Campagne électorale, interrompue par un séjour à Monastir avec Julie (de l’art d’être grand-père ?), puis la dernière semaine… pour aboutir à une forte déception au soir du 9 mars. Non pas en tant que « candidat cantonnier », suppléant de surcroît - il eut fallu une déferlante de mécontentement pour mettre en péril le MPF sortant – mais aux municipales ; 55/45 la défaite est nette ; le vote protestataire annoncé ne s’est pas fait sentir dans l’évêché crotté ; son souffle a d’ailleurs été plus léger que prévu : c’est le parti des abstentionnistes qui est le grand vainqueur.
Pas trop eu le temps donc de débloguer. D’autant que les articles dithyrambiques d’Ouest-France sur les vainqueurs locaux (municipales et cantonales) ont provoqué mon ire et ma plume vengeresse.
Un ami m’avait cependant invité à signer l’appel (assez anodin au demeurant, mais qui avait provoqué une réaction hystérique des courtisans) de J. F. Kahn, cosigné notamment par Bayrou, Royal et Villepin, appel à la vigilance républicaine. A mon tour, j’avais utilisé le formulaire pour inviter des connaissances à signer. Message de mon ancien chef (j’en ai eu deux quand j’étais adjoint, mais la première était une cheftaine) : j’ai beau cliquer, ça ne marche pas. Je clique, ça marche, je récupère l’URL… mais, chez lui, ça ne marche toujours pas (mystère informatique épais)… je fais donc une recherche par google : Mes opinions et je découvre un site qui héberge des pétitions de toutes sortes… Parmi elles, une perle : « Bienvenue au gouvernement (Philippe de Villiers et tous les autres) ». Ironique ? Non. « Nous subissons les pressions démagogiques de groupes sans scrupules qui veulent dicter notre pensée. Notamment une pétition anti-entrée de de Villiers au gouvernement. (…) Philippe de Villiers est taxé "d'extrême droite anti-arabo-musulmane". Lui même se définit dans un courant de valeurs, il refuse de se positionner sur l'échiquier. (…) Les valeurs de la République ont toujours été portées avec force par Philippe de Villiers, autour d'un projet fédérateur et constructeur. » Et des propos laudateurs sur un prétendu programme pour faire une France aux couleurs de la Vendée. Le courageux auteur est un anonyme citoyen.
De fait le Vicomte Le Jolis de Villiers de Saintignon était annoncé comme futur entrant au gouvernement (sans doute dans le cadre d’une ouverture vers la droite extrême), lui qui se disait pendant la campagne présidentielle n’étant pas « Sarko compatible ». Souvent Phiphi varie : il flirtera successivement avec une nouvelle action royaliste qui se voulait de gauche, Chrétienté solidarité de Bernard Anthony (FN), bien qu’ayant démissionné de son poste de sous-préfet à l’arrivée de Mitterrand (prêt, sans doute, à soulever le bocage contre les socialo-communistes), il aura quelques relations avec la « gauche caviar », il ralliera les quadras de la bande à Léo (François Léotard), puis Raymond Barre avant de s’associer à Seguin au moment de “Mastric”, avant de s’acoquiner avec Pasqua dans un éphémère néo-RPF, avant d’aller témoigner contre lui devant le juge Courroye. Finalement, il a fondé son MPF et essayé, en vain – le nabot fut plus habile que lui – de siphonner les voix du borgne.
Futur secrétaire d’état aux racines chrétiennes ou pas, il a déjà obtenu, avant le 1er tour des élections des soutiens ministériels. Ainsi, promet-il à Montaigu, son fief, un collège modèle pensionnat de Chavagnes, avec, dit-il, le soutien de Xavier Darcos. Si cela reste à vérifier, en revanche, il est sûr que Jean-Louis Borloo, qu’il a rencontré (« Ils ont été copains comme cochons » raconte un témoin, dixit L’Express du 29/02/08), a retoqué le « Parc régional du marais poitevin » soutenu par les Présidents régionaux concernés (S. Royal et J. Auxiette) mais vilipendé par le Vicomte, grand défenseur des agrariens qui assèchent le marais pour cultiver leur maïs. Bizarrement, à peine Ouest-France annonçait-il la nouvelle, avec des attendus sévères que Borloo téléphonait à la rédaction pour dire que ce n’était que purement formel, pour être bien sûr qu’aucun article ne pourrait être juridiquement fragile : principe de précaution en quelque sorte. (Il semble bien qu’au-delà de la rencontre avec le vicomte – avec qui Borloo ne serait pas copain comme cochon ? - le fumiste ministre se soit laissé circonscrire par un membre de son cabinet, ancien directeur général adjoint du Conseil général de la Vendée, style catholique et français toujours).
Ces élections furent aussi l’occasion de la parution d’un ouvrage qui décrit le microcosme politique d’une Vendée sous la botte du hobereau. Ô, ce ne sera pas un livre qui figurera au palmarès des essais politique, ce Mouton noir de Stéphane Frimaudeau. L’auteur, membre du RPR, avait eu le culot, lors d’élections cantonales de se présenter contre un séide du château (c’est ainsi qu’on nomme l’hôtel-Ceausescu du département), au risque de faire passer la gauche (ce qui fut le cas) : ce crime de lèse vicomté lui valut d’être traité de « connard » dans un discours du tribun du bocage, au langage de soudard !
Ce RPR pour qui le R de République voulait dire quelque chose, au lendemain d’une université d’été du MPF à Grasse, en 2005, où de Villiers passant de la droite extrême à l’extrême droite durcit son discours "contre l’islamisation, la déferlante migratoire, la France aux français", fonda avec un membre local du PS un collectif politique « Vendée Vigilance République ». La dérive du Vicomte fut confirmée par le ralliement de Jacques Bompart, ex-cadre du Front national (et malheureusement réélu à Orange) et le choix comme directeur de campagne des Présidentielles du « très agité Guillaume Peltier », ex-FN aussi.
Non seulement, le jeune homme dû subir des courriers anonymes orduriers, l’envoi de couche culottes polluées et autres infamies, de la part des très chrétiens (aime ton prochain comme toi-même : ils doivent se détester ces intégristes cathos !) affidés de l’agité du bocage, mais il eut droit à un procès que l’on n’ose qualifier de stalinien, de la part de ses compagnons locaux de l’UMP (UMP à Paris, Villiériste en Vendée) : le secrétaire général départemental jugera les propos du président du MPF à Grasse excessifs et maladroits, mais « Je n’ai pas à juger », ajoutera-t-il ! En revanche, le jugement sur le trop républicain compagnon sera clair et net « On ne peut accepter qu’on s’allie avec des gens qui travaillent contre l’intérêt de la France », c’est-à-dire le PS ; on est revenu à l’anti-France et à une conception quasi de guerre civile (fort proche de celle du vicomte). Plutôt l’UMPF que l’UMPS conclura ce potard au sourire de benêt qui, hélas, a été réélu à la tête de notre ville-évêché.
Je reçois régulièrement une « newsletter », comme on dit, d’une « revue du 3e millénaire » dont voici un extrait :
Apprendre à construire la réalité à partir de ses pensées
On peut découvrir en soi l'existence de scénarios de création. Il suffit simplement de ne pas mettre d'entrave à la poussée issue de notre être. Les choses se forment toutes seules dans notre esprit, car la conscience est un espace d'apparition qui laisse être le monde. Il s'agit de remplacer la raideur de la volonté et du désir brut par la souplesse de ce "laisser être". Quand nous comprenons que connaître c'est agir de façon appropriée, la connaissance devient une pratique et celle-ci comble nos désirs. Nous ne nous sentons plus séparés.
André Moreau Philosophe du bonheur et chasseur d’évidences sauvages. Docteur en philosophie (Sorbonne) et auteur de plusieurs traités, il a été progressivement écarté des milieux universitaires à cause de l'originalité troublante de sa pensée. Son érudition, son sens de l'humour et sa capacité à surprendre ne laissent pas indifférent, d'autant plus que son œuvre écrite de 47 ouvrages intrigue et séduit à la fois. En conférence et en séminaire, ses thématiques et son langage coloré se rapprochent de U.G. Krishnamurti et de Nisargadatta Maharaj. André Moreau est un hédoniste avec de la profondeur. Étant un moniste dans la tradition de la non-dualité, il ne se sent pas séparé.
A lire cette prose, on comprend que ce « chasseur d’évidences sauvages » ait été écarté de l’université. Il fait partie de tout ce fatras de pseudos sciences, proche des sectes, qui connaît un certain succès. Inutile de dire à ses adeptes que l’homéopathie est de la pure foutaise : un lourd silence méprisant suivra ce sacrilège. Essayer d’expliquer, à celles et ceux qui prétendent ne pas dormir si leur pieu n’est pas orienté est-ouest, que toutes nos villes et quartiers ne sont pas construits sur le modèle du camp romain, que certaines maisons sont orientées Nord-Ouest Sud-Est par exemple et que, sauf à mettre le pajot en diagonale, impossible d’atteindre l’orientation somnifère, ne vous attirera qu’un mépris silencieux. Tout récemment, encore, une militante verte (bien que rousse) m’expliquait qu’avant de faire construire avec des amis une maison écologique, ils allaient faire venir un expert pour déterminer le meilleur emplacement en fonction de courants souterrains.
Du triomphe de l’irrationnel !
Pendant notre séjour dans la cité de Bourguiba, est arrivé l’Ephéméride de Yoland Simon (Editions Quartier libre, à commander à Groupe Jeu Thèmes, 9 rue de l’Aviation, 76600 Le Havre, 20 €, port compris). Je dois à ce Simon-là une certaine gratitude, car il est le seul écrivain qui m’ait mis en scène dans un de ses bouquins. Le rôle que j’y joue n’est pas très flatteur, bien que les paroles qu’il me prête soient justes. Qu’importe ! avoir son nom dans un livre…
Ce haut-normand, bien que petit, nous conte donc, du 1er janvier au 31 décembre, l’an 2007. Scènes de la vie quotidienne croquées sur le vif, pour employer un cliché, réflexions des petits enfants, souvenirs d’enfance, notations politiques et surtout – professeur de littérature, auteur de théâtre, d’essais, de récits et de poésies oblige – beaucoup de réflexions sur le théâtre, la poésie et leurs auteurs, le style, etc.
Je ne résiste pas à la tentation de le citer quand il parle du cher Finkielkraut : « Lâchez-le, tiens, sur les problèmes de l’Education nationale où il excelle en général. Impossible, alors, d’endiguer le flot furieux de ses diatribes, tout ce fatras de pétitions de principe, d’explications à l’emporte-pièce, de statistiques hallucinantes, de bilans définitifs, d’épouvantables constats, de généralisations hâtives, de citations accablantes, d’exemples soigneusement montés en épingle, de coupables impitoyablement désignés par ce rottweiler de la pensée qui va déchirer à belles dents un système scolaire sur lequel il se fait les crocs depuis des années. »