La mise en cause du ministre de l’Intérieur dans la remise à la Justice espagnole d’A. Martin est totalement injustifiée. Le Mandat d’arrêt européen a été mis en place pour mettre fin à des procédures d’extradition diverses et dont l’exécution était soumise au bon vouloir de l’exécutif. Ce MAE ne relève que du judiciaire. Et Batasuna ne fut que la vitrine légale d’une ETA criminelle.
Déchaînement, anti Valls : « Ce que Guéant n'avait pas osé faire, le ministre Valls vient de le commettre», assène Olivier Dartigolles, porte-parole du PCF et conseiller municipal de Pau. Le Parti de gauche pour ne pas être en reste avec son partenaire entonne le même couplet menteur, en y ajoutant Hollande pour faire bon poids : « là où en 2011, Guéant et Sarkozy avaient reculé (...), Valls et Hollande n'ont pas hésité une seconde à livrer, sous couvert d'un mandat d'arrêt européen, une citoyenne française poursuivie pour des faits légaux dans notre pays ». Noël Mamère, qui n’est jamais à une outrance près, affirmait que Valls jouait « un jeu extrêmement dangereux dans le but de soigner son image de ministre de l'Intérieur intransigeant ».
Nuire au gouvernement
La volonté farouche de nuire au gouvernement fait oublier au PCF et au Parti de fauche leur fibre Républicaine. Eh quoi, les admirateurs de Robespierre, les pourfendeurs de tout soupçon de communautarisme, défenseurs acharnés d’une indépendantiste basque, ennemie de notre République une et indivisible ?
Seul un sénateur Modem, Jean-Jacques Lasserre pose une question susceptible de mettre en cause Valls : « On nous dit que cette arrestation est fortuite. Je demande au gouvernement de procéder à une enquête ». Mais qui ne porte que sur l’opportunité ou pas d’une arrestation, fruit d’une éventuelle décision de l'exécutif.
Sinon, les politiques (et les médias qui ont orchestré les attaques) auraient pu s’informer sur ce Mandat d’Arrêt Européen. Ainsi auraient-ils pu découvrir que si la procédure de l’extradition, à laquelle elle se substitue, « implique, en droit français, une décision du pouvoir exécutif », celle-ci est exclusivement judiciaire.
C’est donc à juste titre que M. Valls rappelle que "L'exécution du MAE est une décision de la justice. (…) Ce n'est pas du ressort du ministre de l'Intérieur que je suis. Je n'ai pris ici aucune décision". La garde des Sceaux a, elle, rappelé que la jeune femme avait épuisé toutes les voies de recours juridiques, (y compris, la cour de cassation et la Cour européenne des Droits de l’Homme). (Nel Obs 03/XI/12). Autrement dit, la Justice française a estimé que ce mandat lancé par la Justice espagnole pouvait être exécuté.
Ne pas oublier ce qu’est l’ETA
Faut-il rappeler au passage que l’ETA dont on pouvait soutenir la lutte sous le franquisme a fait plus de morts dans l’Espagne démocratique que sous le régime du Caudillo ?
A commencer par l’assassinat de celles et ceux qui, après en avoir été des héros sous la dictature, ont voulu renoncer à la lutte armée. Ainsi de María Dolores González Katarain, dite « Yoyes ». En 1978, après avoir dirigé les commandos armés de l’ETA, elle émigre au Mexique où après des études de sociologie elle travaille pour les Nations Unies. En 1985, elle revient au Pays Basque. Avec lucidité elle écrivait : « je trouve inacceptable qu'une organisation qui se dit révolutionnaire utilise des méthodes fascistes ou staliniennes contre des personnes qui, à une époque donnée (lointaine en ce qui me concerne), en ont fait partie ». Le 10 septembre 1986, elle est abattue à Ordizia, en pleine rue, sous les yeux de son fils de 3 ans. Son frère, conseiller municipal de la localité et membre d’Herri Batasuna ne condamnera pas l’assassinat de sa sœur.
En 1984, le cerveau de l’évasion de membres de l’ETA de la prison de Basauri, en 1968, Miguel Solaunn avait déjà été abattu : il avait refusé de participer à un attentat contre des logements de Gardes civils.
Depuis la fin du franquisme, l’ETA n’est qu’une organisation criminelle dont Batasuna fut la vitrine légale.
On peut comprendre que l’Espagne démocratique n’a pas tout-à-fait la même vision que la France sur Batasuna. On peut donc comprendre aussi qu’Aurore Martin ne soit pas poursuivie, en France, pour participer à la vie de la branche française de ce mouvement, mais qu’elle puisse l’être pour avoir participé à celle de la maison mère, en Espagne. Franco est mort depuis 37 ans : peut-on encore s’interroger sur l’état de Droit en Espagne ?
Rien ne l’interdit, bien sûr. Comme on peut se poser des questions sur le rejet des recours d’A. Martin par notre propre Justice. Il serait d’ailleurs intéressant d’en connaître les attendus. On peut s’interroger sur les conditions de son arrestation. En n’oubliant pas, toutefois, que laisser à l’appréciation de l’exécutif le soin de juger de l’opportunité ou pas d’appliquer une décision de justice est une porte ouverte à l’arbitraire.
Mais, le déchaînement gratuit contre le Ministre de l’Intérieur est une manœuvre politicienne, ce que confirme l’appel au Président de la République. Dans quelle République serions-nous où le chef de l’état interviendrait dans une décision qui relève de la seule Justice ?