Du point de vue médiatique, un chef d’œuvre. Le jeu du papa perché faisant du rappel en haut de sa grue pour taguer un slogan, voilà de quoi nourrir le moloch, les chaînes d’informations ( ?) continues*. Car pour tenir les caméras en haleine, il faut des rebondissements : un autre divorcé qui joue aussi à papa perché sur une autre grue, c’est pas mal non plus. Et si le 1er ministre, pour qui rien de ce qui se passe à Nantes ne peut le laisser indifférent, se laisse avoir : BINGO ! Sauf que ce n’est pas « mon père au sourire si doux », mais un militant masculiniste.
A peine descendu de sa partie de papa perché, M. S. Charnay n’a pas que clamé sa détresse de père privé de son fils. Il a surtout fustigé "les femmes qui nous gouvernent [et qui] se foutent de la gueule des papas". Certes Mme Taubira – qui a dû recevoir après l’emportement émotionnel provoqué par ce « père désespéré » des associations SOS, SVP etc. – est ministre de la Justice. Mais les démêlés qu’a pu connaître le grimpeur datent d’avant. Et même R. Dati, aussi interventionniste qu’elle ait pu être, n’allait pas jusqu’à dicter leur conduite aux juges aux affaire familliales. Ce discours misogyne – comme l’a fort bien montré Patric Jean – est calqué sur celui des beaufs canadiens.
Si ses qualités athlétiques furent fort utiles pour alimenter les images de BFM-TV – ah ! cette descente spectaculaire en rappel à la fin de son happening, comme si les grutiers ne disposaient pas d’escaliers en colimaçon – la qualité de son discours très agressif et politisé laissait à désirer. "Je demande aux médias d'arrêter de divulguer les faux chiffres que nous servent le 'parti du ministère des Femmes' qu'on a mis au pouvoir à grand frais de nos impôts, avec Najat Vallaut-Belkacem en tête, et le ministère de la Famille par madame Bertinotti". "Ces gens-là sont incompétents et ils se foutent totalement qu'on détruise les familles". Et comme exemple de « gentil papa » ce « furieux » a dû être choisi faute de mieux par ceux qui ont mis en scène tout ce cirque. Car si il a perdu ses droits parentaux, il y a mis du sien, puisqu’il a été condamné à un an de prison dont quatre mois ferme. Condamnation pour "soustraction d’enfant". Il avait disparu avec ce dernier qui se trouvait en vacances chez ses grands-parents, en exerçant des violences à cette occasion. L'enfant avait été retrouvé trois mois et demi plus tard. "La question de ses droits sur son fils dépend de la seule compétence du juge aux affaires familiales qu'il refuse de rencontrer (…)
Serge Charnay est seul responsable de la dégradation de ses droits parentaux et son prétendu combat ne doit pas être confondu avec celui de nombreux pères injustement éloignés de leurs enfants», précise l’avocate de la mère.
"Ce monsieur ne parle pas de la condition parentale, il ne parle
pas des droits de l'enfant (...) il parle de son problème de virilité, de son problème d'homme", déclare Jean-Pierre Rosenczveig, juge pour enfants et Président de « Défense des Enfants International – France ».
Serge Charnay s'inscrit "dans un mouvement nord-américain d'hommes qui sont plus
hommes que pères". Une référence claire au mouvement "masculiniste", "anti-féministe" et réactionnaire, très présent au Québec notamment, qui prône le "rétablissement de valeurs patriarcales
sans compromis". Une idéologie pas très éloignée finalement des discours
anti-mariage pour tous.
Cette provocation trop complaisamment répercutée par « lémédias » - en fait, comme d’habitude, TV en continu pour qui tout cela a été mis en scène, autres TV pour qui ça permet de proposer au téléspectateur de patauger dans l’émotionnel, plus les fameux réseaux sociaux – ne sert en rien « la cause des papas », comme disent puérilement les souteneurs du forcené.
Non pas qu’aucun problème ne se pose. Même si elles se banalisent, toutes les séparations avec enfants ne vont pas sans problème. Et, comme il peut y avoir des pères indignes, certaines mères peuvent aussi l’être. Un exemple : un couple d’enseignants dans le même lycée, divorce, la mère demande une mutation sur tout poste en France, en espérant éloigner le plus possibles les enfants du père. Mais est-il besoin dans une proposition de loi du 24 octobre 2012** de se référer à un « syndrome d’aliénation parentale », lancé par un certain R. Garner (défenseur de la pédophilie) et repris par les masculinistes nord-américains. SAP qui n’a aucun fondement scientifique.
Comme le dit J. P. Rosenczveig, aller vers plus de médiations est une excellente chose. Même quand la rupture semble se passer dans un climat serein, il n’est sans doute pas inutile d’amener les deux protagonistes à être tout-à-fait au clair. « Le diable est dans les détails » et les petits malentendus cumulés peuvent déclencher des heurts violents.
Mais ce cirque médiatique qui est tout sauf improvisé ne méritait pas que, toute affaire cessante, la Garde des sceaux, sur pression du 1er ministre, reçoive des associations dont SOS papas qui, malgré le parrainage d’Evelyne Sullerot, fondatrice du Planning familial, est fort proche de l’anti-féminisme de ses inspirateurs d’outre Atlantique.
* Chaînes si peu informatives qu’elles sont incapables de rendre compte de deux événements à la foi : arrivée du Vendée globe et manifs pour le mariage pour tous
** Cette proposition n° 309 n’est signée que par des hommes dont Patrick Balakany, Jacques Myard ou Axel Poniatowski
En complément ( c'est au début) :
Une version très "rewritée" de ce texte sur Le Plus du Nel Obs : http://leplus.nouvelobs.com/contribution/785866-pere-retranche-sur-une-grue-un-cirque-qui-n-aide-en-rien-le-droit-des-papas.html
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