« Sommes-nous donc définitivement, irrémédiablement, incurablement, la droite la plus bête du monde » se demandait déjà avec son incomparable accent d’ex-représentant des produits Ricard, Charles Pasqua, à la fin du siècle dernier.
Où est-il le temps où p’tit Louis lançait un « Bonne chance mon papa », bien avant de lancer ses billes sur les gendarmettes de l’Elysée, à son géniteur à talonnettes, le phare lumineux et guide suprême de l’UMP (élu bien sûr par acclamations à l’unanimité*). Huit ans plus tard – car, à part un court intérim de l’ineffable Gaudin en 2007, il n’y a pas eu de Président mais seulement des secrétaires généraux à la tête de l’UMP, désignés par… le président – c’est la chienlit !
Quand Fillon rime avec couillon
Fillon se prenait pour un grand pilote de Ferrari, il s’est viandé en Vespa !
Fort de son frais passé d’avaleurs de couleuvres, pardon de Premier ministre du président vibrionnaire, il se voyait une carrure d’homme d’état le sombre sarthois. Il n’allait faire qu’une bouchée du meldois Copé. Conforté qu’il était par des sondages, non pas faux en eux-mêmes comme le disait Laure Daussy, mais ciblant un public trop large, les sympathisants, dont les deux tiers plébiscitaient Fillon. Sauf que l’hypothèse sous-jacente – les encartés sont à un demi-ton près au diapason des sympathisants – était fausse (ou faussée ?).
Donc le néo-député parisien n’a pas cru bon d’exiger que le Maire de Meaux se mette, comme on dit, en congé de secrétariat général. Oubliant que Copé, tenant l’appareil, le mettait au service de sa candidature. Oubliant que les résultats des urnes sont au bout du fichier. Ainsi, en Secrétaire général à la petit père des peuples, il n’a pas hésité à purger l’appareil en virant un certain David Birostre, directeur des affaires juridiques, qui jouait les neutres, pour le remplacer dans la fameuse cocoe par un homme-lige. Coup double, car le Birostre était aussi secrétaire juridique de la non moins fameuse conare (COmission NAtionale des REcours). Et cela sans que le concurrent, ni ses affidés, ne bronchent.
Et le fichier « électoralement modifié » comme écrit Le Canard Enchaîné (28/11/12) a permis de fabriquer des milliers de procurations ; dans l’Oise et en Corse-du-Sud près de 40 % de procurations. Les bricolages de dernière minute du côté de Nice par les frères de la côte, Ciotti et Estrosi – nombre de bulletins largement supérieur à celui des émargements – n’auront permis que de servir à la conare de décupler l’avance présumée de Copé dans son verdict ô combien impartial.
Copé a pris son adversaire pour une couille molle
Copé-le-cynique a fait preuve d’une égale présomption en escomptant que son adversaire allait se coucher après son passage en force sans vergogne. Il est vrai qu’une longue fréquentation des bénédictins de l’abbaye de Solesmes, proche de sa gentilhommière sarthoise, et le port de chaussettes cardinalices, donnent à l’ex-Maire de Sablé des allures ecclésiales, plus proches de l’onctuosité de Ballamou que de la tonitruance de son ex mentor Seguin.
Mais Copé aurait dû écouter Yves Jego qui, à propos de ce 1er ministre furtif, transparent, indétectable, comme disait un humoriste, affirmait : « C’est un pitbull avec la tête de Snoopy ». Son cynisme l’a aveuglé, lui qui croyait qu’une fois proclamé gagnant le perdant allait sportivement s’incliner, lui serrer la main et ruminer sa défaite. Sauf que le premier moment de stupeur passé, comprenant qu’il s’était fait avoir jusqu’au trognon, le prétendu perdant a contesté la défaite.
Et Copé qui, en Sarkozy-bis, ne connaît qu’une seule méthode, la passage en force, a accumulé les erreurs tactiques : feignant d’accepter une médiation Juppé tout en la récusant dans les faits, lançant l’idée d’un référendum grotesque – voter pour savoir si on va revoter – pour la retirer en lançant un ultimatum, toujours en croyant que le Fillon allait, après un baroud d’honneur, se coucher.
Lui et ses séïdes n’avaient même pas eu l’intelligence élémentaire de ne pas accabler leurs adversaires. Morano et surtout Dati en furent les exemples caricaturaux. Sauf que les crocs du pitbull ont mordu là où ça ferait mal, les finances. La scission parlementaire coûterait à l’UMP 42000 € par an et par scissioniste : le RUMP peut être saignant pour un parti en découvert de plus de 50 millions d’euros.
Sarkozy l’arroseur arrosé
Fiston en tête, mais avec aussi les fidêles Hortefeux et Guaino, sans oublier les âmes damnées Buisson et Peltier qui ont poussé Copé à maintenir sa ligne ultra-droitière, les sarkozystes ont tout fait pour pousser Copé. Sarkozy s’est réjoui de l’échec du représentant d’une droite molle, bourgeoise et provinciale. Lui aussi a cru que Fillon allait baisser son… pavillon. La détermination de celui qu’il appelait, avec mépris, son collaborateur l’a désarçonné. Et il est impuissant à proposer quelque solution que ce soit.
Une confusion « idéologique » totale
Les grands analystes ont oublié, souvent, dans le tableau que l’UMP a connu un vote parallèle, celui des motions. Résultats à prendre avec des pincettes, puisque soumis aux mêmes doutes que celui sur la Présidence. Mais la motion arrivée en tête (28 %), menée par G. Peltier, ancien du F-Haine, puis du MPF du vendéen de Villiers, pourrait être signée de Marine Le Pen ; elle préconise, entre autres joyeusetés, la fin du droit de grève pour les enseignants, une « charte des musulmans de France » et la reconnaissance constitutionnelle des racines chrétiennes. Si l’on ajoute le score de la Droite populaire fort proche elle aussi du F-Haine, on arrive à 39 % d’UMPistes LePenocompatibles.
A noter que Raffarin et Chatel, les « humanistes » sont alliés avec les premiers derrière Copé, bien qu’ayant dénoncé la droitisation de la campagne de Sarkozy : le chemin est tortueux et la pente est glissante, pour parodier une raffarinade ! Confusion aussi chez Fillon, puisque son lieutenant Ciotti fut un ultra-sécuritaire, toujours prêt à en rajouter dans l’accumulation des lois de circonstance – un fait-divers=une loi – de Sarkozy.
Les non-alignés, NKM en tête, essaient de jouer les casques bleus avec un total insuccès. Mais, en menaçant, au nom de l’unité bien sûr, de créer un 3e groupe parlementaire, ils ajoutent un brin de brouillamini dans le bordel ambiant.
Le grand jeu UMP : perdant/perdant
Quelle que soit l’issue de cet abracadabrantesque capharnaüm, les deux concurrents à la présidence de l’UMP ont réussi à se déconsidérer aux yeux mêmes des sympathisants UMPistes. Le prétendu vainqueur a perdu toute légitimité. Sauf à plomber son avenir politique, Fillon ne peut que maintenir son seul moyen de pression, le groupe-croupion, en pariant sur une intelligence tactique dont son ennemi est visiblement dépourvu. En marge de l’affrontement, la dérive droitière de l’UMP s’est accentuée. Buisson et Peltier ont bien œuvré en sous-marins à peine cachés du F-Haine.
Et ce feuilleton, assez grotesque au demeurant, contribue à renforcer un poujadisme de plus en plus virulent. C’est aussi la démocratie qui est perdante.
* Un tout petit peu exagéré, en fait il a été élu président de l'UMP par les militants avec 85,09 % des voix contre 9,10 % à Nicolas Dupont-Aignan et 5,82 % à Christine Boutin.
En BONUS, le "Petit journal" de canal + (c'est le 2e sujet)