Pourquoi ai-je parcouru la chronique de J. C. Guillebaud à la fin du supplément télé de l’OBS ? D’habitude, je la fuis : Guillebaud fait partie de ces chroniqueurs à la Julliard, qui se fabriquent un ennemi aussi anonyme que caricatural pour faire triompher leur thèse. Mais c’est sans doute le fait que, pour une fois, un nom précis était cité, Calvi, qui a éveillé mon attention.
Or donc, le sieur Calvi, animateur de talk-show, comme on dit, dans son émission « 24 heures en questions » sur LCI, avait réuni 4 experts pour débattre d’Alep : Isabelle de Gaulmyn, rédactrice en chef adjointe à "La Croix", le général Vincent Desportes, ancien patron de l'Ecole supérieure de Guerre, Frédéric Pons, journaliste et professeur à Saint-Cyr, et Frédéric Pichon, auteur d'un livre sur la Syrie ("Syrie, pourquoi l'Occident s'est trompé", éditions du Rocher, 2014).
On admirera au passage la variété de l’échantillon avec un général et un professeur de l’école militaire de Saint-Cyr.
« Dans sa présentation, Calvi reprend la rhétorique en usage sur le martyre de la ville, l'agonie de sa population au milieu des ruines et l'impuissance collective. » nous dit Guillebaud qui poursuit « Dès les premiers échanges, les remarques de chacun des invités ont tout pour surprendre l'animateur tant elles prennent le contre-pied des "éléments de langage" en usage, à ce moment-là, dans les médias. » Rhétorique, éléments de langage, en tout cas, lui, le commentateur ne cache pas son parti-pris.
La suite serait dérisoire, si elle ne portait pas sur une tragédie : il ne s’agissait pas d’Alep, mais de quelques quartiers, l’équivalent d’un ou deux arrondissements de Paris, ils deviendront même de lointains quartiers Est ! Et les vilains djihadistes, qui, bien sûr, tenaient en otage la population civile, ne sont pas, comme les naïfs que nous sommes le pensaient, des combattants pour la démocratie, mais les mêmes que ceux que nos Rafales bombardent à Mossoul ! D’ailleurs, ces barbares avaient, eux, balancés obus et missiles(?) sur les quartiers Ouest et en particulier sur les chrétiens.
C’est vrai qu’essayer de riposter aux bombardements de l’aviation russe et assadienne visant systématiquement hôpitaux et écoles, c’est pas bien !
On comprend que l’animateur fut vite « désarçonné par la convergence de ces témoignages qui, tous, illustraient une faillite de la diplomatie française (et des grands médias hexagonaux). »
Mais c’est justement cette convergence qui est troublante. Car, alors que la diplomatie de notre beau pays et tous les grands médias défendaient la thèse inverse, Calvi n’a pas été foutu capable d’en dénicher un représentant pour la défendre. Et même, quand il revient sur le sujet un peu plus tard, il dégotte encore un expert qui « en rajouta sur les médias, en parlant d'une "énorme falsification de l'information", allant jusqu'à dire crûment : "On s'est fait rouler dans la farine avec Alep." »
« La modernité de la brutalité qui se donne à voir à Alep essaie de se faire passer pour la défense de la civilisation face au terrorisme. Elle avance masquée, niant qu’elle n’accorde aucune valeur à l’humanisme et prétextant agir en défense de la légalité. Mais il y a mieux encore pour se donner un air de respectabilité : Bachar El-Assad et son épouse sont “civilisés”, puisqu’ils ont vécu en Grande-Bretagne. La chosification des Syriens constitue l’autre versant de ce mécanisme. Le négationnisme historique également. En réduisant l’histoire du mal en Syrie à Daech, on passe sous silence les dizaines d’années de régime militaire, avec les atrocités de sa répression et son lot de mouroirs. »
Hazem Saghieh Al-Hayat
Leningrad et Stalingrad sont évoquées, alors qu’il s’agissait de combats entre l’envahisseur nazi et l’armée Rouge. Et cette évocation même, pour expliquer que les sièges des villes sont longs et meurtriers, contredit les allégations précédentes sur le caractère très limité (et donc outrageusement exagéré) des dégâts et victimes.
Donc, pour résumer, comme le fait Thomas Legrand, Calvi invite 4 experts aleposceptiques et assadofongibles pour nous déciller sur les falsifications des grands médias et en a invité un 5e de la même tendance pour corriger les 4 premiers. Ce n’est pas du courage, mais de la co……, pardon de la totale incompétence de Calvi qu’il faudrait parler.
Une émission de débats, sans débatteurs !
En complément :
L'article signalé par ti-suisse (voir commentaire) - Syrie. Ce que Bachar El-Assad n’a pas dit aux médias français - recoupe singulièrement les propos des invités de Calvi félicités par J.C. Guillebaud :
"Dans l’entretien en question, le président syrien encourage d’ailleurs les lecteurs français à se méfier des informations rapportées par les médias :
«Je voudrais dire au peuple français que les médias principaux ont échoué dans la majorité des pays occidentaux et que la réalité avait contredit leurs histoires. Il y a des médias alternatifs par le biais desquels tout citoyen français peut chercher la réalité. »
“C’est la guerre”, dit en somme le président syrien pour se dédouaner de ses responsabilités. Mais même la guerre est soumise au respect de certaines règles [...] Bachar El-Assad et ses parrains russes et iraniens ont volontairement visé des hôpitaux, des écoles, des marchés publics, et ont utilisé toutes les méthodes possibles pour venir à bout de leurs opposants."
Extraits Anthony Samrani L’Orient-Le Jour
Á lire aussi : Lettre ouverte du Liban. Pourquoi François Fillon a tout faux sur la Syrie
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