Légalisez tout - Legalize It All – écrit Dan Baum dans le Harper’s Magazine* d’Avril ! Car la guerre des drogues, déclenchée par Nixon-le-truqueur, a totalement échoué.
L’invention de la guerre antidrogue était une manoeuvre cynique de Nixon !
Comment les Etats-Unis se sont-ils empêtrés dans une politique de prohibition des stupéfiants qui a provoqué tant de souffrances et donné si peu de résultats ?
C’est le président républicain Richard Nixon, qui a déclaré la première guerre contre la drogue et a engagé le pays dans la voie répressive extrêmement contre-productive qu’il poursuit encore.
“Vous voulez vraiment savoir ce qui s’est passé?” [a dit en 1994 Ehrlichman, protagoniste du Watergate] . “Nixon avait deux ennemis : la gauche pacifiste et les Noirs. Nous savions que nous ne pouvions mettre hors la loi ni les manifestants contre la guerre du Vietnam ni les Noirs. Mais en associant dans l’esprit du public les hippies à la marijuana et les Noirs à l’héroïne, puis en les présentant comme de dangereux criminels, nous pouvions déstabiliser leurs communautés – arrêter leurs dirigeants, perquisitionner leurs domiciles, interrompre leurs meetings et les vilipender chaque soir au journal télévisé. Savions-nous que nous mentions sur leur rapport avec les drogues ? Bien entendu.”
La dépendance aux drogues est certes effroyable, mais elle est rare.
Ce que nous craignons le plus en matière de drogues – la violence, les overdoses, la criminalité – provient de la prohibition et non des drogues elles-mêmes. Et nous ne pourrons jamais gagner sur ce front. Même l’agence fédérale de lutte contre le trafic de stupéfiants (DEA) admet que les drogues qu’elle cherche à éradiquer sont de plus en plus abordables et faciles à se procurer.
“Quand on mène une guerre pendant quarante ans sans la gagner, il faut prendre le temps de réfléchir à d’autres solutions plus efficaces”, a déclaré le président colombien, Juan Manuel Santos.
Une commission de 22 experts médicaux réunis par l’université Johns Hopkins et la revue britannique The Lancet a rendu ses conclusions en mars dans un rapport : les politiques prohibitionnistes menées ces cinquante dernières années “ont directement ou indirectement contribué à des violences meurtrières, des maladies, des déportations de population, des injustices et ont miné le droit des populations à la santé”.
Le Washington Post a retenu quatre de leurs arguments :
– la croissance inquiétante des homicides au Mexique depuis que le gouvernement a décidé de mener une guerre militaire contre le trafic de drogue. Cette augmentation a été si importante qu’elle a grevé l’espérance de vie du pays ;
– l’incarcération excessive, premier facteur de contamination par le VIH et le virus de l’hépatite C chez les consommateurs de drogue ;
– la discrimination raciale induite par l’application des lois antidrogue, notamment aux Etats-Unis ;
– la violation des droits de l’homme dans l’application de mesures punitives, et notamment la torture et le mauvais traitement de prisonniers au Mexique.
Les experts appellent en conséquence à décriminaliser l’usage non violent et la possession de toutes les drogues et invitent les Etats à “basculer progressivement vers un marché régulé des drogues en appliquant une méthode scientifique pour leur évaluation”.
Ils insistent notamment, explique le Washington Post, sur la différence entre la simple consommation de drogue (drug use) et l’abus de drogue (drug abuse). D’après leurs estimations, 11 % “seulement” des consommateurs de drogue seraient réellement dépendants.
"49 % des détenus dans les prisons fédérales étatsuniennes en 2013 l’étaient pour des activités liées à la drogue"
“Nous devons maintenant tenir compte du fait que Washington ne peut plus faire appliquer à l’intérieur de ses frontières ce qu’il prône à l’étranger” dit un expert. Vingt-trois Etats des EU, ainsi que le district fédéral de Columbia [la région qui englobe la capitale fédérale, Washington], autorisent la marijuana à usage thérapeutique et quatre autres – le Colorado, Washington, l’Oregon et l’Alaska – ont légalisé le cannabis. D’autres encore, dont l’Arizona, la Californie, le Maine, le Massachusetts et le Nevada, devraient soumettre la question à un référendum en novembre prochain.
Ainsi le Colorado, depuis 2000, autorise le cannabis thérapeutique, distribué à travers un système de dispensaires privés agréés. Puis, en novembre 2012, le cannabis à usage récréatif a été légalisé. Les citoyens du Colorado de plus de 21 ans pouvaient détenir et consommer du cannabis en toute légalité. Dans le Colorado, l’économie du cannabis légal commence déjà à ressembler à celle de l’alcool : les fumeurs quotidiens ne constituent que 23 % des usagers, mais consomment 67 % de la production. Le marché du cannabis, comme celui de l’alcool, repose essentiellement sur les gros consommateurs. En 2015, le Colorado a engrangé près de 135 millions de taxes sur la marijuana.
En Europe, Les Pays-Bas ont officiellement dépénalisé la consommation et la possession de cannabis en 1976, suivis de près par la République tchèque, l’Italie et l’Allemagne (et, hors d'Europe par l'Australie). Dans aucun cas le cannabis n’a posé de problème sanitaire ou sécuritaire significatif. Mais le cannabis étant une drogue douce qui ne provoque pas de dépendance physique.
Le Portugal, lui, a dépénalisé le cannabis, mais aussi la cocaïne et l’héroïne, ainsi que d’autres stupéfiants. La consommation des adolescents portugais a brièvement augmenté avant et après la dépénalisation, puis elle s’est stabilisée, sans doute lorsque l’effet de nouveauté est retombé. La consommation régulière de drogues dures a également régressé après la dépénalisation, passant de 7,6 ‰ à 6,8 ‰. Le nombre de prisonniers incarcérés pour des délits liés aux drogues a chuté de plus de moitié et ne représente plus aujourd’hui que 21 % des détenus. Comme le préconise le Rapport de la commission mondiale sur la politique des drogues, le Portugal a considéré les drogués dépendants comme des malades et a donc mis en place des programmes médicaux-sociaux.
Le fait que les pouvoirs publics tirent profit d’un produit qu’ils cherchent à décourager peut paraître hypocrite, mais c’est actuellement le cas avec le tabac, l’alcool et les jeux d’argent.
“La vie de toxicomane est un parcours du combattant : trouver un dealer, négocier, trouver un endroit pour se shooter…” Si le système légal réglementé est bien pensé – pour que les drogues soient fiables, que la procédure ne soit pas trop lourde et que les taxes sur les produits ne soient pas trop prohibitifs –, les consommateurs finiront par le préférer au marché noir.
Une guerre lancée cyniquement par un politicien des plus pourris - Nixon - n'a abouti qu'à aggraver la situation en fragilisant notamment toute l'Amérique latine. Faut-il continuer, à coups d'affirmations mensongères comme celles de la Sénatrice Ghali, cette guerre nuisible ?
* D'après la traduction de COURRIER INTERNATIONAL du 14 avril 2016.
Voir aussi Se rendre au lendemain : un rapport sur les politiques canadiennes sur les drogues
Ce rapport examine l’échec accablant des lois sur les drogues au Canada et fournit des recommandations concernant la façon dont nous pouvons améliorer la santé et la sûreté des Canadiens en matière de drogues.
Le rapport constate que l’application de la loi demeure la principale méthode utilisée au Canada pour remédier au problème de l’utilisation de drogues illégales, et que cette confiance excessive envers le système de justice pénale omet toutes les preuves recueillies à l’effet qu’une approche de santé publique face aux drogues serait plus efficace et avantageuse pour les canadiens.
Et voir la prise de position de Justin Trudeau
Une nouvelle note de TERRA NOVA
Contrôler le marché légalisé du cannabis en France - l'exemple fondateur de l'ARJEL -
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