Mon précédent article déplorait l'absence de réactions de tibétologues distingués. Elle s'est faite attendre, mais elle est là claire, précise, dans le Libé de ce jour. Elle confirme que Dispot s'est contenté d'accommoder avec son style néo-pompier la propagande post-maoïste
Quelques extraits :
Réponse sur les liens entre le dalaï-lama et les nazis
Anne-Marie Blondeau directeur d'études émérite, Ecole pratique des hautes études, Katia Buffetrille anthropologue, Ecole pratique des hautes études. Françoise Robin enseignante, Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco), section Tibet et Heather Stoddard professeur, Inalco, section Tibet.
Le mythe de la connexion entre le Tibet et les nazis est une création d'auteurs français : le premier, Teddy Legrand publia en effet en 1933 un roman intitulé les Sept têtes du dragon vert dont un passage fut repris et développé par Louis Pauwels et Jacques Bergier dans leur célébrissime le Matin des magiciens (1960).
Dès les années 30, toutefois, Himmler, dont les idées mystiques et ésotériques étaient très fortement décriées par Hitler pensait que des descendants de l'Atlantide avaient migré pour fonder une grande civilisation en Asie centrale. Il proposa son aide à Ernst Schäfer (1910-1992), chercheur allemand qui désirait monter une expédition scientifique au Tibet. Schäfer refusa les pseudo-chercheurs que Himmler voulut lui imposer et l'expédition ne fut finalement pas financée par les SS.
L'expédition de Schäfer au Tibet (1938-1939) atteignit Lhassa le 19 janvier 1939 et y resta deux mois. Schäfer rencontra le régent, Reting Rinpoché. Sur l'insistance du scientifique allemand qui voulait une preuve de son succès, le régent adressa une simple lettre de courtoisie et quelques présents à Hitler. Malgré cela, il n'y eut jamais de contact officiel entre le gouvernement tibétain et les nazis.
Il semble que Laurent Dispot, dans le texte publié le 25 avril dans Libération, ait confondu deux personnages : Ernst Schäfer, le scientifique, et Heinrich Harrer, l'alpiniste Ce dernier, ayant rejoint les SS en 1938 dans le cadre sportif, quitta l'Allemagne un an plus tard pour une expédition d'alpinisme au Nanga Parbat (aujourd'hui au Pakistan). Il fut capturé, à Karachi, ainsi que tous ses compagnons par les Britanniques, trois jours avant le début de la guerre. Avec un compagnon de captivité, il s'échappa en 1944 et atteignit Lhassa en janvier 1946. La première entrevue entre Heinrich Harrer et le dalaï-lama n'eut lieu qu'en 1949. Ils se rencontrèrent ensuite durant un an avec l'autorisation du gouvernement tibétain qui encourageait ainsi l'ouverture du jeune hiérarque sur le monde extérieur, et ses dispositions pour les connaissances techniques. Néanmoins, aucune source n'a jamais fait apparaître Harrer chargé d'une mission par Hitler. Heinrich Harrer quitta le Tibet en 1951, à la suite de l'invasion chinoise.
Le texte de Dispot, comme tous les autres textes de cette sorte, relève de la théorie du complot. Il n'est pas étonnant qu'au moment des événements tibétains ces idées ressurgissent. Cependant, elles sont infondées scientifiquement.
http://www.liberation.fr/rebonds/324777.FR.php
N.B. : Deux nouveaux articles – Appel laïque et Pédagocrates – ont été ajoutés au Bêtisier laïciste
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