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1 février 2018 4 01 /02 /février /2018 18:26
Chili : sexe sans pénétration

Entre de nombreuses affiches de faces encagoulées ou de poings levés se détache une modeste affiche en noir et blanc qui dit : « PÉNÉTRATION=EXPLOITATION Le sexe est capitaliste ». Un slogan extrêmement raisonnable, si on y réfléchit bien. Il est difficile dans le sexe hétérosexuel, ou homosexuel entre hommes, que le plaisir n’implique pas quelque forme de violence, d’expropriation et d’appropriation. Comment arriver alors à ce que le sexe ne soit pas une invasion, une aliénation, un corps qui reçoit et un autre qui transmet ?

Des collectifs comme Famosa Feminista Local de l’Université du Chili proclament que « le macho mort ne viole pas » et que leur corps est « leur champ de bataille » et, pour autant, aveu difficile à assumer, quoiqu’elles disent des hommes « elles apprécient la pique », comme les jeunes chiliennes nomment le pénis.

Los hombres, esos seres despreciables, inconscientes, ignorantes, algunos absolutamente idiotas, perversos y, al mismo tiempo, deliciosos.

Les hommes, ces êtres négligents, inconscients, ignorants, certains absolument idiots, pervers et, en même temps, délicieux.

Pendant des années la réponse de la femme hétérosexuelle féministe radicale fut de séparer le pénis de l’homme, pour jouir du premier sans avoir à payer le prix de supporter le second.

Depuis, d’autres ont décidé d’inverser l’équation et d’accepter l’homme mais d’éviter le pénis. Ce sont des formes d’amour sans pénétration, des formes de sexe dégénitalisé  qui promeuvent de larges périodes de chasteté à deux comme une façon de rééduquer le mâle patriarcal, et, qu’on le croit ou non, pour, d’une certaine façon, épargner à l’amour quelque soupçon d’hétéronormalité.

Chili : sexe sans pénétration

Sentiments déchaînés et corps qui seulement se frottent

Amour sans sexe ou sexe sans sexe, sentiments déchaînés et corps qui seulement se frottent, sur le campus Juan Gómez Milla, où se trouve la Faculté des Arts, Philosophie, Humanités et Communication de l’Université du Chili, cette forme d’amour a proliféré de façon inattendue. Paradoxalement, dans les couples, ce sont les hommes qui ont tendance à se vanter du nombre de mois qu’ils ont passés avec leur bien-aimée sans tomber dans les rôles assignés par la norme : elle, du vagin pénétrable, lui, du pénis pénétrant.

Un néo-catharisme

Peut-être ne savent-ils pas qu’avec un vocabulaire parfaitement radical, ils font revivre non seulement les pratiques mais l’argumentation avec laquelle le catharisme séparait l’amour du sexe en plein XIIe siècle. L’amour courtois pour des belles intouchables était un moyen de se défendre des mensonges d’un monde matériel créé par le diable. Des mouvements aussi distincts que le véganisme, l’évangélisme radical, le fondamentalisme musulman et certaines branches du féminisme radical partagent avec le catharisme une vision gnostique du monde.

Les Bons Hommes […] étaient vêtus de robes de bures et de sandales, vivaient de mendicité, et prêchaient la doctrine Cathare. Ils ne mangeaient pas d’aliment « issus du Coït animal », refusaient le mariage, et étaient appelés « Bons Hommes » parce qu’ils menaient, pour les Cathares, une vie exemplaire.  […] Il n’y avait pas de ségrégation sexuelle puisque les femmes pouvaient très bien être des Bonnes Femmes (l’une des plus célèbres fut Esclarmonde de Foix, sœur du comte de Foix).

…Ils vivaient en communauté, et observaient un jeûne strict au pain et à l’eau tous les deux jours, ainsi que trois jeûnes annuels. Ils ne consommaient pas d’oeuf, de lait, de fromage, ou de viande, mais ils mangeaient du poisson, nourriture Divine par essence.

La société cathare

Le diable peut être baptisé capitalisme, patriarcat, Occident, chrétienté : de plus en plus de jeunes semblent trouver comme unique réponse à ce supposé mal que de ne pas laisser entrer nourritures, idées, corps étrangers. Les cathares savaient que le plaisir physique ouvre la porte à un ennemi disposé à nous faire retomber dans les mensonges du monde. Au cœur de leur système, les cathares prônaient dans ce siècle et dans les siècles antérieurs que c’était justement le sexe qui nous obligeait à nous mélanger avec des gens que nous n’apprécions pas, que de nombreuses fois nous savions ne pas nous convenir, mais que cette diabolique magie de l’attraction sexuelle nous précipitait vers eux.

Le sexe corrompt les meilleures intentions. Ce sexe qui si souvent est un marché, une corrida, une torture, une prison, un purgatoire, un enfer et… un paradis !

 

 

Librement adapté d’El País semanal

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