Commençons par le pire qui, malheureusement, arrivant en fin de parcours, a terni ce nouveau séjour.
Quoi de plus logique, quand on veut faire étape à Tarifa que de choisir la traversée Tanger-Tarifa. Arrivés vers 14 h au port, l’agence de la compagnie FRS nous délivre un ticket pour 14 h 30 : un peu juste certes, mais, pour ressortir, douane et police sont assez rapides, d’autant qu’il y a peu de voitures en attente. Passeports tamponnés, papier vert de la voiture aussi, nous sommes au milieu de la file.
Une heure se passe, aucune des deux files n’a bougé d’un mm ! Nous voyons arriver le bateau rapide avec une demie heure de retard. Nous le verrons aussi repartir, alors que les files progressent un peu. Quand nous sortons enfin du passage douane-police, nous découvrons une sorte de commando de cinq ou six très jeunes policiers. Imaginez de grands gaillards (1 m 85 minimum), sanglés dans un uniforme d’allure sportive, coiffés d’une casquette bleue de base-balleur et armés… de tournevis, avec, en retrait, un ainé aussi peu amène que ses subordonnés supposés, surveillant la scène figé, impassible. Et nos jeunots, qui se la jouaient comme dans une mauvaise série policière, visages fermés, de tapoter, du manche de leur outil, pare-chocs, capots, portières, ailes, de faire ouvrir les coffres, obligeant même certains à descendre les bagages pour accéder à une trappe de roue de secours, et cela pour toutes les voitures. Quand enfin, nos « robocops » eurent fini ce cirque et que, grâce aux indications d’un policier ordinaire, je m’apprêtais à rejoindre l’aire d’embarquement pour la barcasse suivante, cris et grands signes : la sinistre comédie n’était pas finie ! il fallait maintenant rejoindre, dans la direction opposée, le « scanneur ». Où exactement, rien ne l’indiquait bien sûr. Grâce à des routiers marocains, en attente, nous avons découvert un énorme cube métallique, avec un portique mobile qui parcourrait trois véhicules, à la queue leu leu sur une plate-forme.
Avant de passer à notre tour, la carte grise fut réclamée et il fallut descendre du véhicule (sans doute pour nous épargner les ondes maléfiques du scanneur, dont le rôle, du côté de Calais, est de détecter d’éventuels passagers clandestins dans les poids lourds !). Retour à hauteur du poste de douane où un des robocops envoie un auxiliaire inspecter, à plat dos, le dessous du coffre, avant de le rejoindre et de tapoter, de l’intérieur l’aile et sans doute le plancher de la voiture. Carte grise rendue, nous allons rejoindre, plus de deux heures après, une aire d’attente sur le port.
Attente est bien le mot.
Le jeune homme qui s’occupe de ce parcage (et qui doit affronter des voyageurs d’une humeur massacrante après l’imbécile traitement subi) promet un bateau vers 18 h… puis, en raison, d’une mer agitée, vers 19 h… puis, plus rien… ce n’est qu’à 21 h bien sonnées qu’un responsable de la compagnie avoue qu’il n’y aura aucun passage, en raison d’une mer de force 7. Peut-être demain à 10 h*…
Que faire ? Il suggère de laisser les véhicules dans le port, en les déplaçant vers une autre aire plus proche de la douane, car il n’y a pas de surveillance, et d’aller à la recherche d’un hôtel. Ceux qui le veulent pourront se faire rembourser le billet, mais dans l’agence où ils l’ont acheté. Nous décidons de partir avec la voiture. Encore faut-il récupérer la feuille verte, puis refaire tamponner les passeports. La première formalité est rapide. Mais ensuite, queue à la police (en civil, ceux-là) pour les passeports, car tous nos compagnons d’infortune, devenus piétons eux, doivent aussi subir ce qu’on n’ose appeler « formalité ». Heureusement, un policier fort civil, voyant la lenteur de notre avance, secoue les deux autres et vient en renfort. Bien sûr, quand enfin nous repartons vers un hôtel, l’agence où nous avons acheté le billet est fermée. Pour conclure, arrivés à l’hôtel Tarik, vers 10h15, nous apprenions que le resto fermait à 10h (ce qui, dans un Tanger qui vit à l’heure espagnole, est plus que surprenant).
Le lendemain, direction Ceuta : passage en douane en un quart d’heure. Billet. Traversée bien secouée, mais traversée quand même, pour Algeciras. Et déjeuner à « Punta Sur », à quelques km après Tarifa, où nous sommes accueillis en vieux clients que nous sommes.
Pour le meilleur, difficile de tout conter. Quelques flashes donc !
Des retrouvailles avec un « collègue », prof de philo au Lycée Tarik (l’ex collège berbère du temps du protectorat), auteur de livres pour la jeunesse qui venait péleriner à Azrou. Puis celles avec le reste de l’équipe de l’AAA…
La visite d’une insolite université états-unienne à Ifrane, grâce à un ancien élève (et néanmoins ami) dont la fille – la chouchoute de mon épouse – vit et étudie là : une quarantaine d’ha arborés et verdoyants, où sont dispersés des bâtiments style état du Vermont, assez en harmonie avec le style vosgien d’Ifrane : résidences étudiantes, pôles universitaires, etc.
Les enfants de « Dar el Amane », enfants abandonnés ou orphelins, qui nous accueillent joyeusement et que nous retrouverons chantant à cœur joie, sous l’œil d’une caméra, pour un clip télévisé en faveur de l’INDH (Institut national du développement humain).
La visite à l’ex-directeur du collège Al Atlas, se retrouvant à la direction d’un collège rural, non terminé – il n’y a pas encore d’électricité ! – et qui a déjà fait planter des oliviers et rêve d’une eau abondante pour pouvoir développer des plantations.
Le dîner offert par nos anciens élèves du collège Al Atlas dans une nouvelle auberge, dans un cadre magnifique, pas loin de Ras el Ma.
Le petit tour en médina de Meknès où nous revoyons, une quinzaine d’années après, Allal, commerçant en tapis, mais surtout un passionné qui nous montre, véritablement pour le plaisir des yeux, ses plus belles pièces.
Puis des joies plus personnelles encore comme la rencontre avec Zhara, grande militante amazigh et amie de longue date ou ce séjour chez des amis, ex-luçonnais installés à Essaouira, chez qui, nous retrouverons d’autres luçonnais, revenant d’une expédition en 4X4 dans le Sahara occidental… sans oublier des petits plaisirs ordinaires, comme l’accueil du Pano, un petit tour au souk, un tajine de kefta et d’œufs, le jus d’orange des Cèdres, la promenade paresseuse au port et dans les ruelles de la médina d’Essaouira…
Malgré la colère devant un comportement arbitraire qui nuit à l’image du Maroc, mais dont sont victimes majoritairement ses propres ressortissants, nous y reviendrons… en évitant Tanger !
NB Pour éviter toute interprétation tendancieuse des croisés laïcistes, modèle Riposte laïque , les Charles marteaux, prêts à bouter le sarrazin hors de l’hexagone, précisons que nos difficultés tangéroises ne sont rien à côté de celles d’immigrés en situation régulière obligés de faire la queue une nuit entière pour faire renouveler leur titre de séjour du côté de Bobigny et qui subissent des remontrances policières avant, parfois, de se heurter à l’arbitraire de fonctionnaires bornés.
* D’après une agence de Tarifa, le lendemain donc, le trafic n’était pas rétabli. Cependant, celui entre Ceuta et Algeciras ne semble pas s’être interrompu. La compagnie FRS aurait dû prévenir beaucoup plus tôt de l'interruption du trafic Tanger-Tarifa, au lieu de laisser des dizaines de personnes dans une vaine attente !