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12 juin 2018 2 12 /06 /juin /2018 20:42
Les 15 000 esclaves hollandaises des Sœurs du Bon Pasteur

Une enquête a mis à jour un réseau d’exploitation de femmes aux Pays-Bas semblable à celui qui fonctionnait en Irlande.

Au moins 15 000 filles et femmes, en majorité des prostituées, des filles mères comme on disait à l’époque, voire des victimes de maltraitance familiale ou des handicapées, ont travaillé, dans des conditions d’esclavage – travail forcé, non rémunéré - entre 1860 et 1973, dans des blanchisseries ou des ateliers de couture sous la coupe de l’ordre catholique des Sœurs du Bon Pasteur, selon une enquête réalisée par le journal NRC.

Les religieuses, dans les établissements baptisés « refuges de l’amour », situés à Almelo, Tilbourg, Zoeterwoude et Gelderland, faisaient fabriquer par leurs esclaves toutes sortes de vêtements. De la robe de bébé à l’uniforme militaire en passant par des camisoles de force pour les hôpitaux psychiatriques ou des tenues spécifiques pour répondre à des commandes de sociétés.

Cet ordre religieux avait été aussi impliqué dans un scandale semblable en Irlande en participant à la gestion des Magdalene Laundries (Blanchisseries Madeleine).

Aux travaux de blanchisserie et de couture s’ajoutait la broderie. Ainsi les archives révèlent-elle que le Bon pasteur réalisa des travaux de broderie pour la maison royale, sans doute pour Juliana, à l’époque princesse (grand-mère de l’actuel roi Willem-Alexander). Lavage et amidonnage du linge du palais het Loo, résidence officielle de Juliana, étaient confiés aux ateliers de l’ordre. Les religieuses fournissaient leurs produits aux hôtels, hôpitaux, particuliers, église et administrations.

Margot Verhagen

Margot Verhagen

L’enquête de NRC comporte des témoignages de nombreuses victimes. L’une d’elle, Margot Verhagen, 85 ans, avait perdu son père pendant la seconde guerre mondiale ; sa mère mourut en 1950, elle avait 17 ans. Elle se retrouva chez une tante, mais peu après des policiers et une fonctionnaire de la protection des mineures l’emmenèrent dans une institution du Bon Pasteur où elle connut des journées de travail de plus de douze heures. Et elle assura au journal que non seulement, elle était soumise à ces travaux forcés, mais qu’elle fut violée par le Recteur de l’institution, viol resté impuni, car ces esclaves n’avaient aucun droit.

Caractère structurel des abus.

 

Ainsi étaient traitées des filles ou femmes « perdues » car enceintes hors du mariage, ou condamnées pour des délits mineurs, ainsi que des orphelines, des enfants abandonnées, des handicapées. Aucun salaire ne leur était versé. Seulement, une fois par an, on leur distribuait des sortes de bons qui leur permettaient de se procurer des friandises et de la nourriture au point de vente de la communauté.

Jo Keepers, fille d’un alcoolique qui la maltraitait, tenta à maintes reprises de s’échapper du centre d’Almelo où elle avait été placée, mais à chaque fois la police l’a ramenée et elle était sévèrement punie par les religieuses, jusqu’à ce que le 20 mars 1960 elle fut enfin libérée.

Jusqu’au début des années 70, les jeunes filles, généralement contre leur volonté, furent placées dans ces institutions par les services gouvernementaux, les associations de tutelle et de protection infantile, voire leurs propres parents.

Plusieurs victimes se retournent devant les juges contre le gouvernement pour faire reconnaître le dommage causé par cette communauté religieuse et réclamer les salaires dus, car elles estiment que l’état est largement responsable du sort inhumain auquel elles ont été soumises.

Si ces recours engagés ont pris une tournure judiciaire, les critiques contre les pratiques des Sœurs du Bon Pasteur ne datent pas d’aujourd’hui. Dès 1930, deux de ces anciennes esclaves ont conté leur douloureux passé. Une dizaine l’ont fait dans des journaux, des heddos et des livres, mais sans réaction officielle, leurs témoignages étant qualifiés de propagande anticatholique. Et c’est ainsi que la situation a perduré jusque dans les années 70.

Les religieuses se sont séparées depuis de ces centres qu’elles dirigeaient. Les dernières d’entre elles, maintenant très âgées, vivent dans des maisons de retraite, mais la congrégation a vendu ses immeubles et propriétés pour des millions d’euros.

Après le début des plaintes judiciaires, la congrégation s’est excusée auprès des victimes, mais se refuse à payer une quelconque indemnisation, en considérant que comme ça s’est passé il y a beaucoup d’années, les faits sont prescrits.

Le travail dans les ateliers de blanchisserie et de couture – un modèle de rentabilité pour enrichir cette congrégation religieuse – était présenté comme un travail de thérapie et de pénitence. La commission qui depuis 2016 enquête enfin sur les violences envers les mineures a relevé des cas d’abus physiques, psychiques et sexuels depuis 1945. L’équipe d’experts a reconnu le caractère structurel de ces abus.

Sans vouloir établir une hiérarchie dans les actes commis par des membres de la sainte église catholique, il est peut-être permis de noter que si les actes de pédophilie ont eu une assez forte fréquence - et surtout furent couverts par une hiérarchie plus soucieuse de l'image de l'institution que du sort des victimes - le martyre subi par ces esclaves, irlandaises, hollandaises mais aussi de nombreux autres pays, avait un caractère massif, systématique, institutionnel ! et s'accompagnait aussi souvent d'abus sexuels. Mais ce scandale, qui frappa des jeunes filles et femmes, est beaucoup moins évoqué. Ainsi de celui-ci dont NRC a rendu compte le 22 mai et dont on ne retrouve, à ma connaissance, aucun écho dans la presse française.

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