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30 novembre 2011 3 30 /11 /novembre /2011 18:41

intouchables2

Festival de pisse-vinaigres en mal de notoriété. Se payer « Intouchables » donne droit pour un professeur de philo – mais de classes préparatoires, quand même – à une page de Libé* et à un observateur indépendant (?), plus modestement (mais il y a son rond de serviette) à l’hospitalité du + du Nel Obs.

 

Que serinent nos redoutables censeurs ?  un mélo qui ne s’assume pas et qui se déguise en comédie, du mélodrame en barre. L’ouverture du film, plan serré sur les visages, silence, complicité, piano romantique (dont la bande-son use à outrance, comme dans les mélodrames les plus lacrymogènes), fixe l’ambiance : sentimentalisme et désinvolture (un écho à Amicalement vôtre…). La mièvrerie plutôt que la complexité, les bons sentiments plutôt que l’analyse. C’est le contraire d’un film coup de poing, d’un film clair et politique  Citations croisées.

 

Notre prof de philo méprise ce public  dont les rires énormes (…)  attestent une jouissance sadique par procuration ; pour qui cette mélasse mièvre et bien-pensante, c’est un soulagement de voir que richesse ne rime pas avec bonheur.

 

Les acteurs ne valent pas tripette :  Omar Sy, le grand black qui joue sa propre caricature dans le SAV sur Canal+ (…) rit et roule les yeux comme un blanc s’attend à voir rire et s’étonner un noir, et au bout du compte, il ne parvient pas à décoller de lui l’image d’Oncle Ben’s (…). Driss est un bon gars, un type simple (…) des manières grossières certes mais attachant. Et puis c’est un Noir, un bon garçon qui aime rire : un grand enfant, encore un qui n’est pas «entré dans l’histoire», comme disent les racistes à col blanc qui font les importants.

 

Une telle histoire, même si elle est vraiment arrivée à un pauvre parmi 10 millions d'autres, sonne faux et ne peut être ressentie, chez les plus révoltés, chez les plus désespérés, chez les plus marginalisés, que comme une provocation supplémentaire. Et oui, l’histoire est vraie (mais le documentaire qui la racontait ne valait rien non plus, évidemment), mais elle sonne faux. Là c’est l’observateur indépendant qui sait ce que ressentent les plus désespérés, etc. Mais le prof ne se fera pas déborder par ce « ressenti » qui fait un peu appel aux "affects" : il dit à peu près la même chose mais en se situant à un tout autre niveau, celui de la lutte des classes, de la violence par laquelle les bourgeoisies ont accaparé les richesses, les moyens de production et le pouvoir politique, de l’histoire des décisions et des actes qui ont conduit à ces zones de relégation et à y enterrer vivantes des générations d’exclus, d’oubliés, d’humiliés, des générations entières qui se délitent dans le chômage organisé.

 

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Notre Vadius et notre Trissotin ont donc fait assaut de cuistrerie. « L’ai-je bien descendu ? » se sont-ils dit après parution.

 

Eh oui : « Intouchables » n’est pas de Ken Loach. C’est un film comique qui joue, avec talent, de mon point de vue, sur la corde raide d’une histoire d’amitié improbable qui aurait pu être un mélo mais qui n’en est pas un, grâce au rire. Les personnages sont bien dessinés, à commencer par celui de Driss. Les acteurs – et pas seulement Omar Sy et François Cluzet – toujours de mon point de vue de bête spectateur qui a ri sadiquement, sont remarquables. La réalisation est de bonne facture avec quelques morceaux de bravoure (course poursuite avec la police, orchestre puis danse, envolées dans la montagne et la promenade nocturne qui se termine par l’échange de confidences au petit matin…).

 

C’est sûr, les chances pour qu’un certain Abdel et le Prince Pozzo di Borgio – tétraplégique après un vol de parapente terminé en vrille – se rencontrent, étaient à peu près aussi grandes que de gagner au loto. René Clair a fait un film sur un gagnant de la loterie (Le Million). Faut-il reprocher à Claude Sautet (et encore plus à Yves Robert, mais je crains que nos procureurs le détestent) de se complaire le plus souvent dans la description d’un milieu bourgeois, comme Claude Chabrol, d’ailleurs, mais dans un tout autre registre, en oubliant la lutte des classes ?

 

« Intouchables » raconte une histoire qui ne se veut pas édifiante. Il n’est évidemment pas une illustration de la vulgate marxiste. Son succès n’était pas assuré. On peut ne pas l’aimer, le critiquer, mais pas obligatoirement le descendre. On a aussi le droit de l’apprécier sans que ce soit le moins du monde déshonorant.

 

Mais ce double réquisitoire trahit ce qu’il prétend dénoncer. S’il ne s’agissait d’un héros black (ou beur, dans la réalité), aurait-on subi cette allusion à « uncle’s ben », aurait-on dit qu’Omar Sy jouait le « grand enfant » ? Aurait-on d’ailleurs nié son talent d’acteur ? Il est des accusations qui en disent plus sur les accusateurs que sur ceux qu’ils visent.  

 

 

* Il est vrai que Libé n'a pas lésiné pour descendre en flammes sur deux pages "Intouchables" avec un acharnement assez rare qui confinait à la haine. Le prof de philo en rajoute donc une couche sans grande originalité... Et ça continue avec "la preuve par l'oeuf" de Marcela Iacub !

                                                                     

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