Copie d'écran avec légende de Bernard Bakounine
Guéant fait du FN comme le Bourgeois gentilhomme faisait de la prose. Pour autant, l’UMP, surjouant l’indignation le lâche Fillon en tête, a voulu faire croire qu’il avait été traité de nazi. Mensonge éhonté !
Il est de bon ton de renvoyer dos à dos Guéant et ses propos nauséabonds et Serge Letchimy et sa question au 1er ministre. Le député de la Martinique aurait traité le
ministre néo-FN de nazi.
Il n’en est rien : « Nous savions que pour M. Guéant, la distance entre « immigration » et « invasion » est totalement inexistante, et qu’il peut savamment entretenir la confusion entre civilisation et régime politique.
(…)M. Guéant, vous déclarez, du fond de votre abîme, sans remords ni regrets, que «toutes les civilisations ne se valent pas ». Que
certaines seraient plus « avancées » ou « supérieures » à d’autres.
Non, Monsieur Guéant, ce n’est pas du » bon sens» ! (…)Montaigne disait que « Chaque homme porte la forme entière de l’humaine
condition ». J’y souscris.
Mais vous M. Guéant, vous privilégiez l’ombre !
Vous nous ramenez, jour après jour, à ces idéologies européennes qui ont donné naissance aux camps de concentration, au bout du
long chapelet esclavagiste et colonial.
Monsieur Guéant le régime nazi, si soucieux de purification, si hostile à toutes les différences, était-ce une civilisation ? La
barbarie de l’esclavage et de la colonisation, était-ce une mission civilisatrice ?
Il existe, M. le Premier Ministre, une France obscure qui cultive la nostalgie de cette époque que vous tentez de récupérer sur les
terrains du front national.
C’est un jeu dangereux et une démagogie inacceptable. » (Extraits de sa question orale du 07/02/12 dont on peut voir la vidéo où il est particulièrement intéressant d’observer la réaction de Guéant).
A aucun moment le Président de la région Martinique n’accuse Guéant de nazisme : il pose une question, que le lâche Fillon, pour éviter
de répondre, feint de prendre pour une accusation.
Il faut noter d’abord que « camp de concentration » ne veut pas dire « camp d’extermination » et que la France en a
créé quelques-uns, pendant l’époque coloniale (sans parler des bagnes en Guyane où on trouve les traces de celui des annamites déportés) et à l’époque de Vichy. Ensuite, comme le note, Laurent Binet, « Il n’y a (…) aucune infamie à faire
remarquer que le discours de Guéant en «rappelle» un autre. On le fait à longueur d’années avec le FN et ça ne choque personne, à juste titre(…). Or, la croyance en une supériorité intrinsèque de
certains peuples sur d’autres (supériorité culturelle, mais on sait que de la «Kultur» allemande à la race allemande, le glissement en son temps s’est opéré naturellement) fut sans conteste l’une
des plus lourdes. »
Quel sens donne Guéant au mot « civilisation » ? Les conquistadores, venue d’une Espagne très catholique (et judéophobe), qui ont
détruit les civilisations aztèques, mayas, incas… étaient-ils d’une civilisation supérieure, eux dont Las Casas a dénoncé, en vain, la barbarie ? Dans la « star’ac » des civilisations, dans quel
ordre Guéant classe-t-il celles de l’Antiquité : les pyramides en trois, obligatoirement, mais entre Athènes et Rome ?
Mais à quoi bon disputer ? Guéant, son maître et les autres UMPistes se foutent des civilisations comme d’une guigne ! Le préfet Guéant
ne doit, sur ce sujet, guère voir plus loin que la visière de sa casquette. Il s’agit pour lui, après avoir stigmatisé les comoriens marseillais, les immigrés de toutes provinces, les
étrangers, ... de faire encore et encore concurrence au FN !
Lettre de S. Letchimy à Guéant
M. le Ministre,
Votre venue en Martinique dans les jours qui viennent, m’oblige à vous rappeler que cette terre a vu naître
Aimé Césaire, Frantz Fanon, Edouard Glissant. Qu’elle a été aimée par des hommes aussi admirables que furent Victor Schœlcher, André Breton, Léopold Sedar Senghor, Claude Lévi-Strauss, et de
manière plus proche encore, par Léopold Bissol, Georges Gratiant, ou Camille Darsières, pour ne citer que quelques-uns de nos grands politiques.
Ces hommes furent de grands humanistes. Leur vie et leurs combats se sont situés en face de ces crimes que furent la
traite, l’esclavage, les génocides amérindiens, les immigrations inhumaines, ou la colonisation dans tous ses avatars… Tous ont combattu la pire des France : celle qui justifiait les conquêtes et
les exploitations, et bien d’autres exactions dont les cicatrices sont inscrites dans nos paysages. Cependant, je n’ai jamais entendu un seul de ces hommes lister ces attentats pour décréter que
la civilisation européenne, ou que la culture française, serait inférieure à n’importe quelle autre. Je ne les ai jamais entendus prétendre que le goupillon de la chrétienté (qui a sanctifié tant
de dénis d’humanité) serait plus primitif que tel bout liturgique d’une religion quelconque.
Toujours, ces hommes ont établi la distinction entre cette France de l’ombre et la France des lumières. Pour combattre
l’ombre qui menaçait leur humanité même, ils se sont référés à la France de Montaigne, de Montesquieu, de Pascal, de Voltaire, de Condorcet ; à celle qui s’est battue pour abolir la traite, puis
l’esclavage, qui a supprimé la peine de mort du code de ses sentences ou qui a accordé aux femmes le droit de vote et celui de disposer de leur maternités… A s’en tenir à votre logique, ils
auraient eu mille raisons de condamner la civilisation occidentale, et de renvoyer aux étages inférieurs bien des cultures européennes.
Voyez-vous M Guéant, vos chasses à l’immigré (qu’il soit en règle ou non), ou la hiérarchisation que vous célébrez sans
regrets ni remords entre les cultures et les civilisations, vous ont enlevé la légitimité dont a pourtant besoin votre prestigieuse fonction. Vous portez atteinte à l’honneur de ce gouvernement,
et à l’image d’une France qui visiblement n’est pas la vôtre, mais que nous, ici, en Martinique, avons appris à respecter.
Toutes les civilisations ont produit, et de manière équivalente, des ombres et des lumières. Mais si les ombres n’ont
jamais triomphé très longtemps, si beaucoup d’entre elles ont disparu dans les oubliettes de l‘histoire (en compagnie de régimes politiques ou religieux quelque peu lamentables), c’est simplement
parce que des hommes de bon sens, pétris d’humanisme et de haute dignité, ont exalté les parts lumineuses que toutes les civilisations de l’homo-sapiens ont mises à notre disposition.
Les civilisations se sont nourries de leurs lumières mutuelles pour mieux combattre leurs propres ombres. Dans une
transversale célébration et de grande foi en l’Homme, ces hommes ont honoré les lumières d’où quelles viennent ; les lumières se sont reconnues entre elles; leurs signaux réciproques ont conservé
intact (de part et d’autre des lignes de partage ou de conflit) un grand espoir d’humanité pour tous. Grâce à eux, nous savons qu’il est dommageable de considérer l’ombre, ou de s’en servir à des
fins qui ne grandissent personne. Ils nous ont donc appris à nous écarter de ceux qui l’utilisent, et qui, par là même, la transportent avec eux.
M. Guéant, fouler le sol martiniquais, c’est toucher une terre que des hommes comme Aimé Césaire ont fécondé de leur sang.
Un sang qui s’est toujours montré soucieux de l’humanisation de l’homme, du respect des civilisations et de leurs différences.
Ce serait donc comme une injure à leur mémoire, à leur pensée, à leurs actions, que de vous laisser une seule minute
imaginer que vous serez le bienvenu ici.
C’est par-dessus vous, et du plus haut possible, que nous renouvelons à la France des lumières toute notre considération,
et confirmons notre respect pour les valeurs républicaines qui, contrairement à celles dont vous êtes le héraut, sont à jamais très opportunes chez nous.
Serge Letchemy
Président de la région Martinique
En complément, Jacques Venuleth me signale la naissance d'un site du MRAP de Lunel (ville proche de Montpellier) : le dernier article propose un extrait du "Discours sur le colonialisme" d'Aimé
Césaire, à qui Serge Letchimy a succédé à la Mairie de Fort-de-France, avant de prendre la tête de la région Martinique.