance : la peine de mort ne se discute pas chez moi. Si vous voulez en parler, ce sera ailleurs. Cela vaut pour tout le monde, Français compris.

C’est là que commence la contradiction entre intégration et acceptation. Je n’ai pas l’intention de convaincre quiconque qu’il est mal de frapper un être humain, que le vol est une mauvaise action, ou que l’apologie du nazisme est condamnable. Ab imo pectore, cette personne peut penser que je suis un déchet gauchiste refusant l’évidence : la loi du plus fort, dont les animaux nous donnent l’exemple. C’est son droit. Le mien est de lui dire que mes valeurs personnelles et la loi française actuelle lui interdisent de faire ce genre de choses, que cette loi est modifiable si la majorité du peuple le souhaite, mais que sa position va être ardue pour emporter cette adhésion majoritaire. Cet(te) immigré(e) ne veut pas l’admettre intuitu personae ? C’est encore son strict droit. Il (elle) veut faire comme sa tradition l’y autoriserait ? Non ! L’immigré(e) considère que cette oppression est inadmissible ? Personne ne l’oblige à vivre dans un pays liberticide. Cela vaut pour les Français vivant à l’étranger.

C’est peut-être là une des clefs entre les différentes immigrations. Comme le dit plaisamment J-F. L., « Les Ritals, les Polaks, les Espingouins, les Portos, ça va, les Beurs et les Blacks, sans oublier les Turcos, bonjour les dégâts ! ». Si les premiers, pourtant Européens, furent mal traités par les « souchiais » xénophobes de l’époque, Macaronis et autres « incivilités », des points communs les rapprochent. Les Italiens antifascistes, les Espagnols antifranquistes, les Portugais fuyant Salazar, les Polonais tyrannisés par Pilsudski, les Allemands antinazis, ont pour beaucoup une conscience de classe, même si beaucoup partent en France pour mieux vivre. Nombre d’entre eux participeront aux luttes de gauche dans l’entre-deux guerres, puis dans la Résistance.  Aujourd’hui, dans plusieurs régions de France, leurs descendants ont souvent des mandats politiques.

On trouve des points communs avec les Algériens (à l’époque sujets français) qui vont s’engager entre 54 et 62 dans la lutte pour l’indépendance, en étant souvent adhérents syndicaux et politiques, et dont l’intégration n’a guère posé de difficultés, même si leur vie était pénible et leur instruction faible. Il semble donc que le paramètre politique doit être inclus dans la notion d’intégration.

L’un des derniers épisodes, peu glorieux pour la France, est le départ de plusieurs milliers d’intellectuels algériens, francophones et démocrates, pour notre pays afin d’échapper aux années 90 de guerre civile entre dictateurs militaires et prétendants islamistes. Ceux que la France aurait dû aider par tous les moyens, y compris professionnels et financiers, ont été considérés comme des intrus. Les immigrés de gauche sont aujourd’hui mal venus, et le droit d’asile une escroquerie.

 

DE LA RELIGION À LA CANTINE

 

Il serait inconséquent de taire pudiquement la question religieuse. Sa caricature imprègne la vie politique et le Front National a réussi son coup, au moins dans la polémique. Les questions du voile (intégral ou non), de la nourriture, des horaires de gymnastique ou de piscine scolaires, de la construction des mosquées, des prières de rue, etc, ont contaminé la politique, jusqu’à créer un Ministère et un débat sur « l’identité nationale », tristement mais enfin avortés.

Le premier obstacle est dans les mots, et vient de loin. Dans l’ex-Yougoslavie des années 90, à en croire les medias français, la Bosnie-Herzégovine est partagée en trois peuples : les Serbes, les Croates et les Musulmans. Une religion devient donc une nationalité. C’est un précédent dangereux, mais tenace.

Ce qui arrange Marine Le Pen est faux. Elle pose l’équation « Immigration = Islam = Terrorisme », et indique les chiffres. Le Front National, comme d’ailleurs les tendances extrémistes du CFCM, telle l’UOIF, revendique plus de 4 millions de Musulmans vivant en France. On retrouve l’assimilation religion = nationalité = identité.

Il nous faudrait un Montesquieu d’aujourd’hui pour se demander « Comment peut-on être Musulman ? ». Si j’avais autant de billets de 100 euros que de prétendus Musulmans qui boivent des apéritifs anisés, jouent au PMU et à la Française des Jeux, laissent leurs enfants, filles incluses, choisir leurs relations, et n’iront jamais faire le tour de la Kaaba, ma fortune serait faite.  Autre banalité : les intégristes chrétiens, juifs, ou simplement idiots, comme la Tribu Ka, sont beaucoup moins courtisés médiatiquement que les barbus. Quelques soi-disant intellectuels de gauche français y sont pour beaucoup, suivis par une secte importante de bobos ayant statufié la Tolérance comme déesse tutélaire, ce qui est osé pour les laïcs affirmés.

 

HALAL À L’ÉCOLE ?

 

Ces gens vivent, et veulent nous l’imposer, sous le règne du « respect des minorités et des croyances », ce qui revient à dire que le créationnisme vaut autant que Darwin et que les enseignements public et confessionnel méritent les mêmes égards, et donc les mêmes crédits.

Roubaix20À propos du domaine public, dont l’école est le fleuron, quelques sectes déguisées en métaphysiques exigent que les cantines scolaires se conforment à leurs canons alimentaires. Les cathos ont noyé le poisson du vendredi, grâce à Dieu, les lobbies halal et kasher remettent le couvert, avec quelques succès. Que des marchands de « fast food » draguent le niqab avec Quick Halal, c’est du business. Que la restauration publique suive est un scandale. Je veux bien croire que l’égorgement d’un pois chiche doit se faire de la main droite tournée vers l’Est, mais je refuse que l’école de la République subventionne les officines privées vendeuses de certificats halal et que s’arrachent avec sauvagerie les composantes du CFCM. Les seules exceptions à une restauration collective ne peuvent s’appuyer que sur des prescriptions médicales, diabète ou allergies par exemple.  L’apprentissage du goût doit faire partie de l’intégration et de la diversité.

J’ai eu la chance de voyager souvent à l’étranger, et de goûter à bien des cuisines, produits de pays aux croyances différentes. Certaines m’ont plu, d’autres non, mais de quel droit aurais-je refusé de manger ce que m’offrait mon pays de résidence, au motif que mes parents n’en mangeaient pas, ou qu’un livre de religion le proscrivait ? Je n’aime pas ce plat ? Je n’en reprendrai pas. Il me plaît ? Remettez-nous ça ! En tout cas, sauf à être d’une grossièreté à laquelle répugne mon éducation, je ne dirai jamais : « Je veux pas de ta bouffe, mécréant d’étranger! ». Cette injure au nom de croyances multiséculaires, portant sur les excréments que bâfrerait le porc, les écailles du poisson, le mélange du sang et du lait, les crimes de l’alcool et toutes ces fariboles, est l’un des visages religieux: un totalitarisme tyran de chaque activité de la vie quotidienne, alimentaire, vestimentaire, sexuelle, ou financière. C’est peut-être ici la distinction entre intégration et liberté. J’ai le droit de ne pas aimer certains aspects du pays où je vis. C’est d’ailleurs politiquement et culturellement mon cas, et je le dis. Je ne me reconnais pas le droit d’insulter ou de discriminer mes concitoyens, sur un stade de football, dans une station de métro ou à table. Je veux des Français et des étrangers libres et égaux. Pour la fraternité, on verra. On choisit ses amis, pas sa famille.

 

Gilbert Dubant

 

 

 

Notes du déblogueur 

1 L'illustration est un peu anachronique, puisqu'elle symbolise l'action civilisatrice de la France au Maroc en 1914 (J. Ferry, à l'époque suçait les pisenlits par la racine). Mais cette allégorie correspond bien à la conception de Ferry sur l'action civilisatrice du colonisateur. 

 

2 Difficile de voir en quoi « L’intégration, ça marche… ou pas ? » sonne comme une recette de cuisine. Outre un clin d’œil à Mon œil, ce titre répondait à une note du Café pédagogique sur un rapport du HCI, note intitulée donc « L’intégration ça marche », titre très optimiste et qui méritait quelques nuances. Nuances que les nombreux abonnés de L’Expresso ont ignorées (sauf ceux, bien sûr, qui, comme moi, ont été lire le rapport complet et pas seulement la 1ère partie)

 

Un peu sur le même thème, mais sous un autre angle : Le Français doit-il contractuellement aimer le défilé, le vin rouge et le saucisson ?

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