On a eu le Journal du Dimanche qui fabriquait une pétition « spontanée » d’intellectuels, Finkielkraut en tête, sur une prétendue disparition de l’enseignement de l’histoire pour les scientifiques, on a maintenant L’Express qui isole sciemment la petite phrase qui fera « clash » comme on dit.
Or donc, c’est dans un portrait de Frêche, titré "Frêche, tyran et titan" (28/01/10), que L'Express a reproduit la citation fatale, à propos de Fabius : « "voter pour ce mec en Haute-Normandie me poserait un problème. Il a une tronche pas catholique". Citation assortie d'un petit (1), renvoyant à une note de bas de page pédagogique, à l'usage des mal-comprenants : "issu d'une famille juive, Laurent Fabius a été élevé dans la religion catholique. Il se définit aujourd'hui comme "agnostique" et "laïque dans l'âme" tout en reconnaissant : " L'opinion me considère comme juif. Dès lors je laisse dire, j'assume, et même je revendique. Sollicité par L'Express, il n'a pas souhaité réagir aux propos de Georges Frêche." ».
Voilà ce qu’explique Daniel Schneidermann, qui ajoute que, sans cette note, ce morceau de phrase avait de fortes chances de rester inaperçu. D’autant que ce n’est pas Fabius le Président du Conseil régional sortant de Haute Normandie, mais le moins connu Alain Le Vern, et que Frêche ne faisait que répondre à Fabius qui s’était interrogé sur un vote pour Frêche, s’il était habitant de Septimanie.
Pour que la rue de Solférino comprenne bien, le titre de la version en ligne devient « Le dernier dérapage de Frèche, tyran et titan »*.
Touché, coulé ! Trop, c’est trop ! C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Après la finkielkrauterie sur l’équipe de France trop black, après les harkis traités de sous-hommes, l’agression antisémite contre Fabius amenait le PS (national) à décider de présenter une liste contre Frèche. La manip de L’Express a donc bien marché.
Car, en fait – et c’est encore Schneidermann qui nous en informe – les propos du tyran-titan avaient été prononcés le 22 décembre, au milieu d’autres fréchouillardises, dans une réunion du conseil d'agglomération de Montpellier, à laquelle participait d'ailleurs Hélène Mandroux, Maire de Montpellier (tête de liste pressentie contre lui par le PS aux Régionales) laquelle n'a apparemment pas réagi, sur le moment, aux propos de Frèche.
Propos assez décousus, où il s’en prend à Cécile Duflot, revenue en avion de Copenhague, il rend hommage à Jean-Paul Huchon, avant de s’en prendre à la « tronche pas catholique » de Fabius, avant d’ajouter : "Ça fait rien mais peut-être que je voterai pour lui mais j’y réfléchirai à deux fois."
Loin de moi, l’idée de défendre ce personnage caractériel, souvent comparé à Loulou Nicollin, le Président du club de foot, qui
lui traite un joueur adverse de tarlouze. Mais Frèche, contrairement au Loulou, ne peut invoquer une éducation frustre et une profession peu valorisante : il est prof de
fac !
Seulement le PS semble se décider à réagir que parce que l’on s’en prend à l’un des siens. L’exclusion, lorsque l’excité tribun a bel et bien gravement dérapé avec les harkis, aurait dû s’accompagner d’un nettoyage en règle des fédérations locales du PS, noyautées pas ses séides.
Alors que là, le PS tombe en fait dans un piège grossier tendu par un hebdomadaire qui a depuis longtemps perdu l’esprit de son fondateur.
* Depuis que Schneidermann a soulevé le lièvre, il est redevenu le même que pour la version papier.