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9 septembre 2020 3 09 /09 /septembre /2020 14:51
Jean-Michel Blanquer, l'Attila des écoles

« De la maternelle à l’enseignement supérieur, tout est ébranlé, modifié, parfois bouleversé sans que les principaux acteurs n’en comprennent toujours le sens. »  

Françoise Sturbaut Éducation & Devenir

« Un autre que lui aurait-il fait mieux, confronté aux incertitudes de la pandémie, au confinement, aux informations contradictoires de nos savants sur le masque et la contamination ? Ce n’est pas certain. (…) Mais le résultat est là, l’excellent communiquant a perdu avec la pandémie la bataille de l’opinion publique. Ses déclarations pleines d’assurance, qui emportaient la conviction, sont apparues pour ce qu’elles étaient, des fanfaronnades et des improvisations. »

Ces phrases, écrites en introduction de la nouvelle édition de l’Attila des écoles, donc il y a quelque temps, prennent une résonance extraordinaire avec les dernières péripéties, comme si Jean-Michel Boulet, ministre de la Déception nationale,  poussait au-delà de la caricature l’improvisation et passait de la fanfaronnade au jemenfoutisme.

Pascal Bouchard actualise donc son analyse du système Blanquer et de son démiurge ce « représentant d’une forme nouvelle, surprenante, insaisissable de mysticisme sans dieu, de sectarisme sans gourou, de guerre déclarée sans autres ennemis que ses fantasmes. »

Un bac qui n’a pas encore eu lieu dans le schéma prévu, des lois souvent plus d’affichage qu’opérationnelles, un recrutement des enseignants qui sent, comme souvent avec ce ministre, l’improvisation et ce que deviennent les chantiers engagés… une mise à jour toujours aussi pertinente. Car comme le notait Luc Cedelle dans sa recension de la 1ère édition, l’auteur se situe  toujours dans le domaine de l’expertise pour enrichir cette nouvelle édition.

Jean-Michel Blanquer, l'Attila des écoles

Pascal Bouchard, observateur chevronné du monde de l’éducation depuis, au moins, 1988, ce qui lui a permis de voir défiler des ministres de l’éducation nationale de Lionel Jospin à l’actuel locataire du 110 Rue de Grenelle, en passant par Fillon, Bayrou, Allègre, Darcos et quelques autres, fait donc paraître dans une collection au nom révélateur, detox, ce réquisitoire sur J. M. Blanquer, l’homme et l’œuvre.

Le titre – l’Attila des écoles – veut dire que, contrairement à ces nombreux prédécesseurs dont les réformes étaient digérées par le « mammouth », lui est « celui derrière qui l’herbe ne repoussera que par touffes éparses ».

"Jean-Michel Blanquer, […] pense toujours être détenteur de la Vérité, savoir ce qui est bon et ce qui est mauvais, et devoir imposer sa vision du monde, donc l’école de demain.[…] Il est le représentant d’une forme nouvelle, surprenante, insaisissable de mysticisme sans dieu, de sectarisme sans gourou, de guerre déclarée sans autres ennemis que ses fantasmes."

Ses premières décisions seront marquées par la volonté de détruire les réformes lancées par sa prédécesseure, Mme Valaud-Belkacem : réhabilitation du redoublement, remise en place des 6e bilangues, du latin, et sérieux coup porté aux enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI).

Surtout, il va complètement saboter la difficile remise en place d’une semaine de 4 jours et demi en primaire laborieusement tentée par Peillon et poursuivie avec ténacité par N. Valaud-Belkacem. La semaine de 4 jours, arbitrairement décidée par Darcos, préfigure en quelque sorte les mesures « Attila », celles qu’il est très difficile de remettre en cause. Bien que les syndicats et le mouvement associatif l’aient condamnée dans l’appel de Bobigny, le secrétaire général du SNUipp dut avaler son chapeau, face à ses troupes protestant contre le retour à 9 demi-journées. Blanquer, en effaçant l’obligation faite aux communes, a remis en selle cette calamiteuse mesure.

"L’homme est un paradoxe permanent. Il a un immense respect, pour la science, notamment la psychologie du développement, qui va jusqu’à l’aveuglement, mais toutes les décisions qu’il a prises pour les écoles maternelles et élémentaires, sur les rythmes scolaires, sur les dédoublements des classes pour n’évoquer ici que les toutes premières de ses réformes, vont à l’encontre de ce que dit la science, tandis qu’il a montre sa méconnaissance et son mépris pour les recherches qui portent sur les collèges et lycées."

Mais ce que démontre précisément P. Bouchard, c’est que, tout en se référant sans cesse à la science, le ministre fait fi de toutes les évaluations rigoureusement menées que ce soit, justement, sur les rythmes scolaires ou les dédoublements en CP puis CE1. Ainsi, une étude de la DEPP, qu’il ne pouvait ignorer, concluait qu’une réduction de la taille des classes des CP est, à elle seule, d’un intérêt pratiquement nul. Ces dédoublements, dans des secteurs dits prioritaires, vont pomper des moyens, notamment ceux d’une expérience prometteuse de maîtres en surnombre, pour un bénéfice au mieux minime (et sans doute temporaire). Mais c’est un autre exemple de mesure Attila : ça va plaire aux parents et quel syndicat ira protester contre ces dédoublements ?

Autre mesure Attila, l’obligation d'instruction à partir de 3 ans. Chiffres à l’appui, l’auteur montre que c’est pratiquement inutile : à la rentrée 2018, 96,5 % des 3 ans, 99,4 % des 4 ans et 100% des 5 ans étaient scolarisés. Cette obligation va nuire à la souplesse qui régnait dans la maternelle pour l’accueil des 3 ans. Et c’est surtout un cadeau à l’enseignement privé puisque toutes les communes devront verser le forfait d’externat – l’équivalent de ce que coûte un élève du public - non plus à partir du CP mais dès 3 ans.

Il montre aussi comment, avec l’instauration d’une évaluation nationale au CP, sans trop toucher aux instructions, il va pousser les enseignantes à transformer la grande section en propédeutique du CP.

"Il est l’auteur ou il a téléguidé la production de quatre lois qui ne servent a rien, ou presque, sinon à affirmer l’importance de l’école maternelle, l’importance de la guerre faite aux écrans, l’importance de la guerre au « communautarisme » (véhiculé par certaines écoles hors-contrat), ou à changer les noms sans changer les choses, juste pour marquer le début d’une nouvelle ère, ce dont les ESPE devenues INSPE sont l’exemple le plus éclatant."

Jean-Michel Blanquer, l'Attila des écoles

Comme en politique, plus d’un demi-siècle après, certains politiciens font remonter tous les maux à mai 68, dans l’école certains théoriciens font reposer toutes les difficultés sur la maudite méthode globale. Le débat sur la lecture - faut-il partir des lettres et en réaliser la synthèse dans des syllabes puis dans un mot, ou partir du mot et en analyser les composantes, le décomposer en syllabes puis en lettres – revient régulièrement sur le devant de la scène avec les ministres de droite. Mais avec Blanquer il prend une dimension quasi mystique. S’appuyant sur les supposés acquis des neurosciences dont le héraut, Stanislas Dehaene, a été nommé à la tête d’un conseil scientifique à sa main, le ministre pourfend donc les tenants d’une approche qui privilégie le sens au profit d’une méthode strictement syllabique, rebaptisée phonique. Il faut lire les pages (p. 55 à 62) où est décrite la méthode implicitement préconisée, issue d’une association née en 2010, Agir pour l’école, qui a élaboré une super méthode Boscher livrée clés en mains aux maîtres et maîtresses de CP. L’enfant pourra ainsi s’initier au joie du RA, RI, RO, RU, puis découvrir plus tard DARI, DAMU,DALO, TADO, MADI, MODU.  et même pas un DAHU, dans ces mots inventés pour les besoins de la méthode. Inutile de parler de compréhension, reportée à une phase ultérieure. Alors que même la variante Suisse de la méthode Boscher essayait de mettre un peu de sens avec la pipe à papa, par exemple.

Si la bique lisait

  

1-Un brav’ berger s’ennuie                                        

 Dans sa bergerie

      D’apprendre il se pique

      A lire à sa bique

 

 Refrain

       « B-é bé » fit la bique

       « B-a ba » fit le gars

       « B-o bo » fit l’écho

  

2_ Si la bique lisait

     Et l’âne nonait

     Jusqu’à tue-tête

Pauvr’ âne-alpha-bête

 

3_ Il offre en pâture

     De la littérature

      Qu’il écrit c’est logique

Avec sa pointe Bic 

 

4_ La pipe de papa fume

     De papa la pipe fume

     Papi fume aussi

La lettre n’a pas d’esprit 

  

5_ Mauvais le pronostic

     On fait sa tête de bique

     Lors on va au casse-pipe

On avale l’écart type

 

 6_ Changea de méthode

     Pleins phares sur le code

     Ratus rat « z » en soutien

Travail biqu-otidien

 

7_ Bientôt bredi-breda

     La bique décoda

     N’accéda pas au sens

 Pourtant les neurosciences…

 

8_ Le berger dev’nait chèvre

     Un fol espoir s’achèvre

     Mais quel faible Q.I. c

Sacrée crotte de bique

 

9_ « Qu’on me fiche la paix

     Voyez sa C.S.P. ! »

     Le berger la maudit

     La noie dans l’bain d’écrits

 

                 Francis Dupuit, IEN

                  Mars 2006

La fameuse prédiction catastrophiste – Le bac n’aura pas lieu – s’est finalement réalisée, pas parce que l’usine à gaz a explosé, mais à cause d’une épidémie qui a évité au ministre d’être confronté aux loupés de sa réforme. P. Bouchard montre comment un ministre peut rater la réforme du lycée d’enseignement général, du bac et de l’orientation. Faut-il ajouter que l’enseignement professionnel n’est pas mieux traité, malgré les bonnes intentions affichées ?

J.M. Blanquer ayant échoué, lors du remaniement, à décrocher le ministère de l’intérieur – il est au passage intéressant de noter que pour lui le ministère des flics était une promotion par rapport au ministère des profs – il risque donc de faire le quinquennat, exploit remarquable dans ce ministère.

Raison de plus pour lire cette analyse argumentée, nourrie, non pas des lubies idéologiques de certains bateleurs à la mode qui de l’école ont connu au mieux l’école polytechnique, mais de la chronique au quotidien de l’action ministérielle et des réactions des organisations syndicales, les associations de spécialistes, les experts, les parents ainsi que des travaux des chercheurs ou de l’inspection générale, sans oublier les documents statistiques de la DEPP. Cette chronique ne suffisait cependant pas à prendre la mesure d’ensemble de la politique menée, de ses présupposés, de ses interactions, de ses dégâts.  

Il ne s’agit pas d’un pamphlet mais d’un réquisitoire, écrit, construit et instruit.

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ou, bien sûr, à votre libraire

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