Par quel hasard ai-je découvert José Antonio Moreno Montoya, photographe espagnol, dans une série de clichés qui, comme il le dit, réutilise des images religieuses classiques, mais, avec une intention clairement transgressive qui inverse leur signification profonde ?
Bien que les deux artistes soient sans doute éloignés dans leur conviction – l’un s'affirme, quoiqu’en pensent les cagots, croyant, l’autre vraisemblablement athée – comme dans leur art, cette série de Montoya m’a évoqué le Serrano victime des intégristes à Avignon.
Né à Badajoz en 1953 – il aura ainsi dû subir une éducation catho à la mode franquiste – JAM Montoya est resté attaché à l’Estrémadure. Et si l’on en croit son autobiographie, dès l’âge de 16 ans il fut attiré par la photographie et s’est libéré de l’oppression du péché.
Cette courte autobiographie comporte une anecdote où il dit avoir souffert d’un accident du travail, ou qu’on peut considérer comme tel, durant une conversation avec un critique d’art qui lui a sorti tant de balivernes que son testicule gauche a éclaté… de rire !
Cependant, outre son œuvre photographique, Montoya donne des cours à l’Université d’Estrémadure sur l’interprétation photographique de la lumière ou sur la conservation du patrimoine photo et des conférences sur la créativité ou bien sur science, art et religion, notamment. Cet autodidacte a aussi contribué à des innovations techniques avec de nouveaux procédés de photomontages ou de manipulation de l’image (Proceso CUFY y Sistema de Altura, materializados en sus series fotográficas El Espacio Integrado (1985) y Gestáltica (1988)).
Sanctorum (2003)
Sanctorum est l’œuvre qui a déclenché l’ire des héritiers du franquisme, du Parti popular (PP) et la hiérarchie de l’église espagnole (les trois se recoupent largement).
Le PP a lancé, en 2007, l’offensive en reprochant à la région d’Estrémadure d’avoir participé à l’édition du catalogue de « Sanctorum » en 2003. Catalogue qui commençait avec un texte de Eulalia Martínez Zamora intitulé ironiquement “Achtung! Entartete Photographie”, en allusion à une exposition nazie de 1937 d’œuvres dites « dégénérées ». PP qui parla d’images nausébondes et scatologiques de Jesus-Christ et de la vierge Marie ! Puis ce fut un « Centre juridique Thomas More », fondé par un ancien ministre de Franco, qui porta plainte pour délit contre les sentiments religieux, prévu par un article du code pénal.
La hiérarchie catholique emboîta le pas avec l’archevêque de Mérida se disant profondément blessé par ces images pornographiques, insultantes et blasphématoires. La Conférence épiscopale espagnole en rajouta une couche épaisse d’obscurantisme avec notamment une déclaration de son vice-président se répandant sur la chère, noble et chrétienne Estrémadure, si aimée de la vierge de Guadalupe, humiliée et outrée ! Le cardinal archevêque de Séville, Carlos Amigo Vallejo qualifia l’œuvre d’incroyablement abominable. Le nonce apostolique du pape, Manuel Monteiro de Castro, considéra que « les choses sacrées doivent être traitées sur un mode sacré » et, s’érigeant en critique d’art, déclara que les photographies de Montoya n’avaient aucune valeur artistique ! Le Président des musulmans de Cordoue* en profita pour se mettre au diapason de l’indignation en disant que ceux qui se prétendent artistes ne peuvent se prévaloir de la liberté d’expression pour offenser la religion.
Tout ce cirque politico-clérical, déclenché avec 4 ans de retard, était lié à des élections territoriales en Estrémadure.
Montoya rappela que si une personne se prétendant catholique ne supporte pas de voir des images artistiques nul ne l’oblige à entrer dans une exposition de photos susceptibles de blesser sa sensibilité. Son but, dans Sanctorum, mais aussi dans une grande partie de son œuvre, est d’exalter la sexualité, indépendamment d’une quelconque croyance ou religion : le sexe, c’est la vie ; la religion catholique est obessionnellement attachée à le nier.
Serie Negra (1990)
Une autre série, série noire, avait fait scandale. Montoya présente cet ensemble d’images comme uniquement centré sur une thématique sexuelle et scatologique. Mais en même temps, il s’en prend implicitement à une société qui sous une apparence de moralité et de religiosité est en fait basée sur l’hypocrisie. Et explicitement à une société de consommation dont les publicités nous bombardent des stéréotypes de femmes-mannequins célestes et parfaites : rejoignant le Malraux préfacier de « L’amant de Lady Chatterley », il nous rappelle que même les plus belles femmes chient !
L’œuvre photographique de JAM Montoya est plus diverse encore. Ce maître du noir et blanc s’est lancé dans la couleur et il est un des rares artistes à présenter sur son site plus que des échantillons, mais des séries complètes.
* Rien à voir avec les bâtisseurs de la Grande Mosquée et leurs successeurs, tous expulsés (ou persécutés en tant que morisques) après la reconquista chrétienne. Faut-il rappeler au passage que le sulfureux groupe Forsane Alizza (qu’est-il donc devenu ?) avait été vu manifester, en octobre 2011, aux côtés de manifestants catholiques d'extrême-droite, lors des représentations de la pièce de Romeo Castellucci 'Sur le concept du visage du fils de Dieu' au Théâtre de la Ville ? Intégristes de toutes obédiences, « tous unis dans un même élan » d’intolèrance.
Sources : Outre le site de Montoya,
- http://gfriedrich.blogspot.fr/
- http://www.vivirextremadura.com/2011/04/si-una-obra-gusta-masivamente-es-que-te-has-equivocado-jam-montoya-fotografo/
- http://www.taringa.net/posts/arte/14853367/JAM-Montoya---Sanctorum-_2003_.html
- http://ateosis.blogspot.fr/2009/11/jam-montoya-angel-indomito.html
- http://ateosis.blogspot.fr/2007/04/jam-montoya-bomba-poltica-y.html
"El Mundo", journal de droite, a appuyé la campagne du PP en 2007
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