Spectacle assez pitoyable que celui de la remise du César de la meilleure actrice. Non, je ne parle pas de la taille et de l’allure hippopotamesque de Depardieu. Mais de l’attitude de la récipiendaire, Isabelle Adjani.
Ah qu’on nous rende la Adjani chantant Gainsbourg, la Adjani étincelante de «L’été meurtrier », la « Reine Margot » incestueuse et violente. Et non, cette moraliste qui, entre deux sanglots, lisait un texte confus où, actrice en quête d’engagements, elle appelait à entrer en résistance. « La journée de la jupe » aborde « un sujet tabou » disait-elle. On voit qu’elle ne lit pas la littérature abondante de jeunes profs qui, lâchés dans le 9-3, tirent d’une expérience désastreuse des pamphlets des plus réactionnaires. Ils viennent grossir les rangs des rétropenseurs, après avoir, le temps d’une rentrée écoulé quelques milliers d’exemplaires de leurs aigreurs.
Ce film « compliqué à faire exister », mais qui lui a déjà valu au moins une autre récompense, Les Globes de cristal, est quand même passé sur Arte – le principal financeur. Et s’il n’est sorti que dans quelques salles, c’est que les exploitants, après une audience forte à la télé, craignait de ne pas faire recette. Elle-même ne craint pas d’ailleurs la contradiction en le qualifiant de petit film et son rôle comme des plus modestes.
Lors des mystérieux « globes », où elle avait reçu une « pépite de cristal », pour le même rôle, elle s'était exprimée sur les dérives de l'extrémisme religieux, faisant de sa jupe, l’arme anti-burka* : "Cette jupe, c'est celle que portent des milliers de jeunes filles et de femmes pour affirmer qu'elles refusent que l'on confonde l'islam, avec l'aliénation et l'assujettissement des femmes !". Sauf que, les jeunes filles ou femmes portent, jusqu’au prochain changement de mode, plutôt des jeans taille basse, voire très basse que des jupes.
Mais la résistante est aussi devenue agressive. Une chanteuse-rapeuse dont le nom d’artiste est Diam’s, mais de son vrai prénom Mélanie, après un succès fulgurant qui lui a foutu une déprime pas possible, a trouvé paix et sérénité en se convertissant à l’islam ! Paris-Match – « le choc des photos » - a montré la donzelle prétendument à la sortie d’une mosquée, foulard noir, djellabah noire ! Elle n’est pas la première puisqu’un certain rapeur Régis Fayette Mikano (?) est devenu Abdel Malik (sans parler d’Anelka ou de Ribéry, chez les footeux ou un Olivier Saint-Jean désormais connu sous le nom de Tariq Abdul-Wahad au basket).
Or donc, dans une interview accordée au magazine Gala – organe laïque bien connu - l'actrice a déclaré :"Je suis atterrée et profondément désolée. Je ne la connais pas. Je trouve qu’elle a un talent fou et je ne comprends pas ce qui lui arrive. [Se voiler] provient peut-être d’une grande détresse, affirme-t-elle. Le problème, c’est que cette détresse peut être contagieuse." Elle rejoignait Fadela Amara qui, faute de plan Marshall, s’en prenait aussi à la rappeuse.
Sauf erreur, la loi de 1905 – si souvent évoquée mais si trahie par ses prétendus défenseurs – édicte dans son article 1 : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes… ». Mélanie Diam’s n’est pas écolière, ni fonctionnaire. Elle masque une chevelure, déjà réduite à peu de choses, par un fichu-casquette dans ses concerts. Si ça déplaît, elle ne vendra plus de disques, elle n’aura plus de spectateurs. Pour le reste que Mmes Adjani et Amara lui foutent la paix !
Et que les pseudos laïques arrêtent d’essayer de créer de fausses symétries avec ce qui se passe en Arabie Saoudite, en Iran, etc., car dans une République qui affiche « Liberté, égalité, fraternité », le contraire d’obligation, ce n’est pas interdiction, mais libre choix !
PS Pour tenter – en vain sans doute – d’éviter tout faux procès :
1°) Isabelle Adjani reste pour moi une grande actrice, mais il ne faut pas qu’elle continue de s’identifier à son rôle, le tournage terminé.
2°) Il se peut que j’ai entendu Diam’s à la radio, mais, pour la chanson, Arthur H doit être la pointe extrême de ma modernité, donc aucun fanatisme de groupie à son égard.
3°) Comme le disait malicieusement Luis Bunuel « Grâce à dieu, je suis athée », toujours prêt à me battre contre tous les cléricalismes mais pas à accompagner un anti-islamisme qui n’est qu’un masque à une virulente xénophobie.
* « Désormais, les femmes qui, viles traîtresses, n'adhéreraient pas au concept féministe sont vêtues de la belle étiquette de "soumises". Si les néoféministes n'étaient pas des "laïcardes", je crois même qu'elles déclareraient des fatwas à la volée contre leurs dissidents, ou plutôt leurs dissidentes. Parce qu'on l'a bien compris, pour elles, le nouvel ennemi du féminisme n'est plus l'homme mais bel et bien la femme.
Pourtant, le combat contre les inégalités homme-femme est loin d'avoir abouti, quand on sait que tous les trois jours, en France, une femme meurt sous les coups. Quand on sait que la France est classée au 66e rang mondial quant à sa proportion de femmes au Parlement. Quand on sait qu'aujourd'hui seule une petite minorité des postes à responsabilité sont occupés par des femmes au sein des entreprises privées.
Or la principale préoccupation de l'empire féministe est d'éradiquer de France ces méchantes agitatrices de la tranquillité nationale, j'ai nommé les dangereuses femmes "burkaïsées". […]
Dans ce fameux débat, les autorités ont recensé entre 300 et 2 000 femmes en voile intégral. Sur 60 millions de Français et près de 5 millions de musulmans. Ces femmes voilées ont monopolisé près de huit mois de débat. Ou l'art de couper en quatre les cheveux d'un chauve. Au bout du compte, j'ai un peu cette impression que ce mouvement de libération de la femme a glissé vers un mouvement de libération de la femme un peu trop musulmane à leur goût. »
Widad Ketfi 24 ans, étudiante en journalisme Le Monde 06/03/10