Bizarrement c’est sur la page fessebouc d’un grand laïque (devant l’éternel ?) que je tombe sur un titre du Figaro*, pieusement illustré, clamant 46 % des Français se disent catholiques. Une enquête de l’IFOP, commandée par une officine toute récente, l’observatoire français du catholicisme. Sauf que, à la 1ère question, 59 % des sondés disent ne pas croire en dieu ! Comme un petit problème arithmétique, à moins qu’il y ait des catholiques agnostiques.
La Vie – ex Vie catholique – si elle a une titraille à l’eau tiède (mais bénite) sur une église minoritaire mais qui se réaffirme - démarre son article sur le vrai résultat de ce sondage : La tendance se confirme : de moins en moins de Français déclarent croire en Dieu. À la question « Croyez-vous en Dieu ? », d’après une étude de l’Ifop publiée le 2 juin 2025, 59 % répondent non, contre 51 % en 2021.
Alors d’où vient le paradoxe de ces 46 % ! De la question posée « A quelle confession religieuse ou école de pensée estimez-vous appartenir ? ». Outre quelques non croyants d’une mouvance zemmouristes se rattachant à de pseudos « racines judéo-chrétiennes », d’autres se rattachent eux à la religion de leur enfance, même si, non croyants, ils ne la pratiquent plus du tout.
Et seuls 4 % des sondés disent appartenir à l’islam, loin donc du grand remplacement annoncé ! Même si les données de l’INSEE (parues en 2023 mais sur des chiffres de 2019-20) ne portent que sur les 18-59 ans, elles ne sont pas du tout raccord avec celles de ce sondage, puisque à la question claire sur l’affiliation religieuse 29 % se disent catholiques, 10 % musulmans et 9 % d’une autre religion chrétienne.
D’autres questions sont un peu biaisées. Ainsi de la fréquentation des églises par les Français où s’affiche un 96 % qui n’a rien de miraculeux. Et oui, l’anti-calotin athée que je suis, aurait dû avouer avoir assisté à une cérémonie religieuse : c’eût pu être un mariage, ce fut hélas un enterrement ! Et moult de mes contemporains, qui n’appliquent pas la technique de M.R., s’affichant sur le parvis, paraphant le registre de condoléances, puis se repliant discrètement sur le bistrot le plus proche, avant de s’afficher à nouveau à la sortie, ont assisté à une cérémonie religieuse pour le décès d’un proche. Autre exemple de question du coup sciemment biaisée : « Vous arrive-t-il de prier ou de méditer ? » comme si l’un et l’autre était synonyme.
En revanche une réponse à la question Estimez-vous que l’expression par un individu de sa croyance religieuse soit légitime dans l’espace public (c’est-à-dire dans la rue, les transports en communs…) ? où une majorité (54 %) répond Non, car l’espace public doit demeurer neutre de tout témoignage religieux témoigne d’une méconnaissance inquiétante de ce qu’est la laïcité qui ne prescrit que la neutralité de l’état donc des services publics. Méconnaissance en même temps de l’article 18 de la déclaration universelle des droits de l’Homme « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu’en privé, par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites. »
L’IFOP s’est sagement plié aux désirs de son client, ce tout nouveau Observatoire français du catholicisme (OFC), lancé le 2 juin 2025. Cette nouvelle organisation privée, nous apprend La Vie, à laquelle collaborera l’Église de France, veut offrir « une meilleure compréhension » de l’Église catholique à un public catholique engagé sur le terrain et demandeur, explique Aurélie Pirillo, directrice de l’OFC. Elle est aussi responsable du Groupe d’études sur les chrétiens d’Orient et les minorités persécutées à l’Assemblée nationale.
Sera-t-on surpris d’apprendre que, parmi les généreux mécènes de cette officine, figure le Fonds du bien commun, créé par le milliardaire et entrepreneur catholique Pierre-Édouard Stérin, médiatisé en particulier depuis juillet 2024 et son annonce de lancement du projet Périclès, visant à soutenir les « valeurs » et l’union « des forces de droite » plutôt extrême !
* Le Figaro, sans doute conscient du côté caricatural de son titre et de son illustration, a mis beaucoup d’eau dans son vin de messe dans sa mise à jour avec une titraille plus vague.
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