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27 octobre 2015 2 27 /10 /octobre /2015 15:45

Sanctum Praeputium

Dans un article du 8 mars 2014, j’évoquais la recherche de l’ADN de dieu à partir du prépuce de Jésus. Article bien trop timide, car un passionnant résumé de l’histoire du Saint-Prépuce émet l’hypothèse d’un clonage du Christ. 

Indiana Jones, au lieu de se lancer à la recherche de l’Arche perdue aurait mieux fait de se lancer en quête du Saint-Prépuce !

 

     Nous le savons grâce à Luc et son évangile, le petit Jésus, fut circoncis à 8 jours. Ce n’est qu’en 567 que l’église décida de fêter cette cérémonie le 1er janvier par un jour férié.

Mais comment cette chair sacrée a-t-elle pu traverser les siècles ? Un évangile apocryphe conte que la vieille femme qui avait procédé à l’ablation avait gardé le prépuce dans un vase d'albâtre rempli d'huile aromatique de nard, parfum capiteux. Elle le donna plus tard à son fils en lui demandant de ne jamais le céder même pour 300 pièces d’argent. Bien sûr le gaillard n’eut de cesse que de le vendre à Marie-Madeleine. Et c’est avec cette huile qu’elle oignit les pieds de Jésus puis les essuya avec ses cheveux ! Mais du coup on perd la trace du prépuce !

L’anneau de Saturne

Le destin de ce morceau de peau a suscité de graves débats théologiques. Pour certains, il serait monté au ciel avec Jésus ressuscité. Mais d’autres pensent que le prépuce, comme les poils rasés, les rognures d’ongle ou les selles, toutes ces parties du corps non essentielles, seraient restées sur terre. Enfin, beaucoup plus original, le théologien grec Leo Allatius, qui, dans “De Praeputio Domini Nostri Jesu Christi Diatriba” (discussions sur le prépuce de notre Seigneur Jésus Christ), a proposé une autre hypothèse : le prépuce monté au ciel par ses propres moyens se serait transformé en anneau de Saturne !

La foire aux reliques

Le Moyen-Âge connut un véritable engouement pour les reliques. Chaque église se devait d’avoir la sienne pour attirer les pélerins et leurs dons. Elles étaient classées en trois catégories. La première classe était bien sûr un morceau du saint lui-même. La seconde des affaires lui ayant appartenu. Enfin, faute de mieux, des objets qu’il aurait touchés.

 

Parmi les reliques les plus insolites on trouvait un soupir de saint-Joseph, enfermé dans une bouteille dans une église de Blois, et encore mieux un éternuement du saint-Esprit dans la paroisse de San Frontino ! Plus matérielles sont les pierres qui ont servi à lapider saint Stéphane ou les flèches qui percèrent saint Sébastien. On trouve aussi une oreille de saint Pierre, les seins de sainte Agathe, 60 dents de saint Jean-Baptiste… Plus insolite encore : les plumes des ailes de l’archange Gabriel.

Mais, évidemment, tout ce qui touche Marie et Jésus est hors classe.

Le voile de Marie mais aussi des gouttes du lait dont elle a nourri le divin enfant et ses larmes ont été retrouvées. Dans un inventaire à la Prévert on trouve les restes de poisson de la pêche miraculeuse et les paniers de la multiplication des pains, le collier de l’âne sur lequel Jésus fit son entrée à Jérusalem, les trente deniers de Judas, pas moins de huit cents épines de la couronne du Christ et trois lances qui ont percé son flanc, les clous et les morceaux de la vraie croix à profusion ! La cathédrale de Murcie se flatte de posséder un poil de la barbe de Jésus. Mais il existe aussi trois cordons ombilicaux et 500 dents de lait de l’enfant Jésus ! Quant au sang du christ, il doit y en avoir des décalitres dans la chrétienté.

Le prépuce gage de fécondité

Mais le prépuce, morceau du pénis divin, symbole de fécondité, est la vedette des reliques ! L’impératrice byzantine Hélène avait apporté à Rome la pierre sur laquelle le Christ avait été circoncis, ainsi que le couteau (qui s’est dédoublé puisqu’on en trouve un à Compiègne et l’autre à Maastricht). Mais, comme on l’a vu, il revint à Charlemagne de rapporter le saint Prépuce même d’un pélerinage au Saint-Sépulcre et d’en faire don au pape en l’an 800 !

  Sauf que les belges prétendent que Godefroid de Bouillon l’avait emporté lors de la 1ère croisade, puis cédé à Baudoin, pas l’époux de Fabiola mais le roi de Jérusalem. Et son chapelain en aurait fait don ensuite à l’église Sainte-Marie-la-Glorieuse à Anvers. Lorsqu’il déposa la sainte chair sur l’autel, l’évêque de Cambrai qui célébrait la messe vit trois gouttes de sang s’en échapper, preuve irréfutable que c’était bien le saint petit bout de peau. Malheureusement, en 1566, avec la Réforme protestante, la relique disparut à jamais.

Le prépuce-land !

La France est riche en prépuces divins. Ainsi celui de Saint-Coulomb que Catherine de Valois, épouse d’Henri V d’Angleterre, avait emprunté pour porter remède à son infertilité et qui n’est jamais revenu chez les moines locaux.

Conques, sur le chemin de Saint-jacques, a, dans ses nombreuses reliques, un petit coffre qui contiendrait la vraie chair du Christ.

Mais le prépuce le plus fameux de France fut sans doute celui de Charroux, en Poitou. Le monastère qui se flattait aussi de posséder le crâne de Jean Baptiste, les cordes qui avaient lié Jésus et les épines de sa couronne, aurait reçu la précieuse relique de Charlemagne encore. Mais un incendie détruisit le monastère. Les moines tenaces le reconstruisirent et grâce à quelques documents falsifiés assurèrent que le monastère avait été fondé par Charlemagne lui-même en 799 et qu’il lui avait confié l’authentique prépuce avec en prime un morceau de la vraie croix ! Leur opération de marketting fut une réussite et Charroux se transforma en une sorte de parc d’attraction, un prépuce-land !

Le Saint-Prépuce a été mis, si j’ose dire, à toutes les sauces.

Ainsi Catherine de Sienne, la sainte patronne de l’Italie, s’est mariée mystiquement avec Jésus. Dans une vision, la vierge Marie l’a présentée à son fils qui, pour marquer ce mariage, lui a fait don d’un anneau, confectionné avec la peau de son prépuce*, en lui disant : « Reçois cette alliance comme preuve que tu es mienne et que tu seras mienne à jamais » ! La sainte affirma donc qu’elle avait au doigt ce prépuce de son seigneur. Mais malheureusement il n’était visible que d’elle. Cependant, des dévotes, en contemplation devant les reliques de la sainte, prétendent avoir vu l’anneau de chair.

Une nonne autrichienne, Agnès Blannbekin, lors de la célébration de la fête de la circoncision, le 1er janvier, elle, a senti le saint-prépuce sur sa langue ! D’après son confesseur, un bénédictin, elle avait eu ainsi la révélation que le prépuce était ressuscité le jour de la résurrection du Christ. Si grande était sa suavité que quand Agnès eut avalé la petite peau, elle sentit une douce transformation de tous ses membres.

 

* Un jésuite, Salmerón, pense lui que cet anneau a été fabriqué par le saint-esprit à partir du très pur utérus de Marie.

Le vrai prépuce révélé par Marie

Dans cette profusion, comment décider quelle était la relique authentique ?

Ce fut la vierge Marie elle-même qui le révéla à la sainte Brigitte.

La précieuse membrane se trouvait bien à Rome. Sauf qu’en 1527, le sac de Rome par les troupes de l’empereur Charles Quint a entraîné le pillage des reliques. Et c’est ainsi qu’un mercenaire allemand, remontant chez lui, fut capturé par des paysans du village de Calcata. Ils l’ont emprisonné dans une sorte de grotte. Et des années plus tard, le curé, intrigué par le comportement des animaux du village qui s’arrêtaient devant la grotte et grattaient le sol de leur sabot, décida de l’inspecter. Il découvrit une boîte en argent caché sous la paille. A l’intérieur, outre un orteil de saint Valentin, une dent et un morceau de la mâchoire de sainte Marthe, il y avait ni plus ni moins que le saint Prépuce de Jésus. L’un des deux prélats, dépêchés par Rome, en testant l’élasticité de la chair déclencha une tempête. C’était donc bien l’authentique prépuce divin !

Finalement les papes décidèrent de laisser la relique dans le village, avec en prime une indulgence pour les pélerins. Tout allait donc pour le mieux pour Calcata. Jusqu’à ce que, en 1856, à Charroux, en abattant un mur, un ouvrier mit à jour des vestiges cachés, soit pendant les guerres de religion, soit sous la Révolution. Et les croyants poitevins de prétendre avoir retrouvé le saint Prépuce.

Mais le pape Pie IX a d’autres chats à fouetter que de trancher entre Calcata et Charroux, tout occupé qu’il est de combattre la laïcité et la Franc-Maçonnerie. Finalement, en 1900, le pape Léon XIII interdit, sous peine d’excommunication, de parler du saint-Prépuce ! Calcata continua cependant, au 1er de l’an, la folklorique procession de la relique.

On a volé le prépuce !

Après un tremblement de terre désastreux à Messine (1908), il fut décidé d’abandonner la cité de Calcata située sur une faille sismique, et de construire un nouveau village. Mais dans les années 1960, la vieille cité délabrée, où ne vivaient plus que quelques vieillards et des chats, fut investie par des artistes et hippies. Si bien qu’aujourd’hui, le vieux village historique est devenu un lieu touristique avec restos et galeries d’art. Au grand bénéfice des ex-hippies qui avaient acquis les demeures vouées à la démolition pour une bouchée de pain.

Le 1er janvier 1983, Dario Magnoni curé de la paroisse de Calcata annonça à ses fidèles que la sainte relique ne pourrait être exposée à leur dévotion car des mains sacrilèges l’avait dérobée dans sa chambre. Coïncidence qui n’allait pas manquer d’alimenter les thèses complotistes, au même moment Ronald Reagan renouait les relations diplomatiques – interrompues depuis 1868 – avec le Vatican.

Les hypothèses allèrent bon train. Le prêtre lui-même fut suspecté d’avoir vendu la relique. Pour d’autres, le prépuce avait déjà disparu à l’occasion d’une exposition à Rome et depuis don Dario promenait un reliquaire vide aux processions. Pour d’autres le vol remonterait aux nazis. Ou alors c’était des membres d’une secte satanique de Turin, ville magique, appartenant à la constellation des sites ésotériques, comme Bruges, Stonehenge ou La Mecque. Avec sans doute la complicité des hippies locaux.

David Farley, dans un documentaire de la National Geographic, rend compte d’une autre hypothèse à double détente. Ce serait le Vatican qui, effrayé par les progrès de la datation par le carbone 14, aurait décidé de faire disparaître le seul vestige du corps du Christ resté en ce bas monde. Mais se greffe une autre hypothèse ô combien plus séduisante, émise déjà par un best-seller italien, La maledizione di Christo, d’Alessandro Scannella, celle d’un clonage dans des laboratoires cachés dans les caves du Vatican !

Il ne restait plus qu’à imaginer le pape entouré de néo-nazis illuminati sataniques, manipulés par la CIA de Reagan qui comme chacun sait est un hybride de lémurien extra-terrestre et d’humain, pour imaginer ce que va devenir le clone de Jésus, dans de telles mains !

   Cependant Farley a écarté cette si palpitante hypothèse. Ses investigations historiques lui ont fait découvrir un Cybo (les Cybo sont une riche famille italienne qui a donné un pape et un cardinal à l’église) qui possédait en 1723 une des plus riches collections de reliques. Entre autres, il avait un poil (pubien ?) et du lait de la Vierge, des os de ses parents (à la Vierge pas à ce Cybo), la colonne vertébrale de saint Paul, un os de saint Pierre. En amateur de reliques, il alla vérifier à Calcata s’il y avait vraiment le saint Prépuce. Quand il en eut la certitude, il proposa à l’évêque du diocèse de lui offrir un reliquaire de luxe en échange d’un morceau de la peau de zob ! Il aurait tout légué à l’église Sainte-Marie-des-Anges de Rome. Hélas, le curé de l’église lui avoua que toutes ces vieilleries médiévales qui n’intéressaient plus personne avait été bazardées.

Et, pour tenter de conclure son enquête, il réussit à rencontrer Don dario, le curé du bled, qui lui confessa, après quelques verres, qu’à vrai dire, pour lui, cette histoire de prépuce n’était qu’une vaste connerie.

Il en avait sans doute eu marre de faire le clown en procession avec son reliquaire bidon tous les 1er janvier et avait inventé ce vol.

 

La fabrication d’un clone dans un laboratoire clandestin caché dans les caves du Vatican, ça avait plus de gueule que cette enquête qui se termine en queue de poisson, même pas tiré des filets de la pêche miraculeuse.

 

 

Voir aussi :

El Santo Prepucio y su extraña historia.

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