La Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) a remis son rapport pour 2008, principalement axé sur les mineurs. Le sommaire donne déjà une idée d'un contenu accablant : les recours excessif à la coercition, les violences illégitimes commises contre des mineurs, le non-respect des dispositions légales du droit des mineurs, les fouilles de sécurité injustifiées, l'enregistrement audiovisuel des interrogatoires : une obligation légale souvent méconnue, etc. Nous sommes bien face à des forces dites de l'ordre hors la loi, comme le dénonçait un rapport récent d'Amnesty International.
A propos d'une interpellation lyonnaise, la Commission rappelle fermement que les personnes exerçant une mission de sécurité sont placées au service du public et doivent se comporter envers celui-ci d'une manière exemplaire.
Les exemple donnés dans le dossier de presse sont affligeants :
Le 12 février 2008, B-A.F., âgé de 9 ans, élève en CM1 dans une école élémentaire du 18ème arrondissement de Paris, s'est disputé avec sa camarade C., qu'il a giflée et bousculée. Suite au dépôt de plainte de la mère de C., B-A.F. a été interpellé dans l'enceinte de son école. Il a été par deux fois auditionné au commissariat, dont une fois sans la présence de sa mère.
Avant de quitter le commissariat, un fonctionnaire a fait entrer B-A.F. dans une cellule de garde à vue vide, en lui disant que, s'il continuait dans la même voie, il y serait enfermé.
Le maintien dans les locaux d'un commissariat pendant près de quatre heures, ainsi que la visite d'un local de garde à vue par un mineur de 9 ans, sans l'accord de sa mère, pour le dissuader de commettre des actes de délinquance, sont des situations potentiellement traumatisantes pour l'enfant.
La Commission rappelle que, conformément à la législation, un mineur de moins de 10 ans ne peut être ni emmené au commissariat, ni entendu, sans l'accord préalable des personnes exerçant l'autorité parentale ou intervention d'un magistrat spécialisé, et ce, quelle que soit la gravité des faits reprochés.
Dans le quartier de la Goutte d'Or dans le 18ème arrondissement de Paris, des policiers interpellent cinq jeunes (âgés de 15 à 18 ans) au motif qu'ils les auraient insultés et menacés
quelques heures plus tôt, avant de s'enfuir. Les jeunes, allongés face contre terre, déclarent avoir été frappés, insultés, gazés et laissés au sol les mains menottées dans le
dos.
Ils restent quarante-huit heures en garde à vue, suspectés d'outrage, d'incitation à l'émeute, de menace de mort sur une personne chargée d'une mission de service public et de rébellion en réunion.
La CNDS a tenu pour établi, au regard des nombreuses blessures détaillées dans des certificats médicaux corroborant les déclarations des cinq jeunes et en totale contradiction avec les déclarations des fonctionnaires auditionnés, que les cinq interpellés ont été victimes de violences illégitimes[...] la Commission a transmis son avis au procureur de la République, afin qu'il envisage l'opportunité d'engager des poursuites pénales. (Cette affaire date de 2007 : le procureur a-t-il donné suite ?).
Un adolescent de 15 ans, soupçonné de dégradations d'affiches électorales à Oullins (69), a été invité à se déshabiller complètement, à s'accroupir et à tousser en présence d'un fonctionnaire de police.
La fouille à nu, dans de telles circonstances, ne peut, à l'évidence, qu'être ressentie comme une mesure inutilement vexatoire et humiliante et constitue un manquement à la déontologie.
R.H. et T.P., âgés de 13 et 14 ans, ont été menottés dès leur interpellation (pour dégradation d'un véhicule) jusqu'à leur présentation devant l'officier de police judiciaire au commissariat de Montpellier. Les deux adolescents ont de surcroît été soumis à une fouille à nu, totalement injustifiée.
Eu égard à la gravité relative des faits reprochés aux deux adolescents, à l'âge de ces derniers, à leur faible corpulence, à l'absence de raison objective de craindre une tentative de fuite, des violences ou une suppression de preuves, la Commission a considéré que l'usage des menottes n'était pas nécessaire.
Un policier de la brigade anti-criminalité de Strasbourg, suspectant un trafic de résine de cannabis, a interpellé un mineur, qui n'avait eu aucun geste d'agression à son égard, en lui portant un coup de diversion ou « atemi » qui a occasionné au lycéen un préjudice corporel sérieux (perforation du tympan).
Le menottage abusif, qui constitue une atteinte à la dignité des personnes, est particulièrement dommageable dans le cas des mineurs, notamment à cause de la dimension symbolique que comporte le port d'entraves et l'humiliation qu'elle peut représenter. Il convient de rappeler une fois encore que les mineurs sont psychologiquement plus fragiles que les autres, même lorsque leur apparence physique est proche de celle d'un adulte.
Les fouilles à nu abusives constituent une atteinte condamnable et choquante à la dignité des mineurs et un manquement à l'article 10 du Code de déontologie de la police nationale, selon lequel une personne gardée à vue ne doit subir aucun traitement « inhumain ou dégradant » de la part des fonctionnaires. La Commission insiste donc depuis plusieurs années pour que la mise en oeuvre de ce type de fouilles à l'encontre des mineurs soit exceptionnelle et dûment justifiée. La généralisation de la vidéosurveillance dans les cellules de garde à vue (pourtant prévue par la loi, mais souvent défaillante) et d'équipements de détection sur les personnes des objets pouvant être dangereux permettrait d'ailleurs d'obtenir des garanties de sécurité tout aussi efficaces.
Réquisitoire clair et net ; mais hélas, la CNDS n'a aucun pouvoir de sanction, ni même de faire engager réellement des poursuites.
PS Contrôles policiers au faciès : http://www.mediapart.fr/journal/france/290609/controles-policiers-au-facies-la-preuve-scientifique