Gibraltar - Djebel Tariq, du nom du chef des conquérants, en 711, plus berbères qu’arabes, Tarik ibn Zyad – sous domination britannique depuis 1704, promet d’être un problème épineux, avec le Brexit. Moins, évidemment, que l’Irlande du Nord. Mais cependant compliqué car l’Espagne a obtenu une sorte de droit de veto sur toute solution pour le « Peñon », le Rocher.
L’Espagne revendique comme il se doit la souveraineté sur le « rocher ». Franco, après un référendum à Gibraltar qui avait donné 99,64% de voix pour le maintien dans le Royaume-Uni avait fermé la frontière en 1968. Elle ne sera réouverte qu’en 1985.
Mais l’Espagne revendique toujours sa souveraineté, oubliant qu’elle-même, de l’autre côté du détroit, occupe toujours Ceuta et Melilla plus quelques îlots, revendiqués eux par le Maroc. Mais, bien que des problèmes d’eaux territoriales provoquent souvent quelques tensions, l’aire métropolitaine de la baie d’Algesiras - Algesiras, La Línea, Tarifa, Castellar, Jimena, Los Barrios et San Roque – et en particulier La Linea, connaît des échanges économiques et humains essentiels avec Gibraltar.
96% des habitants du Rocher ont voté contre le Brexit.
Certes les commerces gibraltariens auraient à souffrir d’une nouvelle fermeture des frontières, puisque les visiteurs, très majoritairement espagnols, laissent un peu plus de 160 millions de livres dans les tiroirs-caisses. Mais pour l’emploi transfrontalier ce serait une catastrophe. Rien que La Linea fournit 10 000 travailleurs, ils sont plus de 13 000 en tout.
Catastrophe bien sûr partagée, car Gibraltar pourrait difficilement compenser par un appel à la main d’œuvre marocaine, par exemple. La chute de la livre, après le Brexit, a eu des répercussions immédiates sur l’économie de la baie d’Algesiras, par la baisse du pouvoir d’achat des transfrontaliers. D’autre part, les 27 884 Gibraltariens, bien à l’étroit sur leurs 6,8 km2, sont aussi des clients pour le commerce espagnol et beaucoup possèdent des résidences secondaires tout autour de la baie.
Un Brexit dur serait donc dramatique côté baie d’Algesiras, zone où le chômage est déjà très élevé. Gibraltar, outre la pénurie de main d’œuvre, verrait peut-être son attractivité financière – c’est un des paradis fiscaux de la couronne britannique : 10 000 sociétés immatriculées – amoindri par des mesures de rétorsion de l’UE. Et surtout ses habitants auraient à pâtir d’une restriction de la libre circulation des personnes.
Une solution de co-souveraineté a été envisagée, mais largement rejetée (98%) par les habitants du Peñon. Ils jouissent pourtant d’un statut dérogatoire au sein même de l’UE, puisqu’ils ne sont pratiquement soumis à aucune des politiques communes ni même à l’union douanière. Même si la revendication de cette pièce manquante au Royaume d’Espagne soulève moins de passions patriotiques qu’au temps de Franco, la tentation pour Madrid de jouer l’intransigeance pour des raisons de politique intérieure – détourner le regard d’autres problèmes – est grande.
Et comme la Grande-Bretagne est prête à donner dans le style intransigeant à la Malouines, un grand jeu de perdant-perdant est possible.